Zemial - In Monumentum
Chronique
Zemial In Monumentum
Certaines formations se précipitent assez souvent pour sortir le plus grand nombre d’enregistrements dans un laps de temps assez court entre chaque réalisation, tandis que d’autres privilégient la qualité à la quantité, et c’est dans cette seconde catégorie que l’on peut mettre Zemial, projet mené de main de maître par Vorskaath, qui proposait en deux mille six son deuxième album, le premier, For the Glory of Ur remontant à mille neuf cent quatre vingt seize. Il est vrai qu’en deux mille trois, Zemial s’était admirablement distingué avec la sortie d’un EP, l’excellent Face of the Conqueror, un brulot de black metal à l’ancienne qui lui valut les éloges d’un certain Fenriz. Comme très souvent avec cette formation, il fallut toutefois attendre encore trois années avant que le groupe ne propose enfin un nouvel enregistrement. Installé momentanément en Australie où il enregistra le présent In Monumentum, Vorskaath, aidé en cela par son frère Erskath, le leader d’Agatus, a été touché par la mort de Quorthon et cela s’en est ressenti pour la composition des titres et pour l’ambiance de cet album.
Épique, voilà bien le mot qui vient à l’esprit lors de l’écoute de cet opus. Vorskaath nous propose en effet ici un black metal aux relents épiques, digne d’un Bathory période Blood Fire Death et Hammerheart. Dans tous les cas, l’Hellène voulut rendre ici un hommage à Quorthon, et le moins que l’on puisse dire à l’écoute de ces quelques trente sept minutes, c’est que les attentes sont aisément récompensées. De black metal, il en est évidemment question sur cet opus, mais dans une veine résolument old school, le riffing de Vorskaath empruntant bien évidemment à Bathory, notamment dans ses élans mid tempo, mais également dans un registre plutôt black thrash metal, un peu à la manière d’un Morrigan, et qui s’exprime le mieux sur le très rentre dedans Born of the Crimson Flame. Il faut d’ailleurs souligner que l’excellent riffing des grecs est sans aucun doute l’un de leur tout meilleur atout, car si la formulation n’est aucunement originale, le rendu est quant à lui d’une très grande efficacité. Évidemment, comme l’on pouvait s’y attendre de la part d’un musicien ayant grandement participé au premier album de Varathron, l’on retrouve cette patte grecque avec des emprunts au heavy metal traditionnel qui viennent enrichir l’ensemble.
Cela étant dit, il ne faudrait tout de même pas cataloguer Zemial dans le registre des formations passéistes et sans saveurs justes bonnes à remettre au goût du jour d’antiques recettes. Le groupe fait ici montre d’une remarquable qualité d’écriture, avec, au final, aucune faute de gout, et aussi une certaine hétérogénéité dans son propos, entre les plus incisifs Born of the Crimson Flame et Riddle, et les plus épiques For A Fallen One, March of the Giants et le monumental final qu’est In Monumentum / Stone of the Ages. A cela, l’on doit saluer les divers éléments mélodiques qui émaillent cet album, et qui lui donnent cette emphase épique tant appréciable. En premier lieu, l’on citera les très bons soli et harmonisations de deux frères qui sont toujours bien insérées et qui donnent cette coloration si épique à l’ensemble. L’on ajoutera aussi cette remarquable utilisation des acoustiques, notamment sur l’instrumental nostalgique Remembering Those Lost, et sur le dernier titre. A cela s’ajoutent également quelques samples bienvenus et autres nappes de claviers, utilisés à bon escient et avec parcimonie. Ce qu’il y a de bien aussi, c’est cette production naturelle où tous les instruments respirent, où l’on peut discerner chaque instrument et tout l’amour du travail bien fait. C’est presque un travail d’artisan, dans le sens noble du terme qu’a accompli Vorskaath sur cet album.
Preuve d’ailleurs dune certaine maturité du musicien et multi-instrumentiste, ce dernier n’hésite pas non plus à insérer divers instruments folkloriques et autres percussions qui viennent apporter une certaine richesse dans les arrangements, le tout au service de compositions particulièrement bien ficelées. Evidemment tournés vers des thématiques guerrières et plus particulièrement sur la Grèce antique et sa mythologie, l’on notera d’ailleurs quelques passages chantés en grec, ces sept titres dévoilent un groupe ayant bien assimilé ses influences et venant surtout nous rappeler que black metal et thématiques épiques ne riment nullement avec hymnes pour fête de la pomme de terre. D’ailleurs, cette variété et cette maturité se retrouvent aussi au niveau du chant. Si le chant black metal domine évidemment les débats, avec un timbre assez grave et une utilisation de la réverbération qui évoqueront évidemment les années quatre vingt et la scène grecque du début des années quatre vingt dix, l’on retrouve aussi quelques déclamations et surtout un très bon chant clair, plein d’émotion, notamment sur le titre final.
De toute manière, ce qui fait vraiment le charme de cet album, c’est son aspect un peu intemporel, tant il semble à la croisée entre le metal des années quatre vingt notamment ces relents black thrash metal sur les titres les plus véloces, ces influences propres au heavy metal, et une coloration épique avec les différents éléments qui viennent enrichir l’ensemble. C’est évidemment dans les titres les plus longs que toute l’emphase et l’essence même du terme épique viennent illustrer ce terme bien trop souvent galvaudé. Il y a surtout un authenticité derrière tout ceci, une façon de faire des plus honnêtes et surtout une manière de rendre hommage à un grand nom de la scène au travers de ces sept compositions qui s’enchaînent divinement. Car c’est surtout cela qui fait la force de ce In Monumentum, c’est qu’il n’a pas son pareil pour vous faire voyager dans un passé assez lointain et vous faire retrouver une certaine fierté. En cela, le titre final reste pour moi une sorte d’épitomé du genre sachant allier autant cet aspect nostalgique que ces traits plus guerriers de la musique de Zemial: lorsque les poètes rencontrent les mythes qui les inspirent.
Il va sans dire que ce In Monumentum est une très belle œuvre de black metal épique, admirablement exécutée et agencée. Évidemment, l’ensemble est peut être court, mais c’est aussi cet aspect old school qui le rend attachant, et, pour ainsi dire, il n’y a pas de temps morts sur cet album. La variété est de mise sur cet opus, au même titre que le talent, qui éclabousse bien sur cet album. Pourtant, ce n’est pas le genre d’album qui éclate au premier abord par son originalité, et pourtant l’on se prend au jeu au fil des écoutes à se laisser enchanter par une musique noble et épique, avec de temps à autres des sentiments plus guerriers, et d’autres plus nostalgiques. C’est tout ceci qui vient à l’esprit en écoutant ce In Monumentum, qui ne finit pas de m’émerveiller écoutes après écoutes depuis une quinzaine d’années. De toute manière, des disques de cette qualité, ils se font assez rares, ce d’autant de la part d’une formation qui aura toujours été en mouvement durant sa carrière. L’on ajoutera que l’hommage au leader de Bathory est on ne peut plus réussi et surtout très beau, mais cet album ne s’adressera pas uniquement aux fans de la formation suédoise, mais bien à toutes celles et tous ceux qui aiment bien le metal épique, quel qu’en soit sa déclinaison.
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