Baphomet - The Dead Shall Inherit
Chronique
Baphomet The Dead Shall Inherit
Dans le Death Metal comme dans la vie, il y a des signes qui souvent ne trompent pas. De ce logo dessiné à main levé sur la pause café du lundi matin, les yeux par encore tout à fait en face des trous, à cet artwork qui pue l’amateurisme, tout chez Baphomet évoque dès le premier regard la seconde division, celle que l’on aborde avec toujours un peu de tendresse et de compassion parce qu’au fond on sait que parmi tous ces groupes qui ont beaucoup galéré et n’ont jamais réussi à se faire une place au soleil, nombre d’entre eux méritent pourtant que l’on s’y intéresse.
Formé en 1987 à Buffalo dans l’état de New-York, Baphomet a enchainé dans un premier temps les démos et autres vas et viens de personnels avant de signer un contrat avec Peaceville Records. Sauf que les choses ne se sont pas passées comme le groupe l’aurait souhaité. Après avoir démarché les labels à l’aide d’une démo promotionnelle parue comme son nom l’indique en 1990 (Advance Tracks 1990), Peaceville sortira en mars 1991 le premier album du groupe sous le titre Inheritors Of The Dead. Une parution extrêmement confidentielle puisqu’il s’agit en fait d’un "test press" proposé à seulement cinquante exemplaires. Pas de quoi rivaliser avec les palettes d’albums écoulées à l’époque par des groupes comme Morbid Angel, Cannibal Corpse et autre Napalm Death... Sans que l’on sache vraiment pourquoi, il faudra alors attendre plus d’un an pour que sorte finalement en mai 1992 The Dead Shall Inherit, premier véritable album de Baphomet qui outre quelques titres à l’intitulé remanié, offre également un mixage et un mastering complètement différent de celui de Inheritors Of The Dead.
Marqué par quelques unes des spécificités d’une scène new-yorkaise alors en devenir, le Death Metal de Baphomet se caractérise par un côté lourd et presque pataud ainsi que par un sens du groove particulièrement aiguisé qui encore aujourd’hui, malgré la simplicité évidente de ces dix compositions, les rendent extrêmement efficaces et addictives. Bien sûr, il n’y a jamais rien eu de bien sorcier dans ce que nous offre ici le groupe américain mais en replaçant The Dead Shall Inherit dans le contexte de son époque, on se rend compte assez rapidement que l’on est quand même assez loin de ce qui se faisait alors en Floride, en Californie ou en Suède à la même période. Partagé ainsi entre séquences baveuses au groove délicieusement entrainant ("The Suffering" à 1:13, "Through Devient Eyes" à 1:48, "Leave The Flesh" à 0:31, l’entame de "Valley Of The Dead", "Vile Reminiscence" à 0:19, l’entame de "Streaks" et sa basse ultra menaçante...) et accélérations bien plus musclées et soutenues insufflant juste ce qu’il faut de brutalité et de relief à l’ensemble ("The Suffering" à 2:22, "Through Devient Eyes" à 0:43, "Valley Of The Dead" à 1:04, "Torn Soul" à 0:05, "Vile Reminiscence" à 0:06, "Infection Of Death" à 0:32...), ce premier album n’a pas d’autres défauts que celui d’être paru probablement trop tardivement et de s’inscrire dans un registre offrant également peut-être moins d’attrait que celui pratiqué par tous les grands patrons de l’époque (même si par certains aspects, la musique de Baphomet partage évidemment de nombreux points communs avec des groupes tels que Cannibal Corpse, Deicide, Malevolent Creation ou Incantation).
Quoi qu’il en soit, trente ans après sa sortie (ou presque), The Dead Shall Inherit reste encore aujourd’hui un album extrêmement bien ficelé. Déjà parce que sa production épaisse et abrasive tient parfaitement la route et cela malgré les années qui passent (le remastering opéré sur les rééditions proposées par Peaceville y doit sûrement beaucoup). Aussi, malgré quelques défauts et autres stigmates inhérents à son époque (la grosse caisse qui fait quand même un peu ploc ploc), tout y est lisible et bien équilibré, permettant ainsi de pénétrer l’univers des Américains sans avoir à y déchiffrer quoi que ce soit.
Ensuite parce qu’au-delà de cette simple dualité qui caractérise le Death Metal des Américains (mid-tempo au groove dégoulinant vs. accélérations fulgurantes), Baphomet a su composer des titres de Death Metal tous plus redoutables les uns que les autres. Passé "The Suffering" qui s’affiche à plus de cinq minutes en préambule explicite de ce premier album (la faute à quarante secondes de samples en guise d’introduction), les New-Yorkais concentrent leur savoir-faire (riff bien gras et chuggy, fulgurances explosives et musclées, groove infectieux, ralentissements évoquant pour certains les prémisses du slam, atmosphères grises et désabusées des bas-fonds les plus sordides...) sur des morceaux relativement courts tournant en moyenne aux alentours des trois minutes et trente secondes. Une concision qui ne laisse aucune place aux tournures inutiles et au sentiment de redite (en dépit d’une formule qui ne change pas vraiment d’un titre à l’autre) et apporte à l’inverse une dynamique supplémentaire à un album qui pourtant ne manque pas d’énergie. En effet, même s’il y a un côté résolument pataud et lourdingue dans ce genre de Death Metal, le groove et ces atmosphères urbaines qui s’en dégagent apportent quelque chose d’extrêmement vivant qui pousse inexorablement l’auditeur à s’agiter un peu plus que de raison. Et lorsque les choses s’accélèrent significativement à coups de blasts dispensés le couteau entre les dents, cette impression n’en est naturellement que renforcée...
Peu remarqué à sa sortie, The Dead Shall Inherit reste aujourd’hui un très chouette album de Death Metal à la sauce new-yorkaise. Du genre de ceux que l’on se passe avec toujours beaucoup de plaisir sans trop vraiment comprendre pourquoi aussi peu de personnes semblent vouloir s’y intéresser. Quoi qu’il en soit, si vous avez un semblant d’affinités avec des groupes comme Morpheus Descends, Morta Skuld, Broken Hope, Rottrevore ou Sinister, il y a priori peu de raison pour que vous ne succombiez pas aux charmes fétides de Baphomet. La suite de la carrière des Américains se fera quant à elle dès 1993 mais cette fois-ci sous le nom de Banished qui là encore sortira un seul album (le très bon Deliver Me Unto Pain) avant de tirer définitivement sa révérence (si Baphomet apparaît bien comme "actif" sur Metal Archives, le groupe n’a plus vraiment donné signe de vie depuis ce concert de réformation tenue en 2013...).
| AxGxB 10 Juin 2021 - 1444 lectures |
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