Malgré mon affection pour le brutal death, il faut bien avouer que peu de groupes savent se démarquer à l'heure actuelle. C'est d'autant plus vrai pour le brutal death US, scène sclérosée par bon nombre de formations sans saveur qui sonnent toutes pareil. Même si de plus en plus rares, certains combos arrivent néanmoins à se distinguer. Gortuary est de ceux-là. Ils se sont fait désirer les salauds depuis le savoureux
Awakening Pestilent Beings sorti il y a déjà huit ans mais les voilà bel et bien de retour. Le titre de ce troisième album :
Divine Indigenous Sacrament. Avec un artwork genre
Indiana Jones et le Temple Maudit signé Tony Koehl qui sent bon les thématiques incas, spécialisation barbaries exotiques d'autrefois. C'était en mars dernier sur Amputated Vein Records. Chez Thrashocore non plus, on n'est pas pressés !
Premier fait notable, la longue absence de Gortuary n'a pas entamé la motivation de ses membres. Aucun changement de line-up n'est ainsi à déplorer, on repart avec la même équipe que sur l'opus précédent. Seconde remarque et la plus importante, c'est encore plus fort que nous revient le groupe. Les Américains ont "affiné" leur style un peu particulier, amélioré leurs qualités et travaillé leurs défauts. Alors qu'a de particulier le brutal death de Gortuary, ce qui le singularise par rapport à la masse grouillante ? L'intérêt principal de la musique du quintette californien se trouve dans le contraste. L'étiquette "brutal technical melodic slam death metal" a dû vous étonner, surtout si vous n'avez jamais écouté Gortuary. Même si un peu exagérée, celle-ci reflète justement le contraste dont il est question.
La base de la musique des bouchers de San Diego, c'est du brutal death US typique de l'école Disgorge, tendance slammisante. Même si un peu moins slammy que le disque précédent, vous avez régulièrement ces breakdowns mid-tempos dégoulinants que l'on déteste ou que l'on adore. Personnellement, quand c'est bien placé et pas utilisé à tout bout de champ, ça me rend dingue ! C'est gras, c'est groovy et le chant de Nate Twyman parfaitement raccord est absolument dégueulasse, glaireux à souhait à l'instar d'un Angel Ochoa (Cephalotripsy, Disgorge, ex-Condemned). Moi qui me fais souvent critique face à ce type de borborygmes intestinaux qui peuvent vite devenir ridicules, là c'est juste jouissif ! Gortuary ne se contente toutefois pas d'aligner bêtement les slam parts. Son brutal death se fait même assez chaotique avec pas mal de changements de rythme, du riffing souvent rapides et tordus, sans oublier bon nombre d'harmoniques sifflées. D'où le qualificatif de "technical", même si on a bien sûr entendu plus technique et carré. Le son naturel de la batterie épileptique et nerveuse, en particulier la caisse claire en bois sur les nombreuses salves de blastouilles, rend aussi le tout bien foutraque malgré un mix en retrait et un manque de puissance. On a même des gravity blasts (le démarrage en trombe de "Prophetic Cataclysm" qui porte bien son nom, entre autres) ! Tout ça rapproche Gortuary de groupes comme Guttural Secrete et Malignancy.
Voyez qu'on est déjà dans autre chose que du simple slam death débile rébarbatif ou du brutal death US lambda. Ce qui va réellement démarquer le combo cependant, c'est l'apport de solos. Pas des machins au vibrato sans queue ni tête, non. De vraies leads travaillées et développées avec une bonne maîtrise technique (ça sweepe !) et surtout un vrai bon feeling mélodique ("Sacrifical Bloodletting" à 2'06 et 3'37, "Ruthless Transgression" à 2'12 et 3'04, "Rise of the Insurgents" à 1'44, "The Barbarian Horde" à 3'25, "Eradicated Empire" à 1'02 ...). Avouez que dans ce style, ça ne court pas les rues ! On croisera même de la mélodie dans certains riffs. Voilà le gros plus de Gortuary. Cet aspect mélodique pourra rebuter les plus bourrins d'entre-vous mais me concernant, c'est ce qui fait tout l'intérêt du truc. Ce contraste entre slam parts neuneus et solos mélodiques pas piqués des hannetons, moi ça m'éclate ! Cerise sur le gâteau, ce
Divine Indigenous Sacrament offre aussi de nouvelles influences, plus sombres et old-school. L'excellente intro d'ambiance "Asciris", dark, pesante et lancinante fait ansi penser à du Immolation. Un nom qui reviendra en tête quelques fois au cours de la demi-heure de jeu lorsque l'atmosphère s'assombrit ("Rise Of The Insurgents" à 2'34, "The Barbarian Horde" à 0'50, "Eradicated Empire" à 2'16 et 4'20).
Gortuary signe avec ce
Divine Indigenous Sacrament un retour très convaincant. Il s'agit même du meilleur album des Californiens qui franchissent ici un cap avec brio. Plus technique et furieux, un peu moins slammy, avec toujours ces solos mélodiques qui sont désormais la patte du groupe, plus un côté plus sombre, ce troisième opus s'avère une franche réussite pour le combo américain qui devrait ravir les amateurs de Disgorge, Malignancy et Guttural Secrete. Malgré le côté chaotique foutraque parfois difficile à suivre, le disque jouit tout de même d'une grande efficacité grâce à sa brutalité (tout un tas de blasts mitraillés en courtes salves) et son groove (les slam parts jouissives, les vocaux glaireux bien putrides). Tout n'est pas encore parfait certes, les enchaînements de plans ne sont pas toujours bien amenés et manquent de liant, le son de la batterie se fait un peu maigre, "Deities of Disease" est trop vite expédié avec ses 1'37 quand ses copains pointent entre trois et cinq minutes, il y a un peu trop d'harmoniques sifflées et le chant peu varié peut vite souler. Mais pour une fois que l'on a un groupe de brutal death US un tant soit peu original, on aurait tort de faire la fine bouche !
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