Blurr Thrower - Les Voûtes
Chronique
Blurr Thrower Les Voûtes
Repéré il y’a pratiquement trois ans avec l’Ep
« Les Avatars Du Vide » le mystérieux one-man band fait aujourd’hui son retour avec un opus attendu et qui compte bien transformer l’essai, tant ses deux longues compositions de près de vingt minutes chacune embarquaient l’auditeur dans les tréfonds de la pensée (et maladie) mentale et philosophique. Toujours inspiré par les blessures personnelles de son auteur autant que par les écrits et concepts de Nietzsche ce nouveau chapitre reste dans la droite ligne de ce qui a été déjà proposé en 2018, tout en raccourcissant légèrement la durée des compositions, qui restent néanmoins particulièrement longues et toujours aussi intenses émotionnellement. En effet c’est là-encore dans un voyage à la fois introspectif et dans les limbes de l’espace infini auquel on va être convié et qui va être s’avérer totalement prenant, même s’il va falloir de la patience et de la dextérité pour totalement adhérer et entrer dans une bulle isolée de tout, au risque de rester hermétique à la musique, voire d’en faire un rejet pur et simple.
Car d’entrée on a droit à douze minutes de « Cachot » où moments calmes et de violence ne vont cesser de s’enchaîner l’un après l’autre à l’instar de la chaleur et de la froideur tel Charybde et Scylla, tant les blasts désespérés et déchaînés côtoient des arpèges doux qui nous renvoient dans le calme du vide sidéral. Toujours sur un fil entre des riffs glaciaux et ceux plus dissonants basés sur un côté éruptif assumé (tout en jouant sur la longueur pour laisser les ambiances se créer), l’ensemble part dans un trip à la fois obscur et lumineux où tous les états psychiques de l’auditoire sont mis en phase active. D’ailleurs on a l’impression que l’ensemble de cette galette n’est constitué que d’un seul bloc vu que toutes les plages s’enchaînent dans la foulée de l’autre, reprenant ainsi certains plans et idées relativement interchangeables sur la durée, mais qui ne donnent jamais le sentiment de faire dans la redondance tant les subtilités y sont suffisamment présentes pour éviter cet écueil. Preuve en est avec « Germes Vermeils » plus remuant et tribal de par ses cassures rythmiques à la batterie, et qui montre de fait une facette plus hypnotique au milieu du zéro absolu et des notes qui déchirent le néant cosmique, où se mélangent les tempos entraînants et ceux plus lourds au milieu de parties calmes et apaisantes propices à la méditation avant que la fureur ne revienne en pleine tête tel un boomerang.
Si le court interlude « Fanes » permet de reprendre un peu ses esprits ça ne sera pas le cas de la conclusion intitulée « Amnios » qui va mettre au jour une vision plus rampante et inquiétante, où là-encore le chant de sa tête pensante se fait totalement dérangé tant ses cris déchirent le ciel et mettent autant mal à l’aise que ceux de Nattramn (SILENCER) ou de Niklas Kvarforth à ses débuts. Totalement dissonant et donnant la sensation d’être presque bordélique ce morceau fait preuve au contraire d’une vraie recherche couplée à une fluidité totale, où la-encore les opposés s’attirent. Car ici on oscille entre la chaleur brûlante de Mercure et la congélation totale de Neptune, avec toujours cet espoir qui prend forme via un break apaisant et relaxant sans qu’il ne fasse oublier cette folie qui suinte par tous les pores.
En poussant plus loin sa musique son créateur réussit le tour de force de proposer quelque chose d’original et unique ou presque dans notre beau pays, porté par un désespoir total en lui-même et en l’humanité en général, préférant ainsi se réfugier dans une artificialité de façade où le rêve succède aux hallucinations visuelles comme auditives. Presque expérimental dans sa démarche et proposant une découverte insoupçonnée du fin fond de l’âme humaine cet album ne laissera personne indifférent mais mérite assurément de s’y pencher avec attention tant la violence des instruments autant que celle psychiatrique y est présente sans discontinuer… même lors des parties les plus calmes. A l’heure où tout n’est que le copier-coller de choses ressassées et déjà entendues auparavant cette galette pleine de surprises et d’originalité est une vraie bouffée d’oxygène… même si lors de son écoute on en manquera régulièrement… jusqu’à frôler l’apnée et l’étouffement avec un plaisir néanmoins non-dissimulé, et même carrément approbateur.
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