Epitaphe - I
Chronique
Epitaphe I
Comme le suggère l’orthographe du mot "épitaphe" ci-dessus (et cela même si l’accent a été volontairement oublié pour des raisons que l’on imagine purement esthétiques), c’est bien d’un groupe français dont nous allons parler aujourd’hui. Si ce dernier a vraisemblablement passé les premières années de son existence (entre 2009 et 2016) avec le même patronyme (Epitaph) que vingt-six autres groupes recensés sur Metal Archvies, la formation originaire de la région de Grenoble a néanmoins choisi de remédier à ce problème en embrassant (partiellement) ses origines françaises. Car si Epitaphe a effectivement changé l’orthographe de son nom, il continue cependant de chanter en anglais ce qui, personnellement, me va très bien.
Baptisé sobrement I, ce premier album paru sur Aesthetic Death Records (Esoteric, Fleurety, Wreck Of The Hesperus…) fait suite à une démo sortie l’année dernière sur le label mexicain Chaos Records (Gutless, Foul, Cenotaph...). La visée de cette dernière étant essentiellement promotionnelle, il n’y a rien d’étonnant à ce que l’on y trouve trois des cinq titres figurant aujourd’hui sur ce premier essai longue durée. A la différence près que ces quelques morceaux étaient alors proposés dans des versions non-finalisées et qu’ils ont depuis été retravaillés et réenregistrés pour l’occasion. Ce travail de production a justement été confié à James Leonard (ex-Maïeutiste) remarqué pour son travail sur le premier album de leurs copains de Barús (dans lequel il joue) alors que l’artwork particulièrement réussi et intriguant est l’œuvre du Finlandais Petri Ala-Maunus.
Formé par quatre musiciens partageant probablement autant de points communs que de différences (le chanteur joue dans un groupe de Hardcore dénommé Influence Néfaste alors qu’on retrouve le guitariste chez les Hardos d’Electric Shock), Epitaphe évolue dans le domaine d’un Death/Doom exigeant, notamment au regard de la durée de ses compositions qui à l’exception de "Rêveries" qui fait ici office d’interlude acoustique, durent tout de même de dix à vingt minutes. De quoi en décourager plus d’un...
Si le groupe ne fait aucun secret de ses influences qui vont de Dead Congreation à Esoteric en passant par Portal, Incantation, Mournful Congregation ou dISEMBOWELMENT, ce premier album à le bon goût de ne pas les dispenser trop ouvertement. Un travail d’assimilation et d’appropriation dans l’ensemble plutôt réussi et qui permet notamment à Epitaphe de se construire une identité relativement marquée. Certes, il reste assez facile de déceler le poids de ces influences à l’écoute de certains passages (les dissonances d’un dISEMBOWELMENT sur "Smouldering Darkness" ou celles d’un Portal sur le riffing de "Embers", les fulgurances tonitruantes d’un Dead Congregation sur "Downward Stream", cette mélancolie à la Esoteric ou à la Mournful Congregation sur les premières minutes de "Monolithe" ainsi que sur certaines transitions beaucoup plus mélodiques et aérées (comme par exemple celle de "Monolithe" entamée à 12:08) ou bien encore ces accélérations/décélérations et ce growl abyssal à la Incantation et même ces accointances Black Metal présentées d’abord avec parcimonie (le pont sur "Smouldering Darkness") puis beaucoup plus ouvertement à mesure que l’album évolue (notamment sur "Downward Stream" et "Monolithe"...) mais sur la durée I ne souffre pas vraiment de comparaisons déloyales et s’impose assez aisément comme un disque d’une incroyable maturité (malgré quelques défauts de jeunesse). Et croyez-moi il en faut pour être capable d’accoucher de titres aussi longs sans laisser sur le bord de la route ses auditeurs.
Pour y parvenir, Epitaphe a compris qu’il était nécessaire de jouer avec la notion de rythme tout au long de ces compositions fleuves. Si des titres comme "Smouldering Darkness" et "Monolithe" on effectivement de quoi effrayer du haut de leurs vingt minutes, l’immersion en est largement facilité grâce à une variété de séquences à la fois contradictoires et complémentaires. Si les Grenoblois aiment ainsi plomber leurs cadences à coup de riffs lourdingues et désabusés, ils apprécient tout autant les passages exécutés le couteau entre les dents ou encore les quelques moments de flottements presque contemplatifs parfois à la limite du Post-Rock. Une diversité qui permet d’éviter l’ennuie que l’on peut parfois ressentir face à des groupes de Funeral Doom misant tout sur leurs atmosphères plutôt que sur un compromis alliant notamment une certaine efficacité. Pour le coup, Epitaphe ne manque ni de l’un ni de l’autre puisque ce I est un album aussi sombre et prenant que percutant.
Cependant, dans son désir de créer des compositions uniques, personnelles et variées, le groupe se perd parfois en séquences bien moins intéressantes. C’est le cas sur "Smouldering Darkness" où ce passage entamé à 8:43 souffre à mon avis d’un riffing assez quelconque que ne vient pas aider une durée quelque peu exagérée (celle-ci s’étend jusqu’à 12:02). Si intégrer un pont à ce moment du morceau était tout à fait judicieux, sa réalisation me laisse clairement sur ma faim. Dommage pour un titre ayant pourtant si bien commencé (et se concluant d’ailleurs tout aussi bien). Ce qui me chagrine aussi un peu ce sont ces influences Black Metal évoquées un peu plus haut davantage présentes à mi-parcours et qui font à mon sens perdre un petit peu en cohérence. Rien de rédhibitoire mais je préfère Epitaphe quand il lorgne du côté de Dead Congregation et Incantation que du côté de la Norvège.
Servi par une production incroyable alliant précision du propos, lisibilité parfaite et puissance implacable, ce premier album des Français n’est certes pas parfait mais brille surtout par sa très grande maturité, symbolisée notamment par un niveau de composition particulièrement élevé pour un groupe de cette envergure. Et à en croire les avis positifs qu’Epitaphe récoltent aujourd’hui à travers le monde entier, il semble que je ne sois pas le seul à partager cet enthousiasme. Si je ne sais pas de quoi demain sera fait, il semble en tout cas que la carrière des Grenoblois est actuellement sur de bons rails. En tout cas, il y a fort à parier que son nom se répande comme une traînée de poudre dans les milieux autorisés vu le niveau de ce I que je ne saurais que trop vous recommander si vous n’êtes pas du genre à flancher lâchement devant des compositions de plus de dix minutes.
| AxGxB 8 Août 2019 - 1727 lectures |
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