Zemial - Nykta
Chronique
Zemial Nykta
Parler de Zemial, c’est comme divulguer un des secrets les mieux gardés de la scène metal extrême, notamment parmi les formations les plus originales de la très prolifique scène hellène. C’est évoquer l’un de ces groupes auxquels l’on aime bien y accoler le terme de culte, ou bien encore de joyau, malheureusement méconnu d’une bonne partie du public. Si la formation est apparue en mille neuf cent quatre vingt neuf et a souvent été dépendante des déplacements d’un pays à un autre de son leader Archon Vorskaath, souvent en même temps que son frère The Dark, le leader d’Agatus, Nykta n’est que son troisième album, qui succède à l’excellent In Monumentum paru en deux mille six et deux EP sortis entre ces deux réalisations. Et si le multi instrumentiste n’est pas du genre à être prolifique, il parvient toutefois à privilégier la qualité à la quantité, ne cessant de progresser entre chaque album et s’ouvrir à d’autres horizons musicaux. Et ce n’est pas cet album dédié à la nuit, Nykta signifiant nuit en grec, qui va aller à contre sens de cela.
Après un album très tourné vers le Bathory période viking et donc une tournure assez épique et nostalgique, Zemial revient ici à quelque chose de plus ancré dans une veine black thrash metal, pas si éloignée de ce que l’on retrouvait sur Face of the Conqueror et même sur For the Glory of Ur, avec un riffing acéré et des tempi bien plus rentre dedans, qui ne sont pas sans évoquer tout autant les débuts de Bathory que Celtic Frost. À ce titre, des compositions telles que Under Scythian Command, Breath of the Pestilence et Deathspell auront de quoi séduire tout aficionado du genre, tant c’est rudement bien exécuté et bien mené, et même carrément entêtant pour la dernière nommée, avec son refrain qui vous accroche dès la première écoute. Le chant de Vorskaath va bien dans ce type de diction proche d’un Tom G. Warrior, avec ce qu’il faut de réverbération pour donner un cachet antique à tout ceci. Et ces instantanés plus rentre dedans, on les retrouve bien évidemment sur les compositions plus longues, certes de manière plus éparses, comme sur le début de In the Armes of Hades ou celui de Pharos, mais cette fougue donne vraiment un grand intérêt à cet album, - je rappellerai au passage que Zemial fait partie des formations recommandées par un certain Fenriz, et que l’on se rend compte pourquoi assez rapidement.
Sauf qu’il ne faudrait pas limiter cette réalisation du Grec au champs restreint du black thrash metal, nous sommes même loin de ce carcan restrictif. Ce qui va justement singulariser Nykta dans la discographie de Zemial, et d’une pléthore de groupes, c’est son ouverture vers d’autres horizons musicaux, faisant la part belle à un certain avant-gardisme et surtout à un côté très progressif, hérité des années soixante dix, Dimitrios Dorian Kokiousis, au même titre que son frère, est très friand ce genre musical. Et c’est ainsi que l’on voit bon nombre de compositions s’étirer et faire la part belle à des parties instrumentales de toute beauté et pleine de feeling, avec utilisation de claviers analogiques et autres mellotrons, donnant cette estampille très seventies à l’ensemble. À côté de cela, viennent également côtoyer de très beaux soli, vraiment bien inspirés, parfois très simples, mais bourrés de feeling. Je pense notamment à ce final tout en nuance de In the Arms of Hades, mais également à cette très belle évolution du titre Pharos, autre grand morceau de bravoure de cet album. Il faut d’ailleurs dire que le groupe met les pieds dans le plat avec l’ouverture Ancient Arcane Scrolls, qui annonce rapidement la couleur de cette réalisation.
Ce qui fait véritablement tout l’attrait et tout le charme de ce disque, c’est cet agencement entre riffs bien véloces et rentre dedans et ces moments complètement extatiques où l’on caresse le ciel et les étoiles, comme naviguant dans l’éther. C’est toute cette versatilité qui rend cet album assez singulier, car l’on passe souvent du coq à l’âne entre les titres et même au sein des titres. D’ailleurs, pour celles et ceux qui auraient les EP sortis préalablement, l’on se rend compte comment certains titres réenregistrés ici pour l’occasion ont pris une certaine étoffe et une certaine élégance, se trouvant magnifiés dans ces nouvelles versions. Cela s’ajoute à une technique instrumentale, et quelque soit l’instrument joué par Vorskaath, qui est assez phénoménale, mais toujours au service de la musique. C’est évidemment au niveau de la batterie qu’il s’exprime le mieux, mais ses parties de basse et de guitares sont excellentes également. C’est un peu la même chose pour le chant qui est lui aussi diversifié et qui donne vie à ces compositions, sachant se faire hargneux quand cela tabasse derrière, mais bien plus posé et mystique quand l’ambiance confine plus à ce genre de développements.
Ce qui rend ce disque très attachant, outre les éléments donnés au-dessus, c’est cette ambiance assez unique qui se dégage de ces titres. Il y a une forme de mysticisme et de magie derrière cette heure de musique, et en cela, Nykta s’inscrit bien dans cette branche du black metal grec qui fait une bonne part à l’occultisme dans sa musique. Et quand je parle d’occultisme, je ne parle pas de sa déclinaison en carton-pâte, mais bien de quelque chose qui décline une vraie ambiance à la fois chaude et antique. Il y a là un supplément d’âme qui fait vraiment sortir ce disque de la masse, que ce soit dans ces moments les plus hargneux, comme sur Deathspell ou Under Scythian Command, que dans ces moments plus éthérés dont notamment l’instrumental The Small et toute la seconde partie de Pharos, quand le groupe ne prend pas des accents épiques comme sur Eclipse, voire même des tournures plus méditerranéennes comme sur Ancient Arcane Scrolls et In the Arms of Hades. Et je dois avouer que tout s’enchaîne vraiment très bien du début jusqu’à la fin de ce disque, très cohérent dans son écriture comme dans son agencement.
Nykta est ainsi une perle rare, un peu trop laissée de côté, et qui prend son temps pour s’insinuer dans votre cortex avant d’en devenir indéboulonnable. S’il n’est pas si facile d’accès dans un premier temps, il devient vite très enivrant pour qui aura les clefs pour s’ouvrir à ce monde empreint de nostalgie et de mysticisme et qui fait très bien le pont entre deux domaines musicaux que l’on pourrait rapidement opposer. Si In Monumentum avait fait croire de nouveau au metal à un célèbre musicien norvégien, Nykta ne fait que confirmer que l’on peut demeurer tout aussi bien ancré dans ses racines métalliques que s’ouvrir vers des sphères progressives, sans pour autant se départir de son génie et de ses caractéristiques propres. Pour qui aime les belles œuvres de metal intelligente mais extrême, Nykta devrait rapidement constituer un nectar des plus délectable, l’un de ceux que l’on consomme seul, de nuit, alors que les rayons de la lune prennent possession de votre âme, au point de vous obséder pendant des jours et des nuits entières.
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