Blurr Thrower - Les Avatars Du Vide
Chronique
Blurr Thrower Les Avatars Du Vide (EP)
Avec un nom pareil on serait tenté de penser qu’on a affaire à un combo rendant hommage au mythique groupe de Coventry, pourtant il n’en est rien vu qu’ici se cache un projet solo mystérieux évoluant dans un Black Atmosphérique à la fois mystique, introspectif et occulte. S’inspirant aussi bien de PARAMNESIA, FELL VOICES, ASH BORER ou encore de TIME LURKER, son créateur a décidé de faire voyager au sein d’un univers névrosé, rempli de peurs et d’angoisses enfouies au plus profond de son cerveau et de son être, ceux qui auront pris la peine de lâcher prise, tout en leur posant de nombreuses questions sur le sens de la vie et de la mort. Créée en 2014 cette entité a pris son temps pour développer chaque note et ambiance avant d’enregistrer cet EP de seulement deux titres mais d’une durée totale de trente-six minutes, où les riffs hypnotiques et lancinants sont rois. Sorti dans un premier temps l’an dernier de manière autoproduite il bénéficie aujourd’hui d’une distribution nationale via le label angevin qui va lui apporter une mise en lumière bienvenue et surtout méritée, car il aurait été dommage de passer à côté tant cette galette marque déjà de son empreinte cette nouvelle année qui vient seulement de commencer.
Avec sa production glaciale et naturelle (mention spéciale à la batterie au son brut) l’ensemble démarre avec le tentaculaire « Par-Delà Les Aubes » qui emmène l’auditeur dès les premières secondes dans un long vol vers l’infini et au-delà, qui débute de façon douce mais néanmoins angoissante. En effet avant même que l’ensemble des instruments ne se mettent en branle ensemble une sensation bizarre et saisissante est d’ores et déjà présente, et cela est encore plus flagrant quand une grosse plâtrée de blasts fait son apparition, renforcée par les différentes couches de guitare. Mélangeant les arpèges coupants et mélodieux avec des riffs plus énervés ceux-ci donnent une espèce de magma sonore très classique mais particulièrement habile et éthéré, où l’on se retrouve embarqué très loin sans savoir où cela va mener. Le tout étant également renforcé par l’alternance régulière entre passages ultra-rapides et d’autres plus lourds et lents où la double fait son apparition, conjugués en prime avec plusieurs breaks pour casser le rythme et ainsi faire perdre le fil histoire de dérouter encore plus. Du moins le croit-on car la construction en elle-même relativement simple et directe a le mérite de permettre de retrouver rapidement le chemin et l’attention qui va avec, pour un rendu qui joue les montagnes russes et ne laisse du coup aucun instant de répit et surtout sans lassitude. Car la force de l’écriture présente ici est de captiver de bout en bout et de ne jamais trop en faire, son géniteur préférant miser sur la sobriété ce qui peut se révéler être dangereux sur de si longues durées, pourtant bien que jouant sur la répétition et la linéarité celui-ci met juste ce qu’il faut de variations et d’arrêts afin d’aérer tout cela, et ainsi conserver une accroche permanente.
Si la force de la première compo provenait de son relatif dépouillement, la seconde intitulée « Silence » va elle montrer un visage plus élaboré mais qui sait conserver ses fondamentaux, et se fondre dans le moule voulu par son multi-instrumentiste. Après un départ dans la droite ligne du précédent morceau où les blasts sont prédominants, voici que des parties en mid-tempo épique et remuant font leur apparition et ajoutent un intérêt supplémentaire. Si jusqu’à présent la musique emmenait dans les tréfonds de l’espace et du cerveau elle se retrouve renforcée en donnant envie d’aller au combat et d’affronter Charon sur les rives du Styx, tout en continuant de frôler les trous noirs autant que les marais de l’achéron. Si les pauses sont moins nombreuses en revanche les variations sont bel et bien là et jouent toutes leurs partitions respectives, tant ça ralentit et repart à plusieurs reprises. A la fois plus crépusculaire et sombre qu’auparavant son créateur montre toutes les facettes de son talent en intégrant toute sa diversité rythmique par de longues parties instrumentales qu’elles soient explosives ou presque Doom, misant ainsi sur la dualité pour faire perdre les repères respectifs, et ainsi augmenter le trouble pour un résultat assez énorme et qui demandera du temps pour être disséqué.
Ce point de vue sied parfaitement à l’ensemble de ce mini-album qui pourrait presque passer pour un format complet, tant cette pépite incroyablement addictive et pénétrante arrive à captiver, sans jamais se perdre en chemin. Proposant ainsi une vraie découverte psychique comme psychiatrique elle se montre bien plus subtile et élaborée qu’on pourrait le croire de prime abord, autant dire que cet ensemble demandera du temps et surtout une mise en condition pour être apprécié à sa juste valeur. Confirmant encore une fois la qualité des signatures des Acteurs de l’Ombre et l’état incroyablement qualitatif de la scène hexagonale, ce premier jet est un vrai bijou qui se dévoilera aux initiés et amateurs qui auront pris la peine de se mettre en condition au préalable et hors du temps. Au risque pour eux de ne pas vivre l’expérience à son maximum, ce qui serait regrettable pour eux et honteux pour son géniteur, qui arrive à faire oublier le quotidien sans être obligé de se taper des heures d’avion. Autant dire qu’il réussit un vrai coup de maître d’entrée tant le potentiel entrevu ici semble sans limites (d’ailleurs on a déjà hâte d’entendre la suite), et nul doute que 2019 va réserver encore de belles surprises, à l’instar de celle-ci qui mérite un grand coup de chapeau et que l’on s’y attarde sérieusement, et surtout sans tarder.
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