Dystopy - Womb Of The Abyss
Chronique
Dystopy Womb Of The Abyss (EP)
Il faut savoir parfois commencer une chronique par des sincères remerciements et le dire très fort, car quand on reçoit un si bel objet avec un magnifique effort de présentation (le tout réalisé par un jeune groupe autoproduit), on ne peut que s’incliner et il faut savoir le signaler pour le mettre en avant. En effet l’ensemble du courrier reçu comprenait une enveloppe noire au papier légèrement granuleux (dans un format qui laissait supposer plus à un envoi de faire-part plutôt qu’à un EP) avec à l’intérieur une biographie qui se déplie des deux côtés et permet ainsi d’en savoir plus sur son expéditeur, le tout avec des courtes ficelles aux extrémités pour fixer le disque et un petit mot personnalisé. Autant dire que ça n’est pas tous les jours que l’on voit un tel travail pour se démarquer de la masse des nouveautés, et quand en plus il est de très bon goût et qu’il comporte une pochette mystérieuse (dont le style rappellera sûrement pour les plus anciens d’entre nous le cultissime dessin animé "Les Mondes Engloutis") pour renforcer la sensation de surprise, on peut se dire que ses créateurs ont déjà réussi une partie de leur coup.
Venus de Paris ceux-ci encore peu connus actuellement mais ne devraient plus le rester longtemps après cette première sortie plus que prometteuse où le Death mélodique côtoie le Thrash moderne, le tout dans un équilibre remarquable où personne ne prend le pas sur l’autre. En effet musicalement le quatuor offre un exercice de style où l’ombre de SOILWORK résonne au milieu d’une grosse patte personnelle, et où l’on retrouve même un peu du son si caractéristique du premier album (« Intended To… ») des vétérans vosgiens de DUNGORTHEB, le tout sans jamais être trop violent ni débridé. Car ici la majeure partie du temps va rester bien coincée sur un mid-tempo à la fois très lourd et entraînant, mais qui n’oublie cependant pas les pointes de vitesse et les accélérations, comme cela est le cas avec « Behind The Door » (qui fait suite à la courte introduction). Après un démarrage rapide à la double la suite va être plus lourde et remuante, tout en se faisant même écrasante vers la fin via une batterie tribale où le jeu sur les toms est prédominant, du coup ici l’équilibre est assez homogène et surtout relativement varié, et sert de parfaite mise en bouche pour la suite. « Eclipse » confirme ce bon démarrage en mélangeant là-encore les deux opposés vu que ça démarre sur les chapeaux de roue avant que le tout ne ralentisse et n’alterne ensuite sur ce schéma avec simplicité, tout en n’oubliant pas d’y ajouter un soupçon de mélodie dans les guitares, afin d’offrir une musique plus dense encore qu’entendue jusqu’à présent.
Car au fur et à mesure de l’écoute le groupe va offrir des compos plus planantes et éthérées, sans que la puissance de celles-ci ne s’en trouvent écornées, comme c’est le cas avec l’excellent et différent « Howling Beast » dont l’ambiance plus apaisée et spatiale peut rappeler l’œuvre des DEFTONES. En mettant de côté les passages les plus agités, et en laissant la lumière aux autres plus posés et massifs, la bande réussit avec brio ce premier test risqué, tout en y intégrant un solo de haute tenue qui fait le boulot sans dénaturer le reste. Cependant afin de ne pas tomber dans la redite, celle-ci ressort l’agressivité avec le très bon « False Paradise » où l’on a même droit à quelques hammerblasts bien sentis, et couplés à une vitesse assez rapide. Mais afin toujours de surprendre encore et toujours, la suite va offrir des moments de la grande époque de Björn Strid et ses acolytes tant le riffing s’inspire de l’œuvre des suédois et se couple à merveille avec le jeu du batteur qui montre une technique implacable, tout en conservant une grande sobriété. D’ailleurs à l’instar de ses camarades de jeu, celui-ci va se mettre au diapason sur le magnifique « How Could I » qui va clôturer les débats de la plus belle des manières. Pendant plus de six minutes c’est le tout panel d’influences des parisiens qui est mis en avant et sert de condensé à l’intégralité de ce qui a été entendu jusqu’à présent, du coup cet ultime morceau permet de faire un bilan de l’écoute avant qu’elle ne s’achève, tout en offrant un peu de nouveauté superbe et intrigante. Car après un départ mené en trombe tout va ralentir progressivement avant de remonter en pression pour mieux lâcher les chevaux ensuite, jusqu’à l’arrivée de la seconde partie qui va sublimer l’ensemble. Si la première moitié est totalement réussie elle est également de facture plus classique, et comme ses créateurs aiment surprendre et dérouter ils vont démarrer le reste du titre par un break tout en douceur, où les notes claires et cotonneuses vont offrir un moment de détente fort agréable, jusqu’à l’arrivée du long et magnifique solo (le plus beau de ce mini-album). Confirmant tout le talent du combo pour les passages aériens et mélodieux ce long moment de guitare lead (qui se termine en fade-out) conclut de la plus belle des manières cet EP, plus que prometteur et dont on a hâte d’écouter la suite.
A l’instar du gang de Chino Moreno celui-ci montre de vraies prédispositions pour l’émotion sans tomber dans le larmoyant, tout en y ajoutant suffisamment d’électricité et de hargne, le tout sans tomber dans la surenchère de technique outrancière. Car oui les gars sont d’excellents musiciens, leur palette de jeu est grande mais ils privilégient la sobriété afin d’y conserver un groove et feeling imparable, notamment en n’allongeant pas inutilement les compos (qui ne s’éternisent pas). Et même si la production manque un peu de mordant au niveau de la voix (un peu étouffée par une batterie mise très en avant), et que quelques courtes répétitions se font entendre ici et là, il n’en reste pas moins que pour une formation si jeune on est en présence de quelquechose de réussi et surtout d’hyper intéressant pour l’avenir. Ceci est une certitude tant le potentiel est déjà là et il ne demande qu’à gagner en maturité, ce qui avec un peu plus d’expérience arrivera forcément, vu que le sérieux, le talent et l’application sont eux bels et biens présents.
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