Leprous - Pitfalls
Chronique
Leprous Pitfalls
Chaque nouvel album de Leprous est, pour Einar Solberg, un véritable défi. Comment le frontman Norvégien parviendra-t-il à se surpasser? Comment pourra-t-il faire mieux que le dernier album en date de son groupe, qu'il déteste à tout prix maintenant? Et surtout, comment réussir à convaincre les fans de le suivre une fois de plus, dans une nouvelle direction? Ce sont toutes ces questions que le groupe s'est posé durant tout le processus d'écriture de ce "Pitfalls", et qui ont abouties en un résultat si singulier. C'est ainsi qu'ils ont prit une nouvelle direction qu'ils n'avaient eux-même pas anticipée, toujours menée d'une main de fer par le frontman à la voix de tête si puissante, qui s'impose ici et pour la première fois comme principal parolier. Créer un album personnel, intimiste, discret mais qui réussirait en même temps à véhiculer de fortes émotions: voilà quel était le défi de ce nouvel album.
Pour ce faire, exit presque définitivement le metal, le groupe s'aventure ici sur le terrain de la pop moderne et s'essaye à tout un tas d'expérimentations, que ce soit en incluant moult synthés ou autres effets comme des cloches, des violons ou une chorale, pour poser une ambiance bien différente de ce à quoi ils nous avaient habitués, le groupe ayant compris que, pour faire ressentir des émotions aussi complexes, c'eut été une erreur de rester dans le monde - relativement codifié, mine de rien - du metal pour pouvoir laisser libre court à l'imagination et à la composition. Mais que les fans de la première heure, toujours persuadés qu'un "Bilateral 2" sortira un jour - sortez-vous cette idée de la tête - n'aient pas à s'inquiéter devant un tel changement de direction, qui peut certes se montrer déroutant : Leprous ne décide pas non plus de renier leurs origines, leurs influences ou même leur style si unique. Au contraire, même, on a affaire ici à une technique de composition très classique pour du Leprous, cependant agrémentée de divers passages nettement plus pop.
L'album se construit sur cette dualité pop/metal: les morceaux sont tous composés d'une première moitié plus expérimentale, ou le groupe s'essaye à diverses sonorités intimistes avant de prendre son envol passé la moitié du titre, où les guitares et la batterie viennent remplacer les synthés pour retrouver une patte créative bien plus traditionnelle. Cette dualité peut s'expliquer par le processus de composition de l'album, s'étendant de Février 2018 jusqu'à Juillet de la même année: le groupe avait décidé de s'occuper de toutes les parties pop et expérimentales (la première moitié, en quelques sortes) en premier avant de revenir dessus, plus tard, pour les compléter avec la touche metal qui définit tant leur musique, ces accords dissonants mais aux sons de guitares si doux, ces schémas rythmiques et cette batterie si décousus et surtout, cette voix si particulière qui en profite pour sortir de sa retenue et exploiter toutes ses capacités.
L'album affiche cinquante-cinq minutes au compteur, ce qui en fait techniquement le plus court de leur discographie ("techniquement" car on reste malgré tout dans la moyenne de ce que peuvent nous proposer les Norvégiens, à quelques minutes près...) mais cette courte durée se fait surtout ressentir de par la légèreté des morceaux: chacun d'entre-eux nous expose une idée, une ambiance, ou deux, mais pas plus, ce qui rend l'écoute très facile et digeste, un peu à la manière de "Vector" de Haken, dont j'avais déjà parlé en ces pages. De ce fait, l'album nous paraîtra très court et se finira bien vite de par tous ces passages aériens, presque ambiants, qui constituent au final près de la moitié de l'album.
Pour conquérir nos coeurs avides de sons extrêmes, Leprous s'y prend par bien des manières. Débutant sur le premier couplet assez sombre, façon pop moderne, de "Below" et nous annonçant ainsi la teneur de ce nouveau changement, le disque nous propose tour à tour cordes de guitare frottées sur "I Lose Hope", claps sur "At the Bottom", violons et exercices vocaliques sur "Distant Bells" (les fameux "oh oooh"!) et conclusion absolument magnifique sur "The Sky is Red" où, de manière assez intéressante, le processus est renversé pour conclure sur une partie "non-metal", avec, après un break fracassant, une montée très longue façon Devin Townsend composée d'une base mélodique (assez dissonante) de quelques violons auxquels se rajoutent divers instruments pour former une sorte d'orchestre avant-gardiste qui laisse un sensation de malaise de plus en plus grande au fur et à mesure que les instruments se rajoutent, avant de s'arrêter de manière assez brutale. On aura même un morceau sans une trace de metal avec "Observe the Train" où l'on aura simplement, de temps en temps, une caisse claire qui viendra nous rappeler dans quel genre musical Leprous s'est formé.
Le groupe ne nous égare pas non plus avec leur patte très facilement reconnaissable et que l'on peut d'ailleurs retrouver dans bon nombre de formations de cette vague de prog plus moderne, alternant entre expérimentations nouvelles et sonorités plus douces et classiques, tels Haken ou Caligula's Horse. Il serait compliqué de comparer cet album aux autres sorties de groupe tant ce dernier souhaite produire quelque chose de différent à chaque fois, mais on pourrait néanmoins faire quelques parallèles avec The Congregation, surtout au niveau du riffing très dissonant, avec "The Sky is Red" ou "Foreigner", ou bien Malina et la tonalité globale plutôt sombre et triste de l'album. Enfin, pour rester dans la comparaison avec la dernière oeuvre en date, le chant semble désormais prendre une place omniprésente dans la carrière de Leprous, allant peut-être de pair avec le fait qu'Einar soit maintenant crédité comme son compositeur principal. Que ce soit dans "Below", "I Lose Hope", "Alleviate" ou "Observe the Train", le chant apparaît clairement comme l'un des principaux centres d'attentions - si ce n'est le principal centre d'attention, comme si toutes les sonorités plus discrètes servaient d'appui pour cette voix.
Finalement, cette pochette signée Elicia Edijanto résume parfaitement ce nouveau chef-d'oeuvre norvégien: sombre, sobre, discrète, intriguante et mystérieuse. Si la patte artistique "metal" de Leprous reste la même, cette nouvelle orientation pop parfaitement maîtrisée suffit à diversifier encore plus sa discographie, prouvant qu'il est bien plus qu'un simple groupe de metal.
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