Candlemass - Epicus Doomicus Metallicus
Chronique
Candlemass Epicus Doomicus Metallicus
Epicus Doomicus Metallicus. J’aurais peut être pu m’arrêter là en guise de chronique avec ces trois mots en latin, mais pas vraiment celui de Cicéron ou de Virgile, qui décrivent on ne peut mieux le contenu de cet album. Derrière ce patronyme quelque peu pompeux et derrière cette pochette emblématique aussi simple que sombre, se cache pourtant un album charnière dans l’histoire du metal et même assez unique en son genre. En effet, s'il n’est pas rare, surtout au milieu des années quatre vingt, que de nombreux disques furent des pierres angulaires pour différents genres musicaux, comme le thrash metal, le death metal ou bien encore le black metal, quasiment aucuns ne sont devenus et même restés l’épitomé d’un genre comme l’est Epicus Doomicus Metallicus pour l’epic doom metal, genre que venaient de créer trois jeunes Suédois en cette année mille neuf cent quatre vingt six.
Si la genèse de Candlemass remonte aux premiers essais de Leif Endling au sein de Nemesis, qui sortit un EP, The Day Of Retribution en mille neuf cent quatre vingt quatre, avant qu’il ne décide de fonder la même année Candlemass en compagnie du guitariste Mats Björkman et du batteur Matz Ekström. Après deux démos sur lesquelles Leif Endling occupait également le poste de chanteur, ce dernier eut la très bonne idée de délaisser le chant au profit d’un certain Johan Längquist, qui avait jusqu’alors fait ses armes au sein de Jonah Quizz, et de demander au guitariste Klas Bergwall d’enregistrer les soli sur ses compositions. De tout ceci naquit ce premier opus culte, excellent de bout en bout et qui dut sans doute faire son effet lors de sa sortie, alors en pleine apogée du thrash metal, et la même année où d’autres suédois se faisaient remarquer avec leur décompte final.
Comme son nom l’indique, sur cet Epicus Doomicus Metallicus, Candlemass nous dévoile une très belle démonstration de ce qu’est l’epic doom metal. Puisant notamment son inspiration chez des formations telles que Black Sabbath, Mercyful Fate et Manilla Road, - c’est d’ailleurs par l’intermédiaire de Mark Shelton que les Suédois se sont retrouvés signés chez le label Français Black Dragon Records -, le quintet nous délivre une très bonne hybridation entre d’une part le côté pesant inhérent au doom metal, hérité des hommes de Birmingham, et un côté foncièrement heavy metal, hérité de la new wave of british heavy metal. De cela découle une musique prenant tour à tour des attraits plombés et d’autres bien plus entraînants et mélodiques, le groupe alternant avec aisance et efficacité entre tempi lents et d’autres plus incisifs, comme c’est par exemple admirablement le cas sur A Sorcerer’s Pledge. En soit, l’on pourrait penser que le groupe n’innove nullement, tant leur propos musical semblerait se rapprocher de ce que fit Trouble sur ses deux premiers albums et dont ils partagent tout de même quelques similitudes. Pour autant il n’en est rien.
En effet, Candlemass se distingue surtout par une qualité d’écriture assez exceptionnelle, et où l’empreinte d’un Mercyful Fate est assez prégnante, notamment dans ces compositions assez étirées avec moult parties en son sein, mais qui conservent tout de même une réelle fluidité dans leurs agencements. A ce sujet, des titres comme Under The Oak, Demons Gate et A Sorcerer’s Pledge auront de quoi séduire tout amateur de metal léché et racé et loin d’être simpliste. Cela étant dit, les suédois sont tout autant séduisants dans leurs compositions longues que dans celles plus directes, à l’instar de Crystal Ball et, bien évidemment, de Solitude. Pour autant, et ceci est l’une des marques de fabrique du groupe, c’est qu’il y a des couplets et surtout des refrains mémorables et qui font mouche à chaque fois, et l’on ne peut s’empêcher de penser à la Vierge de Fer dans cette caractéristique. D’ailleurs, l’on pourrait poursuivre la comparaison avec Iron Maiden dans le sens où le compositeur principal et leader du groupe n’est autre que son bassiste. Et l’on retrouve déjà ici tout le génie de Leif Edling qui possède non seulement un talent d’écriture indéniable mais qui est en plus merveilleusement inspiré sur ces six compositions. En effet, tous les riffs présents ici, - et j’insiste bien: tous les riffs -, aussi simples puissent-ils être, sont excellents et me laissent toujours autant ébahis, malgré un nombre incalculables d’écoutes et malgré les années. Ne serait-ce que le fameux riff de Solitude, fait de quelques notes, et joués d’ailleurs notes à notes et pas forcément en power chord, explose tellement toute concurrence que nombreux doivent être les guitaristes en herbe ou expérimenté qui auraient aimé composer un tel riff aussi mémorable que puissant.
Là où Candlemass fait très fort sur ces quelques quarante trois minutes d’anthologie, c’est qu’il parvient à captiver l’attention de l’auditeur, avec parfois, il est vrai, des motifs assez simplistes, mais qui ne peuvent laisser de marbre. Ainsi, chaque titre, que ce soit dans son écriture mais également dans ces trouvailles et divers apports mélodiques a de quoi séduire. L’on pense volontiers aux arpèges introductifs de Solitude ou de A Sorcerer’s Pledge, ou bien à ceux présents sur la partie centrale d'Under The Oak, ou le chant féminin présent sur le final de d’A Sorcerer’s Pledge. Les passages purement instrumentaux vont également dans ce sens, et donnent bien évidemment une aura épique, ou parfois un petit côté tragique à l’ensemble, c’est là d’ailleurs un autre trait de caractère qui distingue le trio des formations contemporaines de doom metal. Si tout est ici bien en place, c’est surtout le travail du guitariste de session Klas Bergwall qui laissera sans doute le plus admiratif, entre ses excellents soli présents tout le long de cet album, que ses harmonisations et lead géniales qui parsèment chaque titre. Là aussi c’est vraiment un travail d’orfèvre et ça éclabousse tellement de classe cet album, que l’on ne peut avoir quelques frissons en écoutant telle ou telle partie.
Cependant, il ne faudrait pas hâtivement réduire la musique pratiquée par Candlemass à une simple superposition entre lourdeur et mélodies. Candlemass avait en effet quelque chose en plus qui le rendait unique. Décline en effet de cet album une ambiance assez sombre et surtout assez solennelle et en toile de fond une forme de lyrisme qui rend évidemment l’ensemble très poignant, et si l’on passe par des moments de pessimisme, il y a tout autant de bravoure dans cette musique. Et là encore, c’est dans certaines thématiques abordées ici que le groupe va apporter sa pierre à l’édifice et laissera aussi son empreinte chez pas mal de groupes, il suffit de demander à un certain Aaron ou à un certain Nick du Yorkshire ce qu’ils en pensent. Le groupe se veut ainsi nettement plus mystique et surtout très mélancolique, ce que dégagent particulièrement des titres comme Solitude et Under The Oak. Mais le rendu n’aurait sans doute pas été le même sans le chant unique de Johan Längquist, uniquement musicien de session sur cet opus, faut-il le rappeler. Si cet album a pendant des décennies été un des rares témoignages de ce qu’il fit dans la sphère du metal, avant de retourner au bercail en deux mille dix huit pour enregistrer l’album The Door to Doom, au moins a-t-il eu le mérite de poser les canons du genre.
Längquist ne fait pas seulement que d’interpréter parfaitement les textes de ces compositions, il les vit pleinement, donnant ce côté à la fois désespéré et tellement touchant. Moins technique que son successeur, le fameux Messiah Marcolin, il possède tout de même un panel de chant assez vaste et surtout il est capable d’y mettre une telle intensité, assez extrême d’une certaine manière à certains moments quand il pousse un peu plus, qu’aucun de ses successeurs ne pourra égaler, si ce n’est Robert Lowe, et encore, ou le super remplaçant Mats Levén. Il est inutile d’ajouter que ces compositions, aussi géniales soient-elles, ne seraient sans doute rien sans cette excellente interprétation, extraordinaire même, de Johan Längquist. Si cet album ne comprend que six titres, c’est tout autant de classiques qui sont ici gravés. Et même si l’album débute par l’emblématique Solitude, peut être le titre ultime pour décrire l’epic doom metal et qui résume assez souvent et parfois injustement Candlemass, il ne faut pas en déduire que la qualité des autres titres est moindre, nous sommes très loin de là.
Comme vous l’aurez compris, cet Epicus Doomicus Metallicus, qui souffle en ce jour ses trente quatre ans, est un album parfait. Tout est génial sur cet album, des arpèges introducteurs de Solitude au final avec du chant féminin de A Sorcerer’s Pledge, rien n’est à jeter. Candlemass s’inscrivait dès son premier album comme un groupe exceptionnel et à part au sein de la scène métallique et laissait surtout entrouverte une voie dans laquelle beaucoup de formations se sont engagées depuis lors et reste toujours une référence incontournable. Mieux encore, cet album demeure ce maître étalon auquel il est souvent difficile de se mesurer. D’aucun pourrait m’objecter que le groupe a aussi sorti Nightfall l'année suivante, excellent au demeurant, mais c’est sans doute la maestria de ces titres et l’excellente interprétation de Länquist qui font pour moi la différence et j’écoute ce disque avec toujours autant de plaisir et de respect tant il n’a rien perdu de son impact et de son aura malgré les très nombreuses écoutes et les années. Bref, ce premier album donnait naissance à un genre particulier, l’epic doom metal, tout en demeurant en même temps ce qui se fait de mieux dans le genre, une référence rarement égalée à ce jour. Cela dit, en dehors de son caractère historique, cette réalisation demeure avant tout un excellent disque, un album culte et un classique du metal à posséder, à écouter, à chérir, à découvrir ou à redécouvrir.
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