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Solstice - Lamentations

Chronique

Solstice Lamentations
Si la formation de Solstice remonte au vingt et un juin mille neuf cent quatre vingt dix, soit, le jour du solstice d’été, il aura toutefois fallu attendre quatre années avant que le groupe ne présente son premier album, le présent Lamentations. Il faut dire que le groupe n’avait pas pour autant chômé, - même si cela peut surprendre de nos jours, à une époque où les moyens d’enregistrements se sont démocratisés rendant les jeunes formations parfois très prolifiques -, avec pas moins de quatre démos sorties depuis la création du groupe. L’on ne pourra guère alléguer le fait que le groupe s’est précipité, tant il avait pris son temps afin de peaufiner ses compositions avant de les enregistrer pour ce premier album. L’on retrouvait pas mal de titres présents sur ce premier album sur ces quatre démos, le groupe de Rich Walker ayant déjà pour principe de peaufiner ses compositions avant de les coucher sur bandes de façon définitive, ce qui ne changera guère au grès des années. L’autre explication quant à ce laps de temps conséquent entre la genèse du groupe et la sortie du premier album tient surtout à la grande instabilité du line-up, là aussi une grande constante dans son histoire.

Ainsi, pas moins de six musiciens ont défilé au sein de Solstice, avant que son line-up ne se stabilise en mille neuf cent quatre vingt quatorze autour de l’indéboulonnable guitariste Rich Walker avec Gian Piras - guitare, futur Cradle of Filth -, Lennaert Roomer à la batterie, qui a été un temps second guitariste du groupe et qui a joué dans Chorus of Ruin, Lee Netherwood à la basse et Simon Matravers au chant, qui était un temps passé par les rangs de Mourn, groupe d’un certain Will Palmer. Tout cela pour dire que la valse des musiciens a toujours été caractéristique de ce groupe, et que les années n’ont pas changé les choses, et il n’a pas été rare que certains musiciens se sont fait les dents dans cette formation, avant de rejoindre d’autres plus reconnues, ou même de donner naissance à des groupes, comme Serenity au milieu des années mille neuf cent quatre vingt dix, ou, plus récemment, avec Godthrymm. Tout ceci est un brin chaotique, avouons-le, mais c’est aussi pour cela que l’on apprécie aussi cette formation qui aura tout connu ou presque et qui parvient à se maintenir à flot, encore aujourd’hui. Il n’en demeure pas moins que la pugnacité du leader du groupe a tout de même payé, preuve en est ce premier album, paru à l’époque chez le jeune label, mais déjà qualitatif, Candlelight Records.

SI l’on aurait pu penser qu’un groupe sortant son premier album au milieu de années quatre vingt dix et évoluant dans le doom metal en provenance d’Angleterre, et, de surcroit étant passé par les Studios Academy sous la houlette de Mags, par qui sont notamment passés My Dying Bride et Anathema, aurait évolué dans les sphère du doom death metal, il n’en est strictement rien ici. Dès le départ, Solstice s’était démarqué de ses compatriotes en pratiquant une toute autre forme de doom metal, qui, s’il en appelle à Black Sabbath comme tant d’autres, n’aura pas évolué vers le doom traditionnel comme d’autres, car les influences et la volonté même de départ du groupe était de rendre aussi hommage à des formations telles que Saint Vitus, Count Raven, Stillborn et Candlemass. Le dernier groupe cité n’est pas anodin, ce d’autant que Rich Walker ne cache pas son amour pour les premiers albums de Manowar, mais aussi pour des formations qui n’intéressaient guère grand monde à l’époque: Cirith Ungol, Omen, Warlord et Pagan Altar. Et en bon sujet de sa majesté, il apprécie bien évidemment des légendes telles que Judas Priest et Iron Maiden. Tout ceci nous donne des influences qui sont certes désormais citées comme des poncifs, mais au milieu des années quatre vingt dix, cela n’allait pas vraiment de soi. Aussi, n’est-il pas surprenant de voir Solstice pratiquer ici un Epic Doom Metal assez unique, qui synthétise bien les influences des grands noms évoqués plus haut, et en premier lieu Candlemass, mais tout en le faisant sonner terriblement anglais.

Pour qui aurait pu écouter les oeuvres plus récentes, et pour ainsi dire plus flamboyantes des Anglais telles que New Dark Age ou White Horse Hill, cet album pourrait apparaître plus terne au niveau des compositions, avec d’ailleurs une production bien dans son jus du milieu des années quatre vingt dix, sans trop de fioritures, il faut le reconnaître. Il faut dire que pour l’époque, cette formule pourrait passer pour quasiment anachronique, car mise à part Solitude Aeturnus qui restait encore actif et fidèle à son style, un groupe comme Candlemass avait déjà évolué avec son cinquième album, Chapter VI, avec pas mal de passages quasiment power metal adjoints à son Epic Doom Metal, - avant de disparaître momentanément l'année où Lamentations vit le jour -, et à l’instar de ce que présentaient à la même période Memento Mori et Abstrakt Algebra. De cette évolution des Anciens, il n’en est rien ici, et si quelques compositions comprennent quelques accélérations, inhérentes au genre, certes, elles sont plus relatives à cette composante heavy metal épique si chère aux musiciens de cette formation. En cela, l’on voit bien se développer la personnalité et même tout ce qui fait l’originalité de la formation. En tout cas, de façon générale, le rythme est majoritairement assez lent, sur cet album, chose qui va sans doute le démarquer de ses successeurs, sans qu’il ne soit toutefois question de monolithisme d’un point de vue rythmique.

Il est évidemment question ici de compositions plus ou moins longues où la part belle est faite à des riffs qui alternent entre power chords, bien puissants il faut l’avouer, et développements mélodiques. C’est d’ailleurs là quelque chose qui va faire vraiment la différence chez cette formation et l’on sent bien le poids des années mille neuf cent quatre vingt chez Rich Walker et consorts dans ces développements. Sans surprises, l’on retrouve une flopée de mélodies sur toutes les compositions, donnant ainsi une tournure assez lyrique à l’ensemble. Et au niveau des harmonisations et du travail mélodique, il faut avouer que c’est très bien fait, l’on sent bien que tout ceci a été très bien travaillé, Gian Piras et Rich Walker s’en donnent d’ailleurs à coeur joie. Rien d’extravagant, c’est indéniable, mais il y a une réelle complémentarité dans leurs jeux respectifs et tout cela donne une assise clairement harmonieuse à l’ensemble. Les passages à l’unisson sont d’ailleurs assez rares, bien que nullement absents, et l’on a tantôt des leads harmonisées tantôt quelques soli sur chaque titre qui viennent étoffer ce travail. Mais l’on n’a pas ici de la mélodie facile et inopérante, mais bien quelque chose qui dégage une certaine noblesse et empreinte en même temps d’une certaine nostalgie. C’est une certaine alchimie de toute beauté qui est assurée ici, c’est même cela qui en fait tout le charme.

Car s’il y a bien quelque chose qui se dégage de cette première œuvre des Anglais, c’est bien cette atmosphère assez passéiste, jouée avec passion et foi, et qui renvoie bien à la pochette originelle de cet album, et encore plus à celle de la dernière réédition par Cosmic Key Créations, à savoir cette image au teintes surannées et montrant un longskip pris par les flammes pour reprendre une certaine forme de rites funéraires propres aux Vikings. Ce n’est sans doute pas un hasard si cela fait un peu résonance à la pochette d’Hammerheart, tant l’on y retrouve un peu de cette même sève épique que chez Bathory, même si, ici, l’on est sur une toute autre forme d’hommage aux temps anciens. Car s’il y a déjà des moments de bravoures comme sur These Forever Bleak Paths, Only the Strong ou Wintermoon Rapture, et où s’exprime une certaine puissance du propos du quintet, il y a aussi une certaine forme de solennité qui se dégage de ces compositions, à l’instar de Last Wish ou, surtout, de The Man Who Lost the Sun. Si la coloration n’est pas foncièrement guerrière sur cet album, il y a tout autant une manière d’appréhender les choses de manière plus traditionnelle et plus nostalgique. L’on n’est pas tout à fait dans la fierté des oeuvres ultérieures, mais bien plus dans une sorte de recueillement sur les cendres de ses ancêtres et dans ces questionnements sur la légitimité de reprendre le flambeau pour soi et d’être à même de poursuivre ces traditions.

Non pas que l’on ait sur Lamentations un Solstice chancelant, ce n’est pas du tout ce dont il est question ici, mais bien quelqu’un qui gagne ses galons afin de devenir le héros que l’on attend de lui, et qui, pour le moment, se doit de suivre un rite initiatique avant de prendre les armes et les chemins vers la gloire. Aussi, avons-nous ici des témoignages de ces questionnements et de ce besoin d’en revenir au passé. C’est en cela que cet album a une saveur particulière et que l’on y prend tout autant le temps de se recueillir, que de se ressourcer, voire même de souffler, comme c’est le cas sur le très bel instrumental nostalgique qu’est Empty Lies the Oaken Throne, comme tout un symbole, avant de repartir sur les sentiers du triomphe. Ce n’est pas anodin si l’introduction comporte des samples de chants religieux, nous renvoyant au Moyen-Âge, ou si vient résonner un glas sur le final Ragnarok, qui peut-être vu comme tout autant la fin d’une ère que le début d’une autre. Je n’irais pas jusqu’à parler d’album concept, mais il y a tout de même une certaine cohérence dans l’enchaînement de ces titres, une sorte de logique même.

Si Lamentations possède ce cachet unique, il n’est pas seulement du à la complémentarité des musiciens qui officient ici, mais également à la prestation, très bonne dans l’ensemble, de Simon Matravers au chant. Autant le dire d’emblée, ce n’est pas ici sa meilleure prestation, puisqu’elle interviendra deux ans plus tard sur Halcyon. Mais, pour autant, son chant clair assez puissant et très mélodique, sans être exubérant, est justement ce qui va donner ce cachet antique à cette réalisation. Il y a en effet une part de mélancolie dans son timbre de voix, sans doute quelque peu de réserve de sa part, voire de timidité, due, peut-être à sa récente arrivée dans le groupe, qui donnent quelque chose d’assez majestueux à tout ceci. Je veux signifier par là que s’il n’éclabousse pas par sa technique sur cet album, il y a pourtant une grande justesse dans sa manière de chanter et de vivre ses paroles et lignes de chant. Cela nous donna ainsi, et même déjà, des lignes de chant assez mémorables sur les couplets et, surtout, des refrains vraiment poignants, sur chaque titre, il faut l’avouer, et où il est difficile de rester de marbre. En tout cas, il vient bien compléter cette forme de lyrisme qui est propre à cet album. D’ailleurs, pour l’anecdote, à l’époque la musique de Solstice était qualifiée de doom metal lyrique et je trouve que cela résumerait bien la chose pour ce qui est du contenu de cet album.

Que dire de plus sur ce Lamentations si ce n’est que nous avons là un excellent album d’Epic Doom Metal, et qui répond bien à ce que l’on doit attendre de ce genre musical, le tout étant fait avec sincérité et inspiration. Solstice a ainsi repris à son compte un certain héritage musical et le met terriblement bien à l’honneur sur cette première oeuvre, où, si tout n’est pas parfait comme cela pourra être le cas sur les deux albums suivants, l’on voit bien le développement de ce qui sera par la suite un grand nom du genre et même une référence incontournable. Comme décrit plus haut, le style de Solstice est sans doute ici plus traditionnel, et l’on pourra presque présenter trivialement cet album comme étant le plus doom metal de la formation, ou en tout cas celui dont les siècles passés y résonnent avec une certaine solennité et un certain respect. Pour autant, cette oeuvre de jeunesse ne souffre aucunement de temps morts et comprends dix belles compositions qui devraient ravir tout amateur du genre, ou, tout simplement toute personne amatrice de metal racé, honnête, sincère, et fidèle aux dogmes. S’il peut sonner comme provenant d’autres temps et d’autres époques, cet album n’a rien perdu de son charme près de trente ans après sa sortie. En d’autres lieux, l’on devait conclure sa chronique en résumant l’album en question par trois mots pour le décrire, je n’en aurais pas d’autres que ceux-ci pour décrire Lamentations: fierté, Albion, nostalgie.

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Solstice
notes
Chroniqueur : 8.5/10
Lecteurs :   -
Webzines : (4)  7.33/10

plus d'infos sur
Solstice
Solstice
Epic Doom Metal - 1990 - Royaume-Uni
  

tracklist
01.   Lamentations IV  (01:26)
02.   Neither Time Nor Tide  (05:20)
03.   Only the Strong  (08:17)
04.   Absolution in Extremis  (06:03)
05.   These Forever Bleak Paths  (06:40)
06.   Empty Lies the Oaken Throne  (04:22)
07.   Last Wish  (05:17)
08.   Wintermoon Rupture  (07:02)
09.   The Man Who Lost the Sun  (09:08)
10.   Ragnarok  (03:33)

Durée : 57:08

line up
parution
1 Août 1994

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