Au départ simple projet solo la créature de l’irlandais Joseph Deegan n’a cessé d’évoluer ces dernières années, jusqu’à devenir un groupe à part entière depuis que celui-ci s’est installé en Islande. Car entouré des meilleurs éléments de la scène noire locale pour ses prestations scéniques il avait vu l’arrivée sur le sympathique et primitif
« Deluge » en 2013 du batteur Bjarni Einarsson (présent notamment au sein d’ALMYRKVI et de SINMARA), et depuis cette année du bassiste Garðar S. Jónsson, que l’on retrouve au sein des mêmes formations que son compatriote frappeur. Autant dire que le trio a de l’allure et que ce nouvel album va marquer un tournant dans son existence, car le bond en avant franchit par celui-ci est impressionnant, et nul doute qu’il va lui permettre de passer une étape importante dans sa carrière. Visiblement le chanteur-guitariste s’est imprégné encore plus de l’aura et de l’ambiance typique du Black-Metal de son pays d’adoption, qui on le sait a pris une ampleur internationale et qualitative depuis quelques temps, et qui se ressent plus fortement sur cette nouvelle livraison qui a tout ce qu’il faut pour marquer 2018.
Il fait peu de doutes effectivement que cet opus sera en bonne place dans les bilans de l’année, tant sa densité et son accroche ne faiblissent pas au fil des écoutes, nous emmenant à l’instar de DRAUGSÓL et AUÐN dans un voyage à travers leur pays où la force des éléments se ressent à travers ces trois-quarts d’heure de musique qui ne faiblissent à aucun moment. Car bien qu’ayant une trame et une construction globale assez similaire tout du long, chacun des morceaux se démarque par rapport à l’autre grâce à de subtiles variations et touches personnelles, au milieu d’un océan de glace et de lave où ceux-ci se chevauchent, se croisent et veulent prendre le dessus l’un par rapport à l’autre. D’entrée les gars vont mettre en avant toute cette variété avec le morceau-titre où l’on retrouve cette rythmique glaciale et froide typiquement islandaise, où les riffs coupants se mélangent à une caisse claire sèche qui ne cesse de changer de rythme. Du blast le plus extrême ils passent facilement à des passages plus lents, tout en n’hésitant pas à repartir au pas de course sans pour autant faire d’excès de vitesse, du coup la chaleur du feu côtoie avec brio et délicatesse la froideur du gel et de l’hiver, tout en offrant un visage déchirant où la mélancolie n’est jamais bien loin, à condition de gratter un peu sous l’épaisse couche de neige. Après ce départ très varié qui donne le ton pour la suite place à l’excellent et équilibré « Summon The Rivers » où passages rapides et plus lents trouvent un juste milieu, tout en voyant l’ajout d’un soupçon de technique qui ne va cependant pas trop loin, et renforce ainsi la sensation de pertes de repères pour l’auditeur.
Car ce voyage à travers la longue nuit hivernale va prendre une autre dimension avec le magnifique « To Celestial Depths » à l’émotion plus marquée via des parties entraînantes, et grâce à un riffing particulièrement imparable. Ici le tout se fait plus aérien donnant du coup l’impression de chercher son chemin à travers les étoiles présentes dans le ciel entre deux rafales de blizzard et de chutes de neige symbolisées par des longs blasts, ainsi que par un côté martial. Là-encore il serait facile de basculer d’un côté comme de l’autre, mais les mecs avec toute leur expérience savent parfaitement doser les tempos pour éviter qu’il n’y en ait pas plus pour l’un ou l’autre. Ce schéma se reproduit sur le monstrueux « A Scattered Offering » au démarrage progressif, comme pour signifier le calme avant la tempête à venir, ce qui arrive effectivement par une déferlante de brutalité. Cependant bien qu’étant présente en quantité elle ne s’éternise pas non plus, laissant la place à des relents épiques et remuants (que l’on pourrait croire sortis de chez MGLA), conjugués à des instants tout en finesse et planants, afin de gagner en puissance en jouant sur le grand-écart stylistique, et où l’on s’aperçoit de la cohérence des accords et de chaque pattern de batterie.
Visiblement les îliens ont peaufiné au maximum chaque seconde de cette galette et cela se ressent en permanence car il n’y a pas de place pour l’improvisation, mais au contraire on est en présence d’un professionnalisme à toute épreuve qui reste en place contre vents et marées, même quand la machine décide de s’emballer encore une fois via le ravageur « Rise To The Dying ». Plus pêchue et rentre-dedans cette pépite voit ses deux extrémités jouées de façon déchaînées et à fond les ballons, avant qu’en son centre le magma ne cesse de jaillir et que les nuées ardentes ne se calment. C’est à ce moment-là que la qualité de la production est mise encore plus en valeur, tant elle est naturelle et laisse de la place à la basse qui trouve un terrain d’expression où elle se fait plaisir, et sert ainsi à amener un soupçon de chaleur au milieu de ces températures très basses. Là-encore le tout est sur un fil et joue le grand-écart entre lenteur et brutalité, tout en se révélant encore une fois hyper addictif, comme sur « Through The Mouth Of The Beast » qui va montrer un visage différent de tout ce qui a été fait jusqu’à présent. En effet outre un côté tribal assumé une place plus grande est accordée à une rythmique plus posée où le mid-tempo entraînant donne la sensation de voir poindre la lumière après la tempête. Car ici les passages expéditifs ne sont pas oubliés, tout en jouant sur l’alternance et l’effet de surprise ils ont pour but de mieux embarquer l’auditeur dans l’univers sonore voulu, et ainsi clôturer cette pépite sans fautes de goût dont l’attente a été largement comblée.
On ne peut que s’incliner devant le travail accompli où malgré la durée de chaque titre on ne ressent jamais la sensation de longueur ou de lassitude, tant l’ensemble homogène recèle des secrets qui se découvrent subrepticement et progressivement au fur et à mesure des écoutes. Allant à l’essentiel et ne cherchant jamais à trop en faire son leader et ses camarades de jeu réussissent le tour de force de captiver et d’emmener ses contemporains vers les recoins méconnus de l’île mystérieuse de l’Atlantique nord, sans forcément y avoir mis les pieds (ce à quoi les groupes locaux arrivent également parfaitement). A la fois ode à la nature imprévisible et à l’environnement qui la compose, cette galette recèle de nombreux secrets à découvrir malgré sa noirceur, il suffit simplement de gratter un peu et de se mettre en condition pour l’apprécier à sa juste valeur, celle d’un disque magnifique et magnétique qui demandera du temps pour être parfaitement assimilé, mais sans que la lassitude n’apparaisse. Un des disques Black de cette année il y’a peu de doutes, et espérons que la reconnaissance pour ses créateurs soit au rendez-vous car ils le méritent amplement.
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