Sainte Marie des Loups - Sainte Marie des Loups
Chronique
Sainte Marie des Loups Sainte Marie des Loups
Ha, le mystère, le mystère... On en parle, il nous fascine, surtout lorsqu'il entoure une formation musicale de qualité. Et le groupe qui nous intéresse aujourd'hui s'est drapé tout entier de cette aura opaque, comme pour nous dire : "Rien ne sert de creuser, concentre-toi plutôt sur ce que nous avons à proposer". Enfin, "on"... Plutôt, "je", puisque Sainte Marie des Loups est un one-man band. Malgré le manque d'informations à ce sujet, au vu de la voix qui nous accompagnera tout au long de la petite-demie heure que dure ce premier long format, on peut en déduire que Sainte Marie des Loups est le projet du vocaliste de Chambre Froide (dont nous avions déjà parlé), le liant, par extension, à Ravensdöm.
Cet éponyme est une surprise, puisque le groupe n'avait pour ainsi dire produit qu'une seule chanson, pour un split à six groupes sorti en début d'année chez Fallen Empire. Il faut croire qu'il aura impressionné le label américain puisque, quelques mois plus tard, déboule sans prévenir un premier long-format. La question restant : Fallen Empire a-t-il bien fait de mettre des billes dans ce projet ? Après quelques écoutes, il est clair que le cahier des charges a été rempli haut la main. N'attendez rien d'autre qu'un Black Métal des plus racés, d'une simplicité qui le rend efficace en Diable. Et qui, en plus, se paye le luxe d'être homogène et cohérent. Le decorum d'imagerie accompagnant ce premier full-length est d'une austérité qui colle parfaitement à ce qu'il renferme : De la pochette verdâtre d'icône religieuse passée au négatif, jusqu'à la photo du seul maître à bord, posant torse nu à côté du buffet de grand-mère et contrastes poussés au maximum, tout est fait pour que la poussière colle à la peau. C'est daté, ça sent le renfermé, c'est à prendre tant comme hommage aux anciens Rois du genre qu'en tant que disque avec une atmosphère qui lui est propre... En un mot comme en cent : c'est convaincant.
Pourtant, tout partait pour faire de Sainte Marie des Loups un énième projet de Black sans grande originalité. Ce genre de produit agréable, bien que dispensable, qui sortent à tour de bras en format cassette et fleurissent sur Bandcamp. Mais pas ici. L'album n'a pas la prétention de se hisser aux cimes de tous les classements, mais la tête pensante derrière la Mère Supérieure avait ce qu'il fallait de passion, de respect pour le genre, et surtout, de talent, pour transformer l'essai. Par une production très justement crue, sans jamais tomber dans le pièce du "raw pour être raw", conférant une aura brumeuse à l'atmosphère développée tout au long des six titres; Par ce vieux synthétiseur agonisant, la gorge pleine de boulettes de naphtaline, qui pousse ses râles d'un autre âge au détour des compositions (l'ouverture du morceau titre, le final sentencieux de "La Fin de l'Hiver"); Mais aussi, et surtout, par cette voix qui râcle le larynx et les tympans, reconnaissable entre milles autres, qui sonnait bien chez Chambre Froide mais se fait ici encore plus imposante : ça gueule, ça grogne, ça devient presque autoritaire (les choeurs de "Sermons Sanglants"), bref, ça vit, ça s'agite dans l'ombre, ça colle les miquettes.
Jonglant judicieusement entre titres menés tambour battant, blast-beat et cymbales baveuses à tout crin, et parties plus aériennes, clavier discret mais plombé par une section rythmique écrasante et des guitares d'un autre âge, Sainte Marie des Loups laisse groggy sans jamais lasser. Le déluge laisse parfois place à d'infimes rais de lumière (la première partie de "Insolence" et ses notes cristallines), mais le voile de poussière sépia n'est jamais très loin. Renforcé par les quelques mots de français compréhensibles de l'ensemble, autoritaires, prononcés par le juge et bourreau de cet univers entre deux aboiements, la bave aux lèvres. J'y retrouve une certaine peur que je n'avais pas connue depuis Darvulia : l'ensemble peut paraître bancal (la batterie traîne parfois un peu la patte), boiter de façon grotesque, mais ce que l'on peut deviner au travers de la brume terrorise. J'y retrouve ma fascination quand, plus jeune, je découvrais le Black Metal et les atmosphères glacées de mes premières écoutes, ce frisson de la découverte, presque de l'interdit, quand je lisais toutes les rumeurs et histoires sordides qui accompagnaient certaines formations. Là est la force de ce premier full-length, être empreint de nostalgie tout en ne reniant jamais sa propre personnalité.
Ce n'est certes pas l'album de l'année, loin s'en faut, mais tout de même, quelle découverte ! Le bonhomme n'en est certes pas à son coup d'essai, vu son CV, mais je comprends maintenant sous quel charme est tombé Fallen Empire. Sainte Marie des Loups est à la fois un disque délicieusement régressif, avec cette vibe du Darkthrone des débuts et ce synthé dégueulasse, mais aussi et surtout, un album où sont développées de véritables ambiances, de celles qui font peur, qui impressionnent par leur homogénéité et leur cohérence. C'est sale, ça sent fort, c'est furtif, bref, c'est un animal sauvage dont je suis curieux de connaître les prochains agissements. A découvrir, si ce n'est déjà fait !
| Sagamore 29 Décembre 2018 - 2324 lectures |
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