Curieux parcours que celui des Finlandais de Shape of Despair. Après avoir livré le rare
Shades of… et surtout l’apogée sépulcrale qu’est
Angels of Distress, véritable sommet de tristesse esthétisée, le groupe marque le pas. Une attente de trois ans (un gouffre à l’époque) et de nouvelles compositions issues pour la première fois de sessions d’écriture autre que des débuts de la formation étaient peut-être bien des signes avant-coureurs avant la sortie de cet énigmatique
Illusion’s Play…
Oui, énigmatique. Car on imagine aisément l’auditeur perplexe au premier abord dans le contexte précité. Shape of Despair était devenu certes un ambassadeur d’une forme de funeral doom accessible, mais cet
Illusion’s Play les voit franchir une autre barrière. Les Finlandais assument ici pleinement leur goût pour la musique de Dead Can Dance, au point d’en faire le centre de leur nouvelle évolution. Leur musicalité n’a jamais été aussi lumineuse, n’a jamais autant directement invité à l’élévation. Alors bien sûr, l’étiquette doom n’est pas usurpée, les bases de ce style pesant sont toujours présentes, mais c’est le propos véritable qui a changé. Le sextet semble presque vouloir présenter sa propre version de l’« heavenly voices », avec ses nappes de claviers très travaillées et répétées à l’envie, ou bien avec un chant féminin plus présent (pour la première fois Natalie Koskinen ne se contente pas des vocalises). L’ensemble prend un aspect plus ambient, religieux, voir néo-classique, comme sur le superbe « Curse Life », morceau de loin le plus réussi du lot.
Le problème c’est que cette composition est peut-être la seule où Shape of Despair transforme totalement l’essai. On imagine aisément que passer après son chef-d’œuvre et proposer de la nouveauté comme ici n’est pas tâche facile, mais pour la première fois, les Finlandais font preuve sur
Illusion’s Play de maladresses criantes. La production est certes très propre et la plus lisible que le groupe ait pu livrer, mais le son de caisse claire est totalement loupé, trop creux et affublé d’un écho malheureux. Autant dire que dans un style où cet élément est aussi central, il est vraiment rédhibitoire de viser à côté. Mais le pire vient certainement des compositions, qui n’ont pas l’impact émotionnel et hypnotique auquel le groupe nous a habitué, et surtout sont truffées de longueurs. A ce titre l’instrumental « Sleep Mirrored » est élégant mais pas vraiment convaincant en ouverture. Des morceaux comme « Entwined in Misery » ou « Fragile Emptiness » ne sont pas dénués de poésie, sont parfois charmeurs, mais ne transcendent à aucun moment, la faute à un manque d’ampleur flagrant. Le plus douloureux étant sans doute la deuxième moitié de « Still-Motion » (on passera sous silence les vocaux pas très heureux de la première), et ses notes de synthés répétées pendant 9 minutes avec les variations les plus minimes. Si le tableau peut paraitre bien sombre, quelques moments de grâce sauvent l’album. « Curse Life » en premier lieu bien sûr, aujourd’hui l’un des morceaux les plus populaires du répertoire des Finlandais, ou bien le titre éponyme en conclusion, qui illustre bien ce que Shape of Despair est capable de produire de prenant et touchant dans cette nouvelle orientation.
Au moment de faire les comptes, on se retrouve avec un album bien trop inégal pour convaincre, les quelques fautes de goût et les longueurs finissant de faire comprendre à l’auditeur qu’il a affaire à un disque certainement pas réussi, mais pas à un échec total pour autant. Il faut plutôt voir cet opus comme la transition difficile d’un groupe talentueux vers quelque chose d’un peu plus inédit. Shape of Despair souhaite tracer sa voie avec
Illusion’s Play, et même si une suite plus maîtrisée sans pour autant égaler ses glorieux débuts se sera fait attendre, on espère encore les voir briller dans ce registre plus éthéré et intéressant malgré tout.
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