While Heaven Wept - Sorrow of the Angels
Chronique
While Heaven Wept Sorrow of the Angels
Mes enfants bonsoir …
D’après votre courrier, vos mails et vos messages privés que je reçois, - toujours aussi abondants et merci bien -, beaucoup s’offusquent de certains de mes propos, et l’epic doom metal par ici, et je te sors l’épée du fourreau par là, et je déterre la hache de guerre par là, et cela ne parle que de guerre encore ici, du sens de l’honneur, et j’en passe et des meilleures. D’aucun me soupçonnerait même d’être un vil machiste qui ne pense musique uniquement qu’avec ses parties génitales au lieu de son coeur et de son âme. Surtout en deux mille vingt et un où prôner de telles valeurs est devenu inacceptable, voire même très tendancieux, et que pour certain d’entre vous, l’on se croirait en train de lire une excroissance musicale du Premier Sexe dans ces pages. Dans tous les cas, il semblerait qu’une majorité croissante d’entre vous ne semble apprécier l’affirmation d’une certaine virilité dans la musique. Bref, tu t’es tapé l’intégrale des albums de Pallbearer, Dream Theater, Swallow the Sun, Tristania, Funeral et autres Katatonia des années deux mille et tu viens me chercher des poux dans la tête parce que je mets en avant d’autres types d’ambiance que celles que tu préfères.
C’est bien légitime.
Il est vrai que je ne cache pas mon amour pour tout ce qui est épique et homérique, mais de là à en faire des pantomimes de ce genre, avouez que c’est un peu fort de café. Une amie, dont je tairais le nom, - secret professionnel oblige -, me disait il n’y a pas très longtemps: « mon cher Caïn Marchenoir, le doom metal ne doit-il pas être un vecteur de nobles émotions telles que la mélancolie, l’affliction et le sentiment d’abandon? ». Je lui ai dit: « mon cul, ouais: c’est les fanfouettes qui disent ça! ». Néanmoins, c’est un peu gênant de passer pour ce que l’on n’est pas et ainsi perdre toute occasion de briller en société et donc de s’y faire accepter et d’avoir les autorités morales et bien-pensantes sur le dos.
Alors, que faire?
Il ne faut jamais, ô grand jamais, rester ferré dans ses retranchements, au risque de passer pour un fieffé arriéré mental, d’un de ces virilistes qui ne savent pas évoluer avec leur temps. Il faut pour cela raison garder, une certaine différence prôner et démontrer que l’epic doom metal peut aussi se faire beau et pleurnicheur et même parler de ruptures sentimentales pour rassurer vos ouailles. Oh et pour cela, pas besoin de chercher très loin, hein, puisque le premier album de While Heaven Wept viendra à ce point faire taire toutes moqueries et montrer que l’on peut très bien reprendre à son compte une grammaire musicale chérie et d’en faire quelque chose de réellement touchant. Il ne faut d’ailleurs pas hésiter à donner des gages et de faire lire les titres des quatre compositions que renferme ce disque pour tout de suite saisir que l’on n’a pas à faire à des chevaliers en culottes courtes, mais bien à des hommes qui savent ce que c’est que de souffrir. Et tant pis si cela donne l’impression d’avoir été écrit par un Aaron Stainthorpe en pleine période de rupture sentimentale, et d’ailleurs, les paroles sont du même tenant, il ne faut pas hésiter à insister là dessus. Encore que Tom Phillips n’en fait pas de trop au niveau du chant, au contraire de ce que l’on peut parfois trouver sur Of Empires Forlorn. Bref, on peut friser le ridicule, avec ce côté un peu too much, avouons-le, mais cela est bien nécessaire. Ne serait-ce que l’emballage, ça te donne déjà la teneur de ce que tu vas écouter avec ces couleurs peu communes et cette peinture d’Odilon Redon. Ça t’évoque autre chose que le côté guerrier du metal, non?
Il ne faut pas faire fuir son auditoire et lui montrer que ce disque est loin d’être de l’esbroufe et fait réellement son travail et a toute sa légitimité au sein de cette scène. Certes, Tom Phillips, le leader de While Heaven Wept aura pris le temps de peaufiner ses compositions pendant les années quatre vingt dix, mais au moins est-il parvenu à quelque chose d’abouti, comme en témoigne ce titre d’ouverture de près de dix sept minutes, et sans doute l’une de ses plus belles réussites à ce jour. Il y a quasiment tout ce qui pourrait décrire la formation américaine passée et même postérieure à son troisième album, le titre démarrant par une succession d’accords simples et pesants, développant une atmosphère assez solennelle, montant peu à peu en intensité, avant de laisser place à un break aux arpèges, très beau au demeurant, avant que tout ceci ne s’embrase dans une veine bien plus enlevée, quasiment power metal, avec soli et tout ce qu’il faut pour étayer une contre argumentation par rapport aux reproches évoqués plus haut, en sachant que la seconde moitié de ce titre est instrumentale. Rien qu’avec ce titre, l’on a de quoi émerveiller et faire pleurer en même temps son auditoire et fermer leurs clapets. Les deux autres compositions sont à l’avenant de celle-ci, certes moins intenses et ne montant pas aussi vite dans les tours, mais elles valent leur pesant d’or pour ce qui est de l’émotion pure retranscrite, dans ce qu’un homme peut avoir de blessures, de mélancolie et de pleurnicheries. C’est autre chose que de parler de chasser le dragon, de trouver le graal ou de forger une épée en émeraude. D’ailleurs tout ceci se noie dans les très beaux arpèges acoustiques de September. Et autant dire que d’un point de vue musical, nous sommes loin d’être en présence de manchots et de freluquets ne sachant maitriser leurs instruments. Non, cela tient évidemment bien la route, et cela met en avant toute la sensiblerie d’un homme qui en a gros sur le coeur et qui sait le démontrer et le faire partager sur ces trente neuf minutes.
Alors? Merci qui? Merci mon chien? Non merci monsieur Caïn Marchenoir pour cette belle découverte.
Allez, en vous remerciant, bonsoir.
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