Près de cinq mois sans chronique de ma part. Le dernier Mass Infection, pourtant l'un des chouchous de votre serviteur, toujours pas chroniqué alors qu'il est sorti en décembre 2018. Le nouveau Sabaton dans nos colonnes à peine paru. Ça devient vraiment n'importe quoi ici ! Il est temps de remettre les choses en ordre. On va donc commencer à rattraper le retard avec ce
Shadows Became Flesh et sa belle pochette, quatrième album des Grecs que j'attendais avec impatience. Parce que mon histoire d'amour avec eux remonte à plus de dix ans au Deathfeast 2008. Parce que le groupe n'avait rien publié depuis 2014 et l'énorme
For I Am Genocide, sommet de leur carrière. Et aussi parce que la formation annonçait quelques changements.
Quelques changements niveau line-up déjà. Le bassiste Victor Kompatsiaris est parti en 2015, remplacé par John Kyriakou (Spellbound). Surtout, l'Italien Giulio Galati (Hideous Divinity) a pris la place de George Trakas (Resurgency, Ravencult, Blustery Caveat) derrière les fûts. Mass Infection reste par contre fidèle à Comatose Music malgré un style de death metal peu représenté sur le label américain. Le style, tiens, parlons-en. L'évolution annoncée concernait justement le son. Plus sombre qu'ils disaient, entre autres. Effectivement ils n'ont pas menti. Le quatuor a bien opéré quelques retouches à son death metal brutal d'obédience années 1990 orientées USA, Floride notamment. On le comprend dès les premières notes du morceau d'ouverture "Ominous Prevision". Des dissonances ! Ah non putain pas eux !? Pas que je n'aime pas les sons dissonants (ça va quand ils sont utilisés avec parcimonie) mais c'est devenu tellement une mode dans le metal extrême moderne, notamment ce fameux black metal orthodoxe, que ça me gonfle. Ces dissonances lancinantes de l'introduction reviendront en fin de titre. On en croisera aussi un peu sur "To the Lords of Revulsion", "Oath to Nothingness", "At One with Demon Dreams" et "Shadows Became Flesh". Rien de trop envahissant donc, ouf, ça enrichi même la palette des Hellènes. Mais oui, clairement, Mass Infection s'est dirigé ici vers un son plus moderne, plus dans l'air du temps. Rien que la production, la plus costaud qu'ait jamais eu le combo, permet d'en témoigner. L'arrivée de Galati à la batterie n'y est pas non plus étranger. Ça blastait déjà beaucoup chez Mass Infection mais tout en restant "humain", sans en faire trop. L'Italien, lui, est une véritable machine qui mitraille à tout va. Il a les qualités et les défauts du batteur de brutal death moderne. Ça bourre à mort, il ne lâche jamais la double (un peu trop sur-mixée d'ailleurs) et le son se fait un peu trop synthétique. N'appréciant pas des masses Hideous Divinity, j'avais d'ailleurs peur que le Transalpin dénature le son brutal mais à l'esprit old-school et sans bling-bling de Mass Infection. Si le jeu de Galati participe en effet à l'évolution du groupe moins "à l'ancienne" et que certaines critiques évoquées à l'instant sont bien réelles, difficile de parler d'altération. Le bonhomme est quand même une sacré brute impressionnante ! Et ses blast-beats incessants foutrement jouissifs ! Il accompagne avec succès les Méditerranéens dans leur progression. Une progression plus brutale, plus rapide et donc plus sombre. C'était déjà le cas sur
For I Am Genocide par rapport à
The Age of Recreation (rappelez-vous l'instrumental "Nihilism Reigns"), c'est encore plus flagrant sur
Shadows Became Flesh. Le parallèle avec leurs compatriotes Dead Congregation semble dès lors évident tant le style proposé ici se rapproche de celui de la bande d'Anastasis Valtsanis (en moins épais tout de même), en particulier sur certains tremolos sinistres qu'on croirait émaner de l'entité athénienne ("Ominous Prevision" à 2'37, "Demise of the Almighty" à 0'36, "Enduring Through the Apocalypse" à 1'08, "Shadows Became Flesh" à 3'48).
Bon, ok, on a compris. Mass Infection a évolué, grandi. Le constat est évident. Moins catchy et moins old-school. Plus rapide et plus dark. Des paroles plus "profondes". Pour autant, ce qui faisait le charme des Grecs sur ses disques précédents, sa patte, reste présente. On m'aurait fait écouter l'œuvre sans m'en donner l'auteur, j'aurais reconnu sans peine le groupe. Car on retrouve encore de ces tremolos blastés plus catchy, groovy, entêtants et mélodiques dont le combo a le secret ("Demise of the Almighty" à 2'07 et 3'12, To the Lords of Revulsion" à 1'52, "Oath to Nothingness" à 2'10 et 3'15, "Enduring Through the Apocalypse" à 2'41, "At One with Demon Dreams" à 2'17, "The Merging of Infinities" à 0'36, "Shadows Became Flesh" à 1'07 et 1'55). Bien moins fréquents certes mais tout de même encore là. Si la base reste du tremolo sur du blast avec un fond de groove, disons que désormais, au lieu de gazouiller, les tremolos bourdonnent.
Quand bien même Mass Infection aurait totalement abandonné ses racines (ce qui aurait quand même été dommage bien sûr),
Shadows Became Flesh n'en serait pas moins resté un très bon album. On en vient enfin à ce qui nous intéresse tous au final. Bien ou pas bien ? Putain de bien, oui ! Ça blaste à mort, ça groove un peu, le riffing s'avère excellent voire carrément impressionnant sur certaines séquences, l'ambiance ténébreuse prenante, les quelques solos savoureux, pour un rendu des plus efficaces qui en impose. Bref, ça taille patron. De quoi se plaint-on alors ?! Seuls "At One with Demon Dreams" et "The Merging of Infinities" se révèlent un peu en-dessous car moins marquants que les sept autres pistes, toutes des belles petites tueries de death metal, avec en points d'orgue l'ouverture énorme sur "Ominous Prevision", le court instrumental "Spiritual Entropy" et son enchaînement de riffs jouissivement pernicieux ainsi que le morceau-titre "Shadows Became Flesh" et son final dantesque introduit par des arpèges funestes suivies d'une lead majestueuse assortie de dissonances discrètes en arrière-plan, se réduisant ensuite en une mélodie simple et lancinante avant d'offrir un super motif hypnotique sur une basse généreuse. Putain je vous aime les gars !
Mass Infection l'avait annoncé,
Shadows Became Flesh marque une nouvelle ère dans la carrière sans faute des Grecs. Un jeu plus rapide et plus sombre qui me va bien au final. Cela s'accompagne certes d'un aspect un peu plus moderne avec les défauts qui vont avec (son synthétique de batterie triggée, grosse caisse sur-mixée, double à fond pas toujours pertinente) ainsi que d'une légère perte de personnalité, même si la patte du groupe transpire toujours par endroit. Il s'agit aussi d'une évolution un peu en mode "train en marche". Et si les gars veulent désormais jouer dans la cour de Dead Congregation, il va encore falloir se muscler un peu, notamment au niveau du growl qui fait le taf mais qui manque de puissance et de profondeur pour aller de paire avec la musique radicale et l'ambiance inquiétante. Tout cela me fait préférer
For I Am Genocide voire
The Age of Recreation. D'une courte tête toutefois. Car entendons-nous bien :
Shadows Became Flesh est un putain de bon album de (brutal) death metal. Foutre Satan qu'il bute, oui ! Le riffing, le feeling, l'ambiance, la vélocité, la brutalité, la mélodie, la technique, le groove, tout y est. Mass Infection ne déçoit pas après quatre ans et demi d'absence. Au contraire, il confirme qu'il reste une valeur sûre qui n'a pas peur de se renouveler.
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