1914 - The Blind Leading The Blind
Chronique
1914 The Blind Leading The Blind
Le centenaire de l’armistice de la Seconde Guerre mondiale approchant à grands pas, l’occasion était plus que rêvée pour certains artistes inspirés (ou non) d’y aller de leur album à thématiques guerrières et boueuses. C’est le cas du groupe ukrainien 1914 le bien nommé, qui profite de ce centenaire pour sortir son deuxième album longue durée, intitulé The Blind Leading The Blind. Il y a toujours quelque chose de vaguement surprenant à voir des groupes s’emparer de thématiques pourtant étrangères à leur culture ou patrimoine historique, mais heureusement qu’on ne prospecte pas du côté des groupes méditerranéens qui parlent d’Odin et des vikings, n’est-ce pas ? Quoiqu’il en soit, 1914 n’est pas un nouveau-né sur la scène black metal, et le groupe compte bien utiliser l’efficacité de sa musique pour traiter de l’enfer des tranchées.
Il faut reconnaître que The Blind Leading The Blind pèse lourd sur la balance. Près d’une heure de black death bien rythmé visant à dépeindre certaines des batailles les plus mémorables du conflit en question, le tout illustré par une pochette un peu cliché qui fait malgré tout son petit effet. Deux titres avaient été révélés en amont de la sortie de l’album, le sulfureux "Passchenhell" et l’imposant "Stoßtrupp", qui faisait naître, il faut le dire, une certaine envie d’en savoir plus au sujet de l’album. Ce dernier s’ouvre en réalité sur une chanson de l’époque, en l’occurrence "Your King and Country Want You" d’Helen Clarke (1914), chanson qui avait évidemment pour but de pousser les hommes du Royaume-Uni à défendre leur pays alors que la Seconde Guerre mondiale devenait un conflit global. On est dans l’ambiance de suite.
Place ensuite aux hostilités, fort bien lancées par "Arrival. The Meuse-Argonne" et son riff principal qui ressemble à s’y méprendre à l’un des riffs du mythique "Mother North". On est donc ici en présence d’un black death plutôt robuste mais dont la production sonne un peu trop propre à l’oreille, comme nous le confirme sans mal les autres titres de l’album. Premièrement, il n’est nullement nécessaire de remettre en question la qualité de l’album. The Blind Leading The Blind offre son lot d’émotions, le cocktail est détonant et donne moultes occasions à l’auditeur de profiter de la rythmique dévastatrice pour se mouvoir de manière peu recommandable. Mis à part un ou deux titres en dessous des autres, cet album est efficace à n’en pas douter.
Toutefois, il manque quelque chose au deuxième album des ukrainiens pour se muer en réelle sortie de choix au cœur de l’automne. Le son est un peu trop propre, mais l’ensemble ne sonne surtout pas assez macabre et rampant pour raconter la Grande Guerre dans ses plus innommables détails. La volonté n’était évidemment pas de sortir l’album référence pour parler des poilus et de leur quotidien, toujours est-il qu’on a un peu de mal à lier l’album de 1914 à ses thématiques, qui se veulent parfois glorieuses et épiques, mais surtout infâmes et fangeuses. En somme, un peu de crasse n’aurait pas fait de mal. La musique demeure ce qu’il y a de primordial, mais lorsqu’elle illustre comme il se doit les thématiques chères au groupe, c’est bien entendu un plus.
En revanche, si on laisse de côté cette petite déception, il est difficile de ne pas se laisser entraîner par l’album dans son ensemble. Chaque titre apporte quelque chose pour faire en sorte que l’écoute ne soit pas trop linéaire, rapport à la certaine homogénéité dont peut souffrir l’album sur la durée. On retrouve notamment une reprise de l’excellent "Beat The Bastards", titre culte du groupe de punk rock britannique The Exploited, et la chose est d’ailleurs bienvenue pour éponger "High Wood. 75 Acres of Hell", qui ne brille pas nécessairement par les sensations qu’il entend procurer. Les autres incontournables de l’album sont évidemment "Passchenhell", qui jouit de la présence de Dave Ingram (Bolt Thrower) en tant que vocaliste, ainsi que "C’est Mon Dernier Pigeon", bien que son nom prête à sourire, pour nous autres francophones.
Après un "War In" introductif, c’est un "War Out" qui permet une sortie en douceur du vigoureux deuxième album de 1914. Plus martial que sordide, The Blind Leading The Blind souffre de deux ou trois manquements pour se hisser au rang des grosses surprises de l’automne. Il n’en demeure pas moins énergique et agréable à écouter pour les amateurs de black death peu exigeant.
| Maaxx 8 Novembre 2018 - 3974 lectures |
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