Dynfari - Myrkurs Er þörf
Chronique
Dynfari Myrkurs Er þörf
Depuis ses débuts il y'a dix ans le duo originel Jóhann Örn et Jón Emil a creusé son propre sillon sans faire de bruit, et en se situant toujours bien à part au sein d'une scène Islandaise désormais reconnue et appréciée à travers le monde. Si musicalement le binôme a principalement misé sur les ambiances et les atmosphères au détriment de la violence pure, celle-ci n'a jamais été absente des débats et sait se faire discrète pour mieux revenir quand on ne l'attend pas. En effet elle réapparaît régulièrement sur le devant de la scène après de longues plages instrumentales de toute beauté, où tristesse, mélancolie et rêverie sont de la partie, et où se mêlent à une voix qui passe par tous les états possibles, notamment quand les paroles sont écrites dans la langue natale des deux acolytes. Avec ce cinquième opus le désormais quatuor continue sur sa lancée sans changer grand-chose, mais en arrivant paradoxalement à se réinventer tout en conservant sa ligne de conduite, sans pour autant donner la sensation de s'épuiser ou de se répéter. Si évidemment les fans de brutalité pure auront déjà passé leur chemin, ceux qui feront preuve de suffisamment d'ouverture d'esprit trouveront ici leur bonheur, avec un disque (à l'instar des précédents) parfait pour se détendre et voyager avec délice au sein du pays des geysers, une situation bien agréable en ces moments de confinement excessif (période dont il risque d'avoir du mal à se relever - comme de nombreuses autres nations).
Cette invitation propice à la rêverie va d'ailleurs démarrer de la meilleure des façons via l'instrumental « Dauðans Dimmu Dagar » où les arpèges les plus doux se mêlent aux nappes de claviers brumeuses et mystérieuses, et d'où un tempo lent et aérien aide l'ensemble à gagner en profondeur. Porté par une météo pluvieuse et triste ce titre d'ouverture donne le ton de ce que sera la suite à venir, qui va se montrer très homogène et équilibrée, sans jamais faiblir ni montrer de redondance notable. Preuve en est dans la foulée avec le doux et plaintif mais aussi rythmé « Langar Nætur (í Botnlausum Spíralstiga) », où le chant désespéré semble être à la fois une demande et un hommage aux dieux anciens, sans pour autant savoir s'il s'agit de Thor, Odin ou Freyja. Voyant l'apparition d'un soupçon de brutalité et d'un solo fin et harmonieux (ce qui sera une constante pour les leads particulièrement fluides) cette compo montre toute la palette de jeu des nordiques, et surtout leur faculté à faire une musique élaborée mais jamais pompeuse ni kitch, à l'instar de la plage suivante la très inspirée « Myrkurs Er þörf ». Continuant sur cette impression religieuse entrevue auparavant (via des parties vocales qui donnent la sensation de réciter une prière), on y perçoit surtout l'émergence de la lumière, tant le soleil semble réapparaître après avoir vu la brume se dissiper pour une période assez courte. En effet bien qu'étant moins sombre que ce qui a été entendu cette composition ne met pas pour autant la luminosité sur un piédestal vu qu'avec « Ég Fálma Gegnum Tómið » le brouillard a déjà repris sa place, afin de ne pas laisser le temps à l'espoir de s'installer, même si celui-ci demeure vu qu'au milieu de tout cela des notes claires émergent des ténèbres, telles un phare dans la nuit.
Afin de faire la transition entre cette très bonne première partie et la seconde, l'interlude planant « Svefnlag » (visiblement inspiré par l'oeuvre de SIGUR ROS) tombe à pic, avant que ne retentisse « Ég Tortímdi Sjálfum Mér » où tout le panel d'influences va être mis en avant. Si son démarrage se fait par des arpèges jouant dans le néant et par une rythmique toujours aussi bridée et lente, la suite va monter crescendo et voir ainsi la vitesse augmenter enfin sur la longueur, histoire d'offrir une éclaircie durable et presque définitive. Cela est le cas de « Peripheral Dreams » qui va amener un coup de pied dans la fourmilière, autant par ses dix minutes intenses que via ses nombreuses variations de tempo bienvenues et qui ne tombent jamais à plat. Jouant les montagnes russes au niveau de la pression comme au sein de l'intensité (vu que ça oscille entre lourdeur assumée et tabassage pressurisé), tout cela finit par exploser telle une éruption volcanique de grande ampleur (comme celle du Laki au XVIIIème siècle), avant de desserrer son étreinte pour constater les dégâts causés. Mais comme après le chaos il y'a le renouveau cela trouve son raccord idéal sur le magnifique « Of Suicide And Redemption » (au nom parfaitement en raccord), qui donne la sensation d'une renaissance en marche, et montre que l'ordre de la setlist n'a pas été choisi au hasard.
Il est en effet appréciable que cette expérience sensorielle n'ait pas été troublée par des éléments extérieurs perturbateurs, autant que par une chronologie faite dans le désordre et qui aurait fini par faire croire à un ensemble décousu, ce qui heureusement ici n'est pas le cas. Ayant gommé les erreurs de jeunesse présente sur ces trois premiers long-format (parties étirées inutilement et longueur générale trop élevée) la formation montre aujourd'hui son meilleur visage et son travail le plus abouti, qui prouve à son label de toujours qu'il a bien fait de la soutenir depuis de nombreuses années. S'il y'a fort à parier que celle-ci ne franchira pas un cap supérieur malgré ce travail soigné, professionnel et appliqué, il faut néanmoins saluer la qualité intrinsèque de cette expédition en terre inconnue qui fait passer par toutes les émotions, même si le côté légèrement "enfantin" et "accessible" pourra en agacer certains, tout en plaisant à d'autres, confirmant qu'on ne fait jamais l'unanimité, qui que l'on soit.
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