Sorrow - Hatred And Disgust
Chronique
Sorrow Hatred And Disgust
Quelque part au fin fond de YouTube se cache aujourd’hui, parmi d’autres secrets bien gardés, les plus obscurs groupes de Death Metal ayant émergé au cours des années 80 et 90. Ceux qui de nos jours font encore de l’underground une mine de trésors pas forcément toujours dignes d’intérêt mais qui, pour beaucoup, restent encore à découvrir. Toutefois, pour poser ses oreilles sur ces vieilleries restées pourrir à l’ombre des plus grands noms, il faut bien souvent prendre le temps de chercher et accepter de se laisser porter par les algorithmes de la plateforme américaine. Car s’ils ne seront pas forcément tous couronnés de succès, ces clics lancés au hasard d’une suggestion pourraient à l’inverse se révéler forts payants !
Parmi ces formations dont personne ne parle mais qui pourtant mériteraient davantage d’exposition, on trouve les Américains de Sorrow. Formés à New-York en 1991 par trois anciens membres d’Apparition, le trio sortira dans la foulée via R/C Records un premier EP intitulé Forgotten Sunrise dont on retiendra surtout la photo d’un Brett Clarin qui, entre moustaches latérales et short beaucoup trop court et serré, frise l’attentat à la pudeur. Après l’arrivée de Billy Rogan la même année en tant que second guitariste, le groupe poursuit sur sa lancé avec la sortie en 1992 de Hatred And Disgust, un premier album paru cette fois-ci chez Roadrunner Records et dont l'illustration est signée des mains de l'artiste japonais Hiro Takahashi qui trois ans plus tard signera l'artwork d'un certain Pierced From Within..
"A humans thirst can never be quenched. Too much is never enough" lance à la volée un Andy Marchione porté par les riffs plombés et menaçants de Brett Clarin et Billy Rogan. A l’image de ces derniers tout en sobriété, le growl y est posé et intelligible faisant ainsi de cette première longue séquence pourtant très simple l’un des moments forts de l’album. Une entrée en matière pesante qui, au-delà de ce pédigrée Death Metal évident, révèle également l’appétence des New-Yorkais pour le Doom. D’ailleurs un petit coup d’oeil à la durée de ces six compositions suffit normalement à comprendre où l’on met les pieds. Oscillant entre cinq et dix minutes, les quelques morceaux proposés ici par Sorrow laisse supposer, au moins sur le papier, que le groupe new-yorkais est plutôt du genre à prendre son temps et à dérouler ses riffs à un train de sénateur plutôt que dans l’urgence et la frénésie la plus totale. Si vous n’avez donc aucune sensibilité avec le genre, mieux vaut passer votre chemin.
Pour les autres, il faut bien être conscient que le Death/Doom de Sorrow n’a en soit rien de très original. Sauf qu’à l’époque rares étaient les groupes à mêler les deux genres de la sorte. En effet, l’un des atouts les plus évidents de la formation new-yorkaise est sa capacité à trancher en proposant tout au long de l’album quelques accélérations bien musclées ou des passages non dénués de groove contrastant franchement avec le reste de ces séquences beaucoup plus écrasantes. De "Insatiable" à 3:32 à "Forced Repression" à 1:20 en passant par "Illusion Of Freedom" à 2:26, "Human Error" à 3:08, "Separative Adjectives" à 3:25 et "Unjustified Reluctance" à 7:57 nombreux sont les passages beaucoup plus soutenus insufflant une véritable dynamique à l’ensemble. Des séquences volontaires bien souvent appuyées par des solos frénétiques amenant bien évidemment une énergie et une intensité supplémentaire à ces moments menés le couteau entre les dents.
Outre cette cohabitation de genres, le Death/Doom de Sorrow brille également par la qualité de ses riffs très simples mais particulièrement efficaces et bien sentis. Un sens de la formulation parfois effrayant (difficile de ne pas faire la grimace et de s’interroger sur les capacités de Roadrunner Records à miser sur le bon cheval lorsque l’on entend pour la première fois le riff d’introduction de "Forced Repression") mais plus généralement aux petits oignons (les excellents riffs plombés de "Insatiable", "Forced Repression" (passé cette fameuse introduction), "Illusion Of Freedom", "Human Error" ou "Separative Adjectives"). Un riffing qui ne devrait certainement pas manquer de convaincre l’amateur de Death rampant et schizophrène d’autant plus que la production signée Steve Koslowski n’a pas pris une seule ride. Ce son lourd, abrasif et naturel sert ici parfaitement le propos de Sorrow qui de ses riffs, de ses accélérations, de ses passages plus pesants et de ce growl redoutable va venir écraser l’auditeur sous une véritable chape de plomb avant de venir le secouer bien fort sans crier gare.
Malgré ces bases et éléments plus que solides, Hatred And Disgust n’aura jamais vraiment réussi à faire de Sorrow un groupe de valeur aux yeux du public. Face à une concurrence particulièrement impitoyable, une période déjà moins propice à ce genre de sorties et à une séparation soudaine survenue l’année suivante, peu de gens se sont finalement intéressés au cas des New-Yorkais qui ont simplement fini par sombrer dans l’anonymat le plus total. Heureusement, on aime creuser par chez nous et mettre ainsi en lumière le temps d’une modeste chronique des albums oubliés qui mériteraient davantage de reconnaissance. Si vous avez un tant soit peu d’intérêt pour le genre, ce seul et unique album de Sorrow mérite très clairement que l’on y jette une oreille attentive. Car sans forcément égaler le talent de ses pairs ayant eu davantage de succès (bien que ce dernier ne soit pas nécessairement lié uniquement au talent), on trouve durant ces trente-neuf minutes de quoi satisfaire à (presque) toutes les exigences en matière de Death/Doom.
| AxGxB 16 Juin 2020 - 1135 lectures |
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