Solstice - New Dark Age
Chronique
Solstice New Dark Age
L’epic doom metal est un Art particulier au sein de la scène doom metal et, même au-delà, de la scène metal en elle-même. Il repose sur une sorte de symbiose ultime entre le doom metal hérité des Grands Anciens et du heavy metal racé, aussi bien celui de la New Wave Of British Heavy Metal que de la scène épique américaine des années quatre vingt. Il a effectivement son acte fondateur avec la sortie d’Epicus Doomicus Metallicus de Candlemass, bientôt emboité par d’autres sorties des Suédois et la venue de Solitude Aeturnus de l’autre côté de l’Atlantique. Pour autant, une décennie après son apparition, il n’y eut pas pléthore de groupes pour prendre la suite de ces deux formations, même si l’on pourra citer des noms tels que Memento Mori, Millarca, Scald, While Heaven Wept et, surtout, Solstice pour ce qui nous occupe présentement. Et à l’heure où Leif Edling ressuscitait son projet, pas forcément pour les bonnes raisons, que Solitude Aeturnus sortait son dernier grand disque avec Adagio, les Anglais proposaient en cette année mille neuf cent quatre vingt dix huit ce que je considère comme étant l’un des disques majeurs du genre avec ce sublime New Dark Age et qui allait montrer qu’il ne fallait pas oublier l’Île des Forts pour ce qui est d’un genre musical dont les racines sont aussi ancrées dans son patrimoine.
Si le groupe s’était déjà illustré avec un excellent premier album, Lamentations, et après nous avoir proposé un savoureux mini album avec le très bon Halcyon, sorti en mille neuf cent quatre vingt seize, il nous revenait enfin après deux années d’absence avec son deuxième album. Un petit hiatus qui s’explique en fait par des changements de musiciens. Rich Walker continuait de subir cette valse incessante au sein de Solstice avec les départs de trois membres présents sur le premier album, c'est-à-dire le chanteur Simon Matravers, le guitariste Gian Piras - parti à l’époque rejoindre Cradle Of Filth, l’on notera d’ailleurs la petite dédicace à ce groupe dans le livret - et le batteur Lennaert Roomer, respectivement remplacés par les nouveaux venus que sont Morris Ingram, Hamish Hamilton Glencross - futur puis ex My Dying Bride et désormais dans Godthrymm, l’on notera d’ailleurs qu’il n’apparait pas dans les crédits et la photo du livret de la réédition chez Cyclone Empire - et de Rick Budby. Et l’on peut dire à l’écoute de ce New Dark Age que la perspicacité et la ténacité de Richard Walker et de Lee Netherwood à maintenir Solstice en vie ont payé, tant cet album est une très belle réussite.
Malgré tous les changements de musiciens subis par le groupe, le style de Solstice demeure néanmoins, et fort heureusement, inchangé et tout de suite reconnaissable, s’inscrivant ainsi dans la lignée de qu’il avait proposé sur Halcyon, mais en bien plus abouti, c’est dire la qualité de l‘album. Ainsi les Anglais nous proposent ici un excellent epic doom metal, dans la pure tradition de ce style et surtout dans la droite lignée des références que sont Candlemass et Solitude Aeturnus, même s’il faut insister sur le fait que Solstice affiche une nouvelle fois sur ce disque une personnalité qui lui est parfaitement singulière, notamment dans la durée plus conséquente de ses compositions et dans cette touche tellement anglaise. Bien évidemment, s’agissant d’epic doom metal avant tout, les guitares se font très lourdes, même si l’on est loin tout de même d’une certaine lourdeur pachydermique trouvée chez d’autres formations de doom extrême. Les tempi sont toujours aussi lents, voire très lents comme sur New Dark Age II, sans atteindre pour autant une monotonie agonisante, c’est pourtant ce qui démarque un peu le groupe par rapport aux formations sus-citées. Mais là n’est de toute façon pas le propos des natifs de la perfide Albion qui ne se refusent pas à quelques passages aux rythmes plus soutenus, notamment sur Cromlech, accentuant ainsi la lenteur des autres passages, le titre Cimmerian Codex étant à ce sujet l’un des exemples les plus éloquents. En dehors des quelques titres de transitions, bien trouvés et bien insérés dans ce disque, la durée des compostions dépassent allègrement les huit minutes, comme c’est le cas avec Cimmerian Codex et Hammer Of Damnation, voire même les dix minutes, notamment avec Sleeping Tyrant, Cromlech et Legion XIII. Au-delà de cette durée qui pourrait en déconcerter plus d’uns, il n’en demeure pas moins que le talent de ces musiciens est tel que ces titres gardent une rare limpidité, avec à chaque fois une admirable combinaison entre passages lents, d’autres dans une veine mid tempo, et surtout de bonnes transitions et d’excellents soli et leads. C’est d’ailleurs une constante sur tout l’album, chaque titre est admirablement bien écrit et la qualité de l’ensemble est clairement bien au-dessus du lot.
Autre fait marquant chez cette formation, c’est le caractère très mélodique que possède sa musique, sans tomber il est vrai dans une simplicité, et même une naïveté, affligeante, l’on est bien sur un disque de vrai metal et même d’ultra metal, pour reprendre une expression du sieur Ikéa. C’est ici qu’il faut souligner le travail des deux guitaristes Richard Walker et Hamish Glencross, qui démontrent tous leurs talents sur cet album, que ce soit par le biais de leurs riffs tous aussi bons les uns que les autres, et qui à coup sûr ne laisseront personne indifférents, ou bien encore sur le plan mélodique, avec de nombreux leads et soli. Certes, ces deux guitaristes n’affichent pas une éclatante technicité, mais ils ont tout de même le mérite d’être parfaitement complémentaires, une complémentarité que l’on retrouve dans cette association entre riffs lourds et leads mélodieuses, les deux guitaristes proposant à de nombreux moments deux lignes de guitares bien distinctes, jouant le plus souvent avec cette divine tradition des twin leads, pour un rendu réellement riche et vaillant, et exécutant parfois de magnifiques contrepoints. A cela, il faut ajouter leurs soli où, fréquemment, l’un répond à l’autre, reprenant ainsi à leur compte une autre grande tradition propre au heavy metal, les duels de soli, ce qui s’explique bien lorsque tu as grandi en savourant les duels entre Dave Murray et Adrian Smith, - ce n’est sans doute pas anodin si la réédition de cet album comprend la reprise de The Prophecy. Ce tableau serait parfaitement incomplet, si l’on n’évoquait pas l’utilisation judicieuse de guitares acoustiques. C’est notamment le cas sur de courts passages de The Sleeping Tyrant, de Legion XIII et sur le final de Cimmerian Codex, et surtout sur les intermèdes que sont Alchemiculte et The Anguine Rose, ainsi que sur la somptueuse ballade aux accents médiévaux Blackthorne. Tous ces éléments confèrent à la musique de Solstice un rare caractère mélodieux et, évidemment, épique, j’insiste une nouvelle fois là dessus, mais surtout il s’en dégage une certaine tragédie et en même temps un sentiment de nostalgie, bien transposés d’ailleurs dans le titre Blackthorne, évoqué ci dessus. Dans tous les cas, ces lignes mélodiques sont à ce point merveilleuses qu’elles peuvent rester imprimées à jamais dans votre mémoire, et j’ai toujours autant de frissons dès que les hostilités sont lancées avec The Sleeping Tyrant et cet entrecroisement de leads. Et c’est un des très nombreux exemples que je pourrais citer pour démontrer de la haute valeur du travail mélodique effectué ici.
Toutes ces qualités précédemment énoncées seraient bien vaines, s’il n’y avait pas également l’excellente prestation dont nous a gratifié le chanteur Morris Ingram, qui n’a rien à envier à son prédécesseur Simon Matravers. Son excellent chant, uniquement dans un registre clair, est certes à la fois puissant et lyrique, mais surtout, il émane de cette voix une certaine tristesse et en même temps une certaine solennité. Autant dire que c’est aussi cette voix, avec certes un accent du nord de l’Angleterre très prononcé, qui fait la différence sur ce disque, ce d’autant plus que l’epic doom metal de Solstice prend à de nombreuses reprises des intonations quasi mystiques, nous ramenant tout droit aux meilleurs moments de Candlemass. Car il n’est pas seulement bon techniquement, il fait surtout passer un panel d’émotions par son chant ce qui vient bien parfaire ce que proposent ici ses comparses. Si tout ce disque est une démonstration probante de cette qualité, le court The Keep, a capella, ne fait que confirmer à lui seul, et en à peine deux minutes, toute l’excellence de la prestation vocale de Morris Ingram. Qui plus est, je reste admiratif de sa prestation tant le vocabulaire employé dans ses paroles est très soutenu, à l’instar de ce refrain très marquant sur Cimmerian Codex: « Winds from the black mountain rend and tear / Sepulchral thanes, so much walking dust / Ice locked the nexus, an empire awaits / Axiom abhorrent, protean triumvirate ». La cellule rythmique, bien en place, est d’une incroyable solidité, même si l’on regrettera que le batteur Rick Budby n’ait pas un style plus démonstratif, et surtout que Lee Netherwood ne propose pas un jeu de basse plus alléchant, ce dernier ne se contentant que de suivre à l’unisson la guitare rythmique. La production de ce disque est très bonne, parfaitement adaptée à la musique de Solstice, mais comment peut-il en être autrement étant donné que ce disque fut enregistré aux studios Academy sous la houlette du producteur Mags, dont la réputation n’est plus à faire désormais, et qui n’a pas pris une ride, plus d’une vingtaine d’années après sa sortie.
Loin de se contenter de proposer neuf compositions similaires aux autres, les anglais nous ont proposé ici un disque suffisamment diversifié et surtout très bien équilibré. Mais ce qu’il faut garder à l’esprit c’est surtout une qualité d’écriture tout bonnement extraordinaire avec des compositions très bien écrites, particulièrement bien pensées et agencées, et, surtout, si elles s’étirent assez souvent, et bien plus que ce le genre nous avait habitué à l’époque, c’est à chaque fois pour un rendu homérique et inoubliable. A ce sujet, il faut souligner le judicieux apport des courts intermèdes que sont Alchemiculte, qui voit la succession entre passages acoustiques et passages électrifiés, reprenant la même thématique que celui proposé par les acoustiques, l’acoustique The Anguine Rose, qui n’est en fait qu’une introduction au titre Blackthorne, et The Keep qui voit le chanteur Morris Ingram chanter seul face à des vents déchaînés qui lui soufflent au visage. Vous voyez bien l’image de l’homme seul face aux éléments, et bien l’on en a ici une très belle illustration. Tout cela vient enrichir et étoffer cet album et permet quelques instants de respiration entre longues pièces épiques. Au rang des singularités, le titre Blackthorne tient une place de choix: uniquement interprété aux acoustiques, ce titre possède une ambiance incroyablement nostalgique, presque médiévale tant elle s’apparente plus à une chanson de geste de ces temps reculés, ou, pour reprendre une référence plus récente, elle se rapproche des titres acoustiques et passéistes de Led Zeppelin. C’est effectivement à ce niveau d’excellence.
N’allez surtout pas penser que ce disque n’est en fait qu’une succession de pièces acoustiques, même si cette partie centrale est magnifique, car il est ici véritablement question d’epic doom metal dans ce qu’il a de plus grandiose, comme l’attestent les titres The Sleeping Tyrant et Legion XIII, toutes deux de sublimes pièces d’epic doom metal, les plus longues de l’album, débutant et concluant à merveille ce disque, avec pour chacune d’entre elle de superbes passages aux leads et des refrains assez accrocheurs. Le titre Cimmerian Codex ne déroge pas à cette règle, plus alambiqué, il voit surtout une très bonne montée en intensité sur sa première moitié aboutissant à une partie plus rapide qu’à l’accoutumée, qui sera d’ailleurs précédé d’un très bon passage où le chant est uniquement accompagné de la batterie. Les titres Hammer Of Revelation et Cromlech se distinguent un peu des autres compositions en raison de leurs rythmes plus véloces et qui ne sont pas sans rappeler l’une des influences majeure et assumée des anglais, à savoir Manowar, même s’ils gardent tout de même une lourdeur de circonstance, mais l’ambiance s’y fait bien plus belliqueuse. Quoiqu’il en soit, il demeure tout de même une constante entre tous ces titres, à savoir de très bonnes lignes de chant avec même des refrains assez marquants, et toujours, encore une fois, ces magnifiques leads et soli.
Il va sans dire que ce New Dark Age est un album parfait, ne souffrant d’aucuns temps morts et avec un rare souci d’équilibre de la part de ses auteurs. L’epic doom metal de Solstice, au sens noble de ces trois termes, est vraiment somptueux, et l’entièreté de ce disque en est une plus que probante démonstration. A la fois mélodique, puissant, héroïque, nostalgique, mélancolique et même mystique, la musique proposée ici par le quintet est tout simplement magnifique, et il est difficile de s’en lasser et même d’y rester indifférent. Ainsi ce deuxième et excellentissime album demeure à mes yeux un incontournable du genre et devrait plaire à tous les fans de ce style, et s’avère sans doute l’une des toutes meilleures réalisations de ce genre, à ranger aux côtés de Candlemass, et de Solitude Aeturnus. New Dark Age reste pour moi un modèle du genre et qui va bien au-delà du simple hommage et exercice de style, car Solstice y déploie son Art à la fois unique et enivrant, et cela reste un épitomé du genre, dans mon podium personnel en compagnie d’un certain Epicus Doomicus Metallicus et d’un Nightfall, mais devant ce dernier.
J’irai même plus loin. Il n’y a quasiment pas d’albums de ce niveau à mes yeux, mis à part un certain White Horse Hill, et j'ai beau l’avoir écouté un très grand nombre de fois depuis une vingtaine d’années, je ne m’en lasserai jamais. J’ai toujours les mêmes frissons me parcourant l’échine lorsque déboule l’introduction de The Sleeping Tyrant, la même envie d’en découdre à l’écouter de Cromlech et celle de m’incliner devant mes ancêtres en entendant Cimmerian Codex. Ici, l’on est vraiment dans ce que le metal peut avoir de plus épique et de plus majestueux, c’est ça qui fait la grandeur de New Dark Age et le place tellement au-dessus du lot, au panthéon du metal, et il serait bon parfois pour quelques jeunes pousses brandissant à tort et à travers cet étendard, de se rappeler ce que le terme épique signifie réellement en écoutant cet album. En tout cas, c’est ce que je fais à chaque fois que je doute de la chose et c’est la raison pour laquelle je vénère cet album, tout simplement, et pas seulement parce qu’il fut le tout premier album d’epic doom metal que j’ai écouté. Et quoi de mieux en cette période sombre que nous traversons que d’en avoir la meilleure bande son, pas celle qui vous fera courber l’échine et demeurer inerte, mais celle qui vous fera redresser la tête fièrement prêt à affronter toutes les vicissitudes de l’existence.
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