Souvent, je me dis que je m'emballe assez vite. Je découvre un album pour lequel je suis dans de bonnes dispositions et, c'est parti, je me lance en hyperboles enthousiastes, et on me rappelle que : « Attention MoM, faut prendre du recul. »
Mais il y a que, dans 95% des cas, ma première impression reste tenace ! Notamment pour Disentomb : il est paru certes au moment de la rédaction de cette chronique, mais je l'ai reçu en mai, alors que j'étais dans une situation émotionnelle intense. Alors tombe ce Disentomb, j'étais juste prêt à me recevoir dans la che-tron un gros brassage Brutal !
Eh bien non.
J'en parlais sur
ma vidéo traitant de Possessed et Disentomb, alors je vais éviter les redites en les balançant ici en résumé : en 5 ans, les australiens ont changé de registre. Exit le brutal à la batterie aux grooves méchants et aux patterns ultra huilés, au revoir l'écrasante clique instrumentale pour créer une grosse masse pesante, et bonjour l'atmosphère suffocante qui vient entourer, enserrer les êtres humains. Ici, il semble que le groupe ait souhaité changer de registre pour proposer une expérience certes moins concentrée (leur
Misery faisant très mal sur 32 minutes), mais qui gagne en ambiance et en richesse.
Ainsi, en lançant le skeud, on se laisse embarquer dans un paysage sonore bien plus vaste, avec une basse qui semble prendre l'intégralité de cette immensité en écho avec une nappe constante, comme si se trouvait une piste additionnelle qui se ferait avec la rémanence de chaque instrument. Ainsi, on le dit sans détour, la production de cet album reste très solide : si chaque instrument est parfaitement lisible et permet du bon poutrage massif (grosse mention pour cette basse agressive, qui ajoute à la violence, et pour ces variétés dans la guitare), la production confère aussi ce sentiment inéluctable d'être piégé par des forces surhumaines, dans une surveillance macabre qui ne laisse aucun secours au ridicule de notre existence. Le morceau « Your Prayers Echo Into Nothingness », qui a servi de single, présente parfaitement cette palette de coups au service de l'écriture de la misère humaine. On alterne dans une fuite continue entre les phases ; et la batterie, certes moins brutale qu'auparavant, n'en reste pas moins variée et fine, comme sur « Indecipherable Sermons of Gloom » ou » Centuries of Deluge » (cette phrase mélodique au départ, c'est bon !), qui détiennent d'ailleurs un traitement et une écriture qui devrait plaire à ceux ayant apprécié le
Dimininishing Between Worlds de Decrepit Birth en terme de balance entre le brutal et l'ambiance – la démonstration technique en moins, cela dit.
C'est évident que ceux qui attendaient un Misery-bis, ou une poursuite plus brutale de l'ancienne fournée, seront sur la touche. Car même quand ça balance, tel que dans « Undying Dysphoria » (ce break à 3:24, délicieux !), on reste sur un traitement beaucoup moins rentre-dedans : tu prends « The Decaying Light », et tu comprends que s'installe sur l'ensemble des titres une forme de jeu sur les forces d'inertie. Le groupe amorce, repose en laissant le temps, puis reprend, dans une sorte de danse lancinante, qui se sent également dans l'ensemble de l'album. Ainsi, après un « The Great Abandonment » de transition, « Dredged Into Existence » sert de claque derrière la nuque avant « The Droning Monolith » et sa mélodie qui rentre direct en tête avec force et fracas. Mais ne nous le cachons pas, comme ça ralentira ensuite, on sent que ce type de mouvements ininterrompus se veut répétitif, en misant davantage sur le mid-tempo en général pour rendre les multiples reprises de souffle en accélérations encore plus marquants.
Car c'est là un des éléments qui, s'il s'explique dans l'écriture apocalyptique inhérente à leur projet, peut gêner à l'écoute : Disentomb se répète beaucoup. Sur
Misery, ça allait, car la brutalité était telle que c'était un jeu de mandales dans le tronche, avant que n'arrivent plusieurs parpaings dans le bide. Mais, ici, avec ce balancement plus régulier, on se laisse embarquer dans un rythme soutenu, ponctué de breaks moins ramasse-dents qu'à l'accoutumée, mais plus sombres, plus introspectifs (la fin de « The Decaying Light », notamment, déploie toute l'ombre menaçante des géants). Mais quand ça se calme vraiment dans les bpm, tel que « Dismal Liturgies », on se sent décroché, on perd pied, avant de reprendre un bon rappel jusqu'à la suivante « Invocation in the Cathderal of Dust », démarrant sur un bon growl des familles, et allant encore plus lentement encore. Voilà qui fait plonger davantage en profondeur, et presse à fond pour bien nous écraser... Sur quatre minutes, ça fait long !
Heureusement, un petit effort, car si tu prends « Rebirth Through Excoriation », tu reprends bien ta dose de Brutal tout en finesse et, limite, ça te fait du bien, ça te rend plus fort, alors que tout y est méchant là-dedans. Sauf que c'est ici que ça se termine, ensuite c'est un morceau acoustique, et on range tout ça, en te laissant avec cette amertume en bouche. Parce que tu n'es rien, et tes paroles, qu'un murmure dans l'immensité cosmique.
Vous savez, je pars du principe que la musique extrême doit préserver un équilibre : jouer avec les règles, certes, mais savoir les utiliser. Si les groupes de Death metal refont des formules éculées, c'est pas la peine, on reste sur une zone de confort – et l'extrême ne signifie ici plus rien, car ne sortant pas des sentiers battus. Ainsi, je veux récompenser cet album. Car Disentomb a pris des risques, et a cherché à développer autre chose.
Si j'ai pu être enthousiaste lors de sa découverte, c'est parce que j'étais dans d'excellentes dispositions – et ce chaos orchestré a tout de suite parlé à mon esprit en désordre. Seulement, à froid, j'y trouve d'autres forces, d'autres qualités : une écriture cohérente, une production abyssale avec cette masse constante et inévitable, ainsi que ce souffle qui enveloppe totalement l'auditeur. Le son a fait preuve d'un très grand soin, et permet ainsi de dessiner un véritable tableau que la cover parvient non seulement à se figurer d'abord, puis à magnifier ensuite.
The Decaying Light est une belle pièce de Brutal Death à renfort d'ambiance et parvient à dépeindre sans problème un fatalisme palpable. Toutefois, ce qu'on gagne en écriture et en cohérence avec le projet, on le perd en efficacité. Il y a bien encore quelques gros riffs poings dans la gueule, mais on est loin de Misery. Car cet album, ce n'est pas Misery. Il est plus long, moins compact, moins évident, très présent dans son concept – et ceci ne plaira pas à tout le monde.
Disentomb propose un voyage qui ne fera pas l'unanimité, mais qui a été conduit jusqu'au bout, sans concession, laissant ainsi un sentiment d'accompli lorsque, à la fin, on se sent moins que rien – un voyage extrême, donc.
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