Quoi de mieux pour évoquer une pierre angulaire du black metal de la trempe de « Blood Fire Death » - que la plupart s'accorde également à voir comme l'acte fondateur du Viking metal - que de mettre sur l'affaire un membre de la Thrasho team ayant à son palmarès des chroniques d'albums de
Blessed By a Broken Heart,
Mindless Self Indulgence ou encore
Clawfinger, hein, je vous l'demande ? Rien de tel pour poser tranquillement les bases d'une bonne petite fatwa trve-esque me semble-t-il … Bon, pour mettre quand même les choses au clair, permettez-moi de préciser que:
- certes, de manière générale, je ne suis pas un gros fan de black metal
- certes je n'ai découvert cet album que courant 2009
- mais je porte haut dans mon cœur et mon estime les vomissant débuts des frangins teutons de
Sodom
- ma discographie compte en ses rangs « Requiem », 7e opus du groupe, acheté dès sa sortie
- vos éventuelles protestations, je m'en masse l'embouchure rectale avec une râpe à fromage
Fin de l'avertissement aux âmes sensibles, on peut passer à la chronique proprement dite.
« Blood Fire Death » est le 4e album de Bathory, et le 1er à afficher clairement d'autres prétentions que celle de nous plonger la tête la première dans une flaque de cambouis et de vomi mélangés, le fessier marqué au fer rouge d'un pentagramme encore fumant. En effet, pour la première fois depuis ses turbulents débuts, la bande à Quorthon prend le temps. Le temps de tester d'autres allures que le galop effréné, et de laisser la batterie mener des charges mid tempo certes guerrières, mais plus conquérantes que franchement bestiales. Le temps de développer des atmosphères solennelles et majestueuses. Le temps de conter de longs récits épiques au cours de morceaux qui n'ont pas peur de fricoter avec les 8, 9, 10 minutes (
cf. les deux épopées « A fine Day to Die » et « Blood Fire Death », qui à elles seules justifient le label rouge « Valkyrie & Valhalla » décerné à raison à cette galette).
Oh certes la voix de Quorthon, à mi-chemin entre le fiel d'un Tom Angelripper adolescent et le grésillement de vieille gargouille d'Abath l'immortel, met encore son acidité au service de morceaux teigneux où la noirceur le dispute à un nihilisme punk/crust cradingue (
cf. le début primaire de « Dies Irae »). Certes on assiste encore à des passes d'armes où le groupe joue à qui est le plus vilain, le plus violent et le plus primaire avec ses comparses teutons de
Sodom et
Kreator (
« The Golden Walls of Heaven », « Pace 'till Death », « Holocaust »). Certes ces cavalcades ébouriffantes engoncées dans un épais magma de guitares brumeuses et bourdonnantes continuent de participer à la définition d'un style qui verra naître des nuées de groupes plus necro et raw les uns que les autres. Mais l'on voit à présent des nappes de synthé et des chapelets d'arpèges contemplatifs prendre activement part à la cohérence et l'agencement mélodique des morceaux. La voix se fait parfois plus posée, plus narrative (
cf. le début quasi Opethien de « A Fine Day To Die »). Certaines mélodies sont à présent empruntes de bravoure, de cette grandeur du soldat ayant accompli de hauts faits héroïques – oui oui c'est bien ça, comme si Manowar avait troqué ses peaux de bêtes pour des corpse paints. Et les soli, bien que passés au filtre d'une distorsion evil grésillante, sont longs (
plus de 40s sur la fin de « The Golden Walls of Heaven » et quasiment une minute sur « Dies Irae », à partir de 1:28), systématiques, inspirés, bien qu'encore chaotiques parfois.
Démarrant sur les échos de chevaux piaffant à l'approche d'un champs de bataille exposé à tous les vents, « Blood Fire Death » ouvre véritablement les hostilités sur « A Fine Day To Die », superbe et ambitieuse pièce épique qui s'épanouit progressivement, après une montée en puissance allant crescendo et un éclat de guitare lead tout en tapping, en une marche victorieuse à la mélodie irrésistiblement entraînante. Suivent trois brûlots d'un black/thrash haineux et sale entre les doigts de pied, puis arrive enfin l'hymne « For All Those Who Died ». Dur de faire plus fédérateur que cette pépite de war'n'roll craspouille Motörheadienne qui avance avec décontraction mais détermination sur un riff hyper catchy, aussi foutrement cool qu'impitoyablement guerrier. C'est simple, répétitif, rock'n'roll et tout bonnement imparable. Puis après le crachat plein de bile qu'est « Dies Irae » (
qui part néanmoins dans un mid tempo « joyeux » et génial dès 2:36, et qui finit de manière beaucoup plus solennelle) arrive le titre éponyme, gros morceau de plus de 10 minutes aux relents de B.O. de péplum enneigé. Sur une structure pas si éloignée que ça de l'autre morceau épique de l'album, « Blood Fire Death » prend le temps de nous immerger dans son univers, déployant consciencieusement ses troupes en une démonstration de puissance méthodique et revenant régulièrement à un refrain en forme de sentence assénée avec une théâtralité de circonstance. Enfin l'auditeur est abandonné agonisant sur un champs de bataille déserté, ses plaies offertes à la morsure glaciale des vents du nord.
Bon, c'est vrai, je me laisse un peu emporter par l'enthousiasme sur la fin du paragraphe précédent. Mais l'écoute en immersion de cette oeuvre se prête particulièrement bien à l'évocation de telles visions…
OK, mais bon, dis-moi Cyril, toi qui étais sensé ne pas être fan de black metal, ton 10/10 là, c'est pas un peu du lèche-cul-isme consensuel pour te faire bien voir, hmmm? Non, et d'ailleurs ça me fait plaisir d'avoir l'occasion de décerner cette note maximale bien méritée. A vrai dire, cela fait des lustres que je n'avais pas eu l'heur (
allez hop, c'est la maison qui régale) d'être à ce point emballé par un classique découvert sur le tard, d'autant plus dans le domaine hostile du black metal. Et puis avoir la possibilité de prendre son pied sur un même album aussi bien lors d'hymnes à la touche « old
Sodom » qu'au cours de longues pièces épiques, c'est aussi rare qu'inespéré. Quand en plus vous ajoutez au simple plaisir pris à l'écoute de ce « Blood Fire Death » la prise en compte de l'avant-gardisme de cet opus (
on parle d'un album sorti en 1988!) et des traces indélébiles qu'il a laissé dans l'histoire métallique, le coup de coeur forcément subjectif se voit renforcé d'un élan de lucidité objectif qui conduit tout naturellement à l'attribution d'un 10 bien mérité.
PS: ah, j'allais oublier de mentionner le petit détail qui tue, l'anecdote immanquable. Les textes de « The Golden Walls of Heaven » et « Dies Irae » ont été écrits en mode acrostiche, c'est à dire que si vous prenez les textes du premier morceau, en ne lisant que les premières lettres de chaque « vers », vous verrez apparaître « Satan » répété en long en large et en travers. Le message de « Dies Irae » est tout aussi « black metal », jugez en plutôt: « Christ The Bastard Son of Heaven ». Perso, j'aurais trouvé plus marrant que le message soit « Tirelipimpon sur le Chihuahua », mais c'est vrai que ça aurait fait un peu moins evil...
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