Désolé de la chronique tardive. Pourtant acheté à sa sortie, il m’aura fallu du temps pour apprécier
The Spin comme il se doit. Un signe de vieillesse, synonyme d’amertume ? Un manque de surprise générale de la part des sorties de cette année, faisant estimer chaque nouveauté à la baisse ? Peut-être un peu des deux… Toujours est-il que j’ai de plus en plus de mal à m’enthousiasmer pour un disque récent. Cela n’est certainement pas favorisé par cette tendance actuelle à sortir des albums dépassant rarement les quarante-minutes. Cette limite oblige certes les groupes à offrir une musique sans longueurs, mais l’absence de gras va aussi avec l’absence d’ambition parcourant l’écoute, cette impression d’être face à une œuvre immense, de parcourir un monde en soi, pouvant difficilement se réaliser durant ce qui ne remplit même pas les deux faces d’un 33 tours.
Il aura fallu prendre un temps que plus personne ne prend : Messa, qui sort un successeur chétif à
Close et sa gourmandise de chaque instant qui le rendait charmant malgré ses (nombreuses) maladresses ; les critiques, qui se concentrent sur le changement de cap, moins doom, plus rock voire gothique et disent que cela est très bon, comme tout ce qui est bien fait aujourd’hui, « très bon », jamais excellent ou même notable dans sa médiocrité, le statu quo en musique ; moi, enfin, qui a tendance à aller vers des anciens amours sans laisser la chance à une nouveauté de me percuter.
Et
The Spin aura été un crash au ralenti, bien plus lent que son tempo qui, effectivement, tend plus vers le rock que le seul doom. Un rock qui s’habille de noir et de velours, marqué par les années 80 – toujours rien à contredire aux analystes, compétents dans leur rôle. Un crush qui s’est vécu à force de répétition, au hasard d’une balade en voiture, une rencontre nocturne, un fond sonore quand on ne sait pas quoi mettre pour habiller sa nuit. Et lui a beau nous déguiser d’un costard parfois – les jazzy « Immolation » et « The Dress » –, blouson noir souvent – les rappels à l’extrême de « Reveal » et le final de « Thicker Blood » –, c’est avec un autre accoutrement ringard qu’on affuble notre visage : un sac banane rempli à ras bord, sourire glouton qui n’en peut plus de tant de plaisir.
Car
The Spin rend heureux. Il fait de son syncrétisme doom, rock, jazz perdu dans les eighties une rêverie enchanteuse dans laquelle on a envie de se perdre à répétition. L’astuce pour transformer une durée aussi courte en expérience marquante : rendre capital son écoute encore et encore, par la caresse qui invite avec douceur à revenir vers elle. On est bien, dans ces lignes vocales pop et explosives (« Void Meridian » ; « At Races »), cette guitare qui doom avec force (« Fire on the Roof », morceau le plus traditionaliste, peu attrayant au départ et au final solide comme le genre lui-même) et peut exploser en plein vol avec beauté (ce solo brisant les murs de « Immolation »), cette éthique punk qui transpire dans cette folie contrôlée (ce batteur est décidément un régal, malheureusement trop bridé sauf en bout de route).
Son manque d’envergure par rapport à
Close,
The Spin le rattrape par une profusion de délices, des coups d’éclats exultant de bonheur – et moi avec. Quelque part, cet album place Messa comme un anti-Hangman’s Chair qui n’enlève rien à l’errance magnifique de
Saddiction mais montre une autre facette de ces nuits qui n’en finissent plus de nous obséder – au point que le monde lui-même paraît s’obscurcir à notre époque.
C’est cet amour pour ce qu’il y a au-delà du crépuscule qui ressort, plus qu’un virage stylistique à la nostalgie dans l’air du temps. Il donne à ces images nocturnes une joie – non pas celle qu’on imagine sautillante et niaise mais celle qui se vit en solitaire, rendant bienheureux comme un cadeau qu’on s’offre à soi – et une liberté qui manquent aujourd’hui cruellement en musique. Des sentiments que les Italiens transmettent coûte que coûte, quitte à être imparfaits dans leur concrétisation, le cœur toujours altier malgré la lourdeur de leurs riffs et l’épaisseur de leurs ambiances. Quant à celui qui fait survivre mon corps de boomer en devenir… voilà qu’il fait boom-boom comme cela ne lui était pas arrivé depuis un certain temps.
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