Solstice - Halcyon
Chronique
Solstice Halcyon (EP)
Quatre années ont séparé les sorties de Lamentations, premier album de Solstice, de son successeur New Dark Age, cela ne signifie pas pour autant que le groupe était resté inactif entre ces deux sorties, participant à quelques tournées pour promouvoir la sortie de Lamentations. Il a aussi pris le temps d’enregistrer deux démos, préparatoires à l’enregistrement de New Dark Age. Mais, surtout, il a sorti en mille neuf cent quatre vingt seize cet EP, qui mérite pleinement que l’on s’y intéresse. Évidemment, la valse des musiciens s’est poursuivie chez Solstice, puisque le batteur Lenneart Roomer ne faisait déjà plus parti du groupe, bien que ce soit lui qui avait enregistré le titre Winter Moon Rapture présent ici et provenant d’une session d’enregistrement antérieure à celle de l’album Lamentations. Il a été remplacé par l’excellent Shaun Taylor-Steels, que l’on retrouvera par la suite chez Anathema, My Dying Bride et Godthrymm. Tout ce petit monde est donc retourné aux Studios Academy au printemps mille neuf cent quatre vingt quinze, avec l’éternel Mags derrière la console, pour enregistrer cet EP. Et comme le groupe avait déjà la poisse, le label Stormstrike Records qui était censé sortir cet album à l’automne de cette année n’a plus donné aucun signe de vie. Les Anglais ont donc conclu un accord avec le label italien Godhead Records pour qu’il sorte enfin cette réalisation, à l’automne mille neuf cent quatre vingt seize. Pour la petite histoire, le label a fait faillite peu de temps après, mais, par chance, de nombreuses rééditions ont vu le jour depuis lors. Et il serait bien dommage de faire l’impasse sur ce Halcyon, qui signifierait jours heureux en vieil anglais.
Si l’on veut saisir comment l’on est passé de Lamentations à New Dark Age, la réponse est assez simple, il y a eu le tournant décisif de l’enregistrement de Halcyon, qui, s’il ne propose que deux véritables et complètes compositions, n’en demeure pas moins incontournable. Et si je dis que deux véritables compositions, c’est sans condescendance par rapport aux autres titres que comprend cette réalisation, dans la mesure où le groupe avait plutôt choyé son auditeur avec au programme une introduction, The Ravenmaster, et une interlude instrumentale avec le morceau éponyme, qui vont encadrer ces titres excellentissimes que sont To Ride with Tyr et Graven Deep, dont l’on pouvait entendre une version moins étoffée sur l’une des démos du groupe. L’on retrouve ainsi cette cohérence dans l’enchaînement de ces quatre titres. The Ravenmaster étant une introduction assez mystérieuse, où sur des chants profonds, Byron Roberts de Bal Sagoth vient déclamer de sa voix grave et puissante un texte à l’esprit vengeur et qui va donner le ton pour la suite. Halcyon est quant à elle une instrumentale reprenant des motifs de musique médiévale anglaise, assez plaisante. Comme évoqué plus haut, il y a également une nouvelle version de Wintermoon Rapture, présente sur Lamentations et, cerise sur le gâteau, une reprise, et par n’importe laquelle, puisque c’est ni plus ni moins que le Gloves of Metal de Manowar, un des meilleurs titres des Américains, et le titre avec lequel Rich Walker avait découvert le groupe.
Si The Ravenmaster nous met bien dans l’ambiance et nous renvoie à des temps immémoriaux, nul doute que l’introduction de To Ride with Tyr lance clairement les hostilités. Et c’est d’ailleurs là que l’on va voir cette nette inflexion entre les deux albums de Solstice. Non pas que le style des Anglais a radicalement changé, loin s’en faut en fait, puisqu’il est toujours question d’Epic Doom Metal, comme seul Solstice sait nous le proposer. Sauf qu’ici, nous avons un pas en avant fait en terme d’écriture. Aussi bien To Ride With Tyr que Graven Deep apparaissent plus étoffées que les compositions présentes sur le premier album. Cela se voit d’abord par les changements de rythmes un peu plus fréquents que de coutume, où l’on sonne tout autant la charge, sans toutefois faire preuve d’une grande vélocité, que de ralentir le tempo pour bien marquer les esprits, avec même, de temps à autres, des petites cassures qui, paradoxalement, vont apporter encore plus de puissance à l’ensemble, notamment sur To Ride with Tyr. L’on se permet également un magnifique break comme c’est le cas sur la seconde partie de Graven Deep. Non pas que les titres provenant de Lamentations étaient monolithiques, mais l’on sent ici que l’on lâche plus facilement la bride qu’auparavant et la comparaison avec le Wintermoon Rapture sera assez édifiante. Si le rythme évolue, c’est aussi au niveau des arrangements que les compositions se voient encore plus étoffées, avec encore plus d’arrangements au niveau des mélodies de guitares.
Rich Walker et Gian Piras ont atteint ici une bien meilleure complémentarité que précédemment, le temps passé ensemble aidant sans doute à cela, mais l’on a ici, une nouvelle fois un très beau travail mélodique des deux hommes. Si l’on retrouve bien évidemment ces riffs typiques et empreints d’un certain dynamisme, c’est surtout la profusion de leads et de soli qui vont sertir ces deux compositions, avec l’apparition, à quelques moments, de contrepoints, ce que l’on retrouvera bien plus sur les compositions de New Dark Age. L’on doit ajouter à cela, ce très beau break sur Graven Deep avec des arpèges qui viennent temporiser l’ensemble, avec même ces chants d’oiseaux qui leur apportent une touche assez bucolique et plaisante. Dans tous les cas, c’est à chaque fois de très belles mélopées qui nous sont proposées, et non pas de la mélodie facile et grossière, mais bien quelque chose qui dégage une forme de noblesse et de bravoure. Cela ne dégouline pas de bons sentiments, même quand il est question de moments plus solennels, notamment sur Graven Deep, mais l’on est soufflé par l’aspect purement épique ou tragique qui s’en dégage. Car c’est aussi une des caractéristiques, pour ne pas dire un tournant, propre à cet enregistrement. L’on sent que le quintet a franchi un cap avec cet enregistrement et est prêt à se lancer dans la mêlée. En cela, le fait que le groupe a gagné en dynamisme n’est sans doute pas étranger à l’arrivée de Shaun Taylor-Steels à la batterie, avec son jeu bien puissant et complètement adapté au style, avec d’ailleurs une très bonne utilisation des toms.
Il ne sera ainsi guère surprenant de trouver ici des aspérités bien plus belliqueuses sur cet enregistrement, et dont témoigne notamment le titre To Ride with Tyr, là où l’on retrouve quelque chose de plus solennel sur Graven Deep. Mais lorsque je dis solennel, c’est en aucun cas pleurnichard. Nous en sommes loin de tout ceci et s’il y a bien quelque chose que dégage cet enregistrement, c’est une certaine puissance et en cela, il n’est donc pas étranger d’y retrouver cette excellente reprise de Manowar. Si les titres sont ainsi plus étoffés mais tout en gardant en même temps une grande fluidité, il y a un musicien qui tire son épingle du jeu sur ces titres et ce n’est autre que Simon Matravers. Je l’avais évoqué précédemment, mais c’est bien ici qu’il a accompli sa plus belle prestation au sein de Solstice et les progrès sont plus que flagrants, ayant gagné en technique de chant et étant désormais capable de monter un peu plus haut dans les aiguës. Alors, certes les compositions s’y prêtent sans doute mieux, mais il met ici bien plus d’intensité et de passion dans ses lignes de chant, avec des lignes parfaites aussi bien sur les couplets que sur les refrains. Il suffit sans doute d’écouter sa prestation sur Graven Deep pour en être pleinement convaincu. Elle y est magistrale et cette montée en puissance tout le long du morceau demeure pour moi un modèle du genre et me laisse toujours autant béat d’admiration, pour ce qui est sans nul doute l’une des toutes meilleures compositions du groupe, qui pourtant en possède une belle collection.
Il faut aussi dire que la production a gagné en clarté et laisse même la basse de Lee Netherwood respirer, ce qui lui permet de se démarquer sur certains instants, lorsqu’il décide de suivre sa propre voie. Mais dans tous les cas, l’on a ici un son moins terreux que sur Lamentations et qui donne une belle emphase à la musique de Solstice. Si l’on retiendra évidemment les deux nouvelles compositions de cette réalisation, il ne faut pas pour autant considérer Wintermoon Rapture et Gloves of Metal comme étant anecdotiques. Le premier, comme énoncé ci-dessus, provient d’une session d’enregistrements qui s’est déroulée avant celles de Lamentations. Si la composition n’a pas changé d’un iota par rapport à la version finale, elle possède toutefois des différences au niveau du chant, sans doute plus intense sur cette version, et met plus en avant le travail d’harmonisation des deux guitaristes, ce qui fait qu’elle mérite de s’y attarder et de jouer au jeu des différences. La reprise de Gloves of Metal, titre fréquemment jouer en rappel lors des concerts du groupe, si elle est fidèle à l’originale, est toutefois présentées dans une version plus grave, jouée deux tons et demi plus bas, ce qui convient très bien à la tessiture de voix de Simon Matravers qui évite l’écueil de vouloir singer Eric Adams, préférant se focaliser sur ses forces. S’attaquer à un hymne du metal n’est pas simple, mais pourtant le groupe s’en tire avec les honneurs, et montre ainsi qu’il reste attaché à ses racines métalliques par cet exercice. En tout cas, placé en fin de course ce titre ne jure aucunement avec le reste du propos.
Halcyon ne constitue pas seulement le chaînon manquant entre Lamentations et New Dark Age, c’est avant toute chose une pépite en terme d’Epic Doom Metal, tout simplement. Évidemment, les plus retords me diront qu’il ne s’agit là que d’un EP, mais pourtant il ne comprend aucun temps faible, et, si l’on devait se concentrer sur les quatre compositions originale qui le constitue, il n’y a rien à jeter ici. Évidemment, l’on retiendra ces merveilleux titres que sont To Ride with Tyr et Graven Deep, qui restent pour moi ce qui pourrait sans doute le mieux définir ce qu’est l’Epic Doom Metal, dans ses deux aspérités, avec d’un côté sa face homérique, et de l’autre sa face tragique. Je ne trouve aucune faille dans ces deux titres fantastiques, ni même dans cette réalisation. Et c’est même ainsi que Solstice est devenu clairement un incontournable en terme d’Epic Doom Metal, ne devant aucunement rougir devant ses illustres aînés avec une telle réalisation. Elle laisse d’ailleurs quelques questions, car le line-up avait ici atteint une certaine maturité et complémentarité, mais, à l’heure de la sortie de cet EP, seuls demeuraient Rich Walker et Lee Netherwood au sein du groupe, une épreuve dont ils allaient remarquablement se relever, une nouvelle fois.
For Ale, For Albion, For Metal!
DONNEZ VOTRE AVIS
Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer.
AJOUTER UN COMMENTAIRE
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo
Par Jean-Clint
Par Troll Traya
Par alexwilson
Par Sosthène