His Hero Is Gone - Monuments To Thieves
Chronique
His Hero Is Gone Monuments To Thieves
Il n'y aurait pas de révolution. Pas de grand soir.
L'ennemi avait gagné. Il avait gagné en nous faisant croire chaque jour que nous étions les vainqueurs, que tout allait pour le mieux, en nous confortant que ses mains étaient nos mains, qu'il agissait juste pour que nous n'ayons pas à le faire, esclave en réalité maître. Il avait gagné en nous faisant croire que ce monde était le nôtre, qu'il était à notre image. Miroir constamment rappelé par des écrans, des propositions, des méthodes, aux modifications à peine subtiles parfois.
« Si tu cherches son monument, regarde autour de toi » - et ce monument était le sien. Celui des voleurs.
Dans cette terre où les gens de bien s'occupaient bien de nos bonnes personnes, une agitation grondait. Quand d'autres s'avachissaient dans leur canapé, satisfaits de pouvoir se payer du confort en passant leurs journées au turbin ou dans l'isolement des déclassés, certains avaient envie de massacrer ce qui les entourait. Un sentiment irraisonné, impulsif, nécessairement défaitiste et qui pourtant montait, un mal au cœur, un souffle obstrué, un visage rouge sans cause apparente. Tout était doux ici. Un désir de renverser, réprimé en raison d'un combat indéfini et perdu d'avance.
Tout était doux ici. Parfois, c'était un vacarme dans leur tête. Des lames, des explosions, des feux contre les artifices. Parfois, c'était un désir d'exaltation, un besoin de se sentir galvanisé, la rage se vivant en accéléré. Les barrières mentales étaient cependant solides, même chez eux. Œuvres d'architecte magnanime, où les coups sourds ne laissaient entendre que leurs multiples jets. Un écho comme seule trace d'une attaque qui voudrait au moins fissurer, éroder, permettre à quelque chose de sortir.
Toujours, il y avait comme une voix d'ogre en eux, qui grogne et s'accentue, rapide et maussade à la fois, armée consciente de la vanité de sa stratégie. Toujours, il y avait cet instinct, cette colère qui paraissait partir du ventre et s'étaler des pieds au cerveau. Vaisseaux sanguins, voies rapides. Il y avait en eux une frustration de ne pas savoir agir après des années à réagir, pris dans un pouvoir qui annihile la puissance de chacun, leur fait faire alors qu'ils voudraient créer. Commencer, inventer, quitte à choisir la solution de la table rase. L'environnement, un mélange d'immeubles compacts, de nuits impénétrables, de pavés où chaque pas rappelle qu'il n'était pas vraiment le leur, se mêlait alors aux répresseurs incorporés.
Une fuite comme une chasse, un spasme comme une riposte, un rictus comme victoire insuffisante, des yeux perdus contre une cible mouvante. Un objectif qui se devine dans la déferlante sonore intérieure contre... Quoi ? Qui ? Quel visage, quel gouvernement, quelle entreprise, quel conglomérat, quelle structure de pensée ?
On ne parlait pas, en souvenir de ces temps-ci, de révolution, de grand soir. Actes prévisibles, gestes parfaits, jouissance rare mais temporaire, retour à la normale dans un quotidien anormal. Mais on se souvient encore de ces individus encapuchonnés parcourant la ville, machettes aux mains, cliquetant métal contre métal. Et de ce bruit collectif, où les cris isolés étaient devenus assourdissants, ensemble. Depuis, quand vient le soir et qu'il nous reste encore assez de force pour épuiser un peu de notre substance, nous ne nous sentons plus dans un monde « confortable ». Et nous souhaitons que ce moment ne s'éteigne jamais.
| lkea 11 Avril 2018 - 1840 lectures |
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