Les Italiens, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît. Et donc, il n’y a pas à se poser mille questions concernant Messa – comme j’ai pu le faire. Messa est italien et donc ose tout. Pour le pire et – ouf ! – pour le meilleur.
C’est sûr, il n’a pas une allure avenante, avec son
Jex Thoth de bar metal avant la fermeture, métalleux bourrés et pas très finauds compris. Raison pour laquelle j’ai longtemps jeté un regard dédaigneux envers cette formation, dont je ne comprenais pas le petit succès d’estime qu’avait eu
Feast for Water, son deuxième album. Pris alors par les finesses doom et ambient de
Fvnerals, les incantations de
Monarch!, les démonstrations implacables de
Bathsheba, j’avais trouvé les mariages de la bande menée par Sara B. trop grossiers, immatures, pour me laisser porter par son doom metal canonique fricotant avec le jazz et le dark ambient. Mais à l’heure où les examens de conscience ont été faits, au point de ne plus rougir de honte d'éponger mes yeux lors de l’écoute des mièvreries de
Flesh of the Stars, je n’ai plus envie de jouer les becs-fins. Non, j’ai davantage la tentation de m’attarder sur le décor comme le fait le projet, lumières tamisées, banquettes moelleuses, d’oublier le mal de crâne qui me pousse à partir, de regarder plutôt ceux qui chantent dans la nuit, pour personne, pour eux, anonymes dans leur doom et leur jazz, au point de dessiner les murs en velours, les bois anciens, les alambics au cuivre lumineux, de leur lieu de chant, comme s’ils en étaient une partie.
Une manière pour moi de vivre pleinement ce que j’ai entraperçu lors d’un trop court concert de leur part, d’alimenter les souvenirs étiolés et éthyliques que j’en ai gardé, un charme resté en tête et qui s’épanouit sur
Feast for Water. Clairement, le côté ingrat que peut avoir Messa, prenant ses influences diverses au pied de la lettre, bifurquant d’un doom au feeling rock, mélodique et sans âge à un jazz flirtant avec le blues dans ce qu’il peut avoir de directement accessible, peut faire pousser à reculer son assiette devant tant de sucreries. Naïf, le groupe l’est bel et bien, lui et ses lignes vocales alternant passages flottants et grands déballages épiques avec un plaisir répété qui, au départ, m’a fait voir en lui les qualités que l’on accorde à un blockbuster au cinéma : vite consommé, vite oublié.
Cependant, à l’heure où le doom metal conjugué au féminin se fait plus discret, moins porteur d’œuvres fortes, l’appétit que j’éprouve pour le genre m’a fait réenvisager cet album. Petit à petit, son envoutement particulier s’est montré, simple, sincère, étonnamment modeste et attachant. La poésie sensuelle et kitsch, comme un drap translucide virevoltant dans la nuit, de « She Knows » ; les caresses mélodiques faisant rêver d’épopées vécues au fil de l’eau de « The Seer » ; les élans altiers et candides de « Tulsi » ; Sara et les souffles soul qu’elle offre, intime et généreuse, sur « Leah »... Décidément, un aussi beau cadeau, même mal emballé, ne se refuse pas !
Pour autant, cela n’oblige pas à remercier sans juger. Certes,
Feast for Water aura fini par me montrer des attraits indéniables derrière ses airs effacés, il reste trop maladroit par certains aspects pour voir en lui, comme cela semble être le cas pour beaucoup, un « grand » album. Au-delà d’une conclusion remplissant mal son rôle (« Da Tariki Tariqat », morceau instrumental peu marquant), les Italiens paraissent encore hésiter sur la direction à donner à leur style, alternant et variant les ambiances sans en transmettre une au-dessus des autres. Entre amour pour le retro et la pop (« Snakeskin Drape », accrocheur et au feeling évoquant par instants Led Zeppelin), production vibrante et dronisante, moments évanescents frôlant Bohren & der Club of Gore (« White Stains »), Messa joue sur un fil survolant différents lieux et territoires, sans pour autant parvenir à se poser malgré l’envie de le voir trouver son confort au sein de l’un d’eux. Atmosphère, atmosphère...
Malgré tout,
Feast for Water offre une succession de tours de passe-passe aussi agréables qu’enivrants, avec une humilité et, la plupart du temps, une justesse, permettant de passer un moment rêveur en sa compagnie. Un festin qui, finalement, ne m’aura pas laissé le bec dans l’eau.
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