Crucifix - Visions Of Nihilism
Chronique
Crucifix Visions Of Nihilism (Compil.)
Alors que notre époque nous donne chaque jour à découvrir une quantité hallucinante de groupes frais émoulus (quitte à frôler régulièrement l’overdose), il semble toujours aussi pertinent de devoir faire marche-arrière ne serait-ce qu’un instant pour jeter un coup d’oeil sur ce qui se faisait auparavant. Au-delà de l’aspect purement historique qui va permettre de comprendre comment un style s’est façonné à travers le temps, c’est aussi l’occasion de découvrir des groupes passés à l’époque (et encore aujourd’hui) sous le radar d’à peu près tout le monde. Car parmi toutes ces formations qui n’ont jamais eu la chance de percer ni de faire date dans l’histoire du Death Metal (en tout cas ici), nombreuses sont celles qui méritent pourtant que l’on s’y intéresse. Heureusement pour nous, certains labels l’ont bien compris, se fixant ainsi pour mission de donner un second souffle à des groupes qui pour la plupart bouffent pourtant les pissenlits par la racine depuis déjà belle lurette. Parmi ces structures oeuvrant pour le bien commun, le label espagnol Dark Blasphemies Records à qui l’on doit quelques productions particulièrement recommandables (Necrolatry, Embalmed, Obfuscation, Harassed, Cromlech, Adversary...)
Formé à Dallas en 1989, Crucifix n’a pas eu ce que l’on peut appeler une carrière des plus remarquables. Après trois démos sorties sous le manteau entre 1991 et 1994, de nombreux soucis de line-up (quatre bassistes et un chanteur en l’espace de six ans) et une signature sur le label JL America (Acheron, Blasphemy, Goatlord, Killing Addiction, Mortuary...) pour la sortie d’un premier album qui ne verra finalement jamais le jour, le groupe prendra la décision d’en rester là. Crucifix va alors sombrer dans les limbes de l’underground où il va y pourrir lentement pendant près de dix-huit ans avant que Dark Blasphemies Records ne décide de mettre la lumière sur l’histoire des Texans à travers une compilation intitulée Visions Of Nihilism. Sortie en 2013 et quasiment introuvable aujourd’hui à moins d’y mettre le prix, l’auditeur un brin curieux va pouvoir y découvrir tout ce que le groupe américain a pu sortir de manière officielle durant ses quelques années d’activités (un EP composé de quatre titres restés jusque-là totalement inédits sera également proposé par le label espagnol l’année suivante).
Remasterisée pour l’occasion, cette compilation proposée de manière antéchronologique va nous permettre d’apprécier à rebours l’évolution de Crucifix, de ces dernières années passées à peaufiner une formule bien plus technique et brutale qui n’est pas sans rappeler les premières heures de Suffocation ou Morpheus Descends (de "Submit To Earth" jusqu’à "Devious Conceptions") à ces premiers pas plutôt orientés Death/Thrash façon Malevolent Creation (de "The Beast Within" jusque’à "Poor Rich Man"). Et si la production se veut évidemment caractéristique de l’époque à laquelle ses morceaux ont été couchés sur bande (pour l’essentiel aux Sound Logic Studios qui ont vu passer des groupes tels que Gammacide, Divine Eve ou Solitude Aeturnus), avec ses quelques défauts et autres excès, celle-ci conserve néanmoins une authenticité et un charme certain en plus d’être encore aujourd’hui toujours très à propos (chose plus qu’appréciable avec des démos qui approchent tout de même de la trentaine).
Fort heureusement, ce n’est pas le principal atout des Texans qui ont tout de même un peu plus à proposer qu’une production capable de traverser les époques sans pâtir de son âge. Deux facteurs importants sont ainsi à considérer dans l’appréciation de Crucifix et de son Death Metal scolaire mais ô combien redoutable. En premier lieu il y a ce riffing particulièrement solide et efficace qui n’a rien perdu de son efficacité. Véloces, techniques et dotés tous les deux d’un feeling mélodique et sinistre relativement marqué (flagrant lors des quelques leads et autres solos dispensés ici pendant un peu plus de cinquante minutes), Mark Bagwell et Jeff Ross font ici, sur chaque titre de chaque démo, un excellent boulot lorsqu’il s’agit d’expédier du riff technico-morbide dans les esgourdes de l’auditeur qui ne s’attendait probablement pas à une telle démonstration de force de la part d’un groupe aussi sous-estimé. Tout y est savamment dosé (technique, vitesse d’exécution, feeling...) à tel point qu’il n’y a pas un seul instant où l’on se demande pourquoi un groupe de ce niveau n’a pas réussi à se hisser parmi les meilleures formations dans le genre. Sérieusement, des titres comme "Submit To Earth", "Succeeding The Reign", "Barriers", "Vaporized" ou "Anatomy Catastrophe" (et j’aurais pu continuer jusqu’a "Poor Rich Man") n’ont pas grand chose à envier aux plus grands noms de l’époque. Outre ce riffing extrêmement réjouissant, le Death Metal des Texans est également marqué par un jeu ultra dynamique, explosif et versatile. Aux blasts soutenus et autres accélérations brise-nuques qui constituent tout de même l’essentiel de cette compilation se succèdent également pas mal de séquences particulièrement bien senties, que ce soit ces passages dont le groove en fera probablement chalouper plus d’un ou ces quelques moments d’accalmie relative sur lesquels Crucifix va tout simplement plomber l’atmosphère à coup de riffs lourdingues et de frappes écrasantes.
Voilà donc pourquoi même si Crucifix est malheureusement arrivé un peu après la bataille, il est encore aujourd’hui un groupe qui mérite toute votre attention, d’autant plus si ce genre de Death Metal US typique des années 90 fait effectivement partie de vos incontournables. Je mets en tout cas ma main à couper que ceux qui commenteront cette chronique sans avoir poser auparavant une oreille sur l’une de ces trois démos le feront avec un enthousiasme non dissimulé une fois le nez mis dans cette compilation qui, pour le coup, mériterait bien une petite réédition histoire de faire dégonfler les prix sur Discogs. Quoi qu’il en soit les statistiques de nos lectures l’attestent, en dehors des grands noms, qu’ils soient d’aujourd’hui ou d’il y a trente ans, la compilation de démos et autres sorties obscures n’est pas un format qui rassemble. C’est pourquoi je me permets d’insister ici en vous rappelant une fois de plus que Crucifix mérite qu’on l’écoute. Alors faites-le !
| AxGxB 16 Octobre 2020 - 715 lectures |
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