A l’heure où WITCHCRAFT vient de livrer un sixième album studio relativement pénible (proche du pas de côté « Time », un effort acoustique qui voit Magnus Pelander sonder les abîmes de la dépression), le bilan de la décennie passée nous ramène à l’essentiel, à savoir un « Legend » portant bien mieux son titre que le tout récent « Black Metal ».
Unique en son genre, comme tous les albums de WITCHCRAFT, « Legend » voit les Suédois injecter une forte dose de heavy metal traditionnel dans leur formule doom évolutive, Magnus Pelander délaissant ici la guitare pour se concentrer sur le chant ; le résultat, bluffant de maîtrise et de sensibilité, justifie à lui seul la place au panthéon des meilleurs albums de la période. Habité comme jamais le Magnus, sa performance au Hellfest 2013 restant l’une des plus électrisante qu’il m’ait été donné de voir. Baignées d’une constante mélancolie, les lignes en(chant)eresses du frontman balancent entre délicieuses complaintes (« Dystopia ») et démonstration de puissance (« White Light Suicide »). Des refrains absolument délectables (« An Alternative To Freedom » donne la chair de poule), qui tranchent souvent avec la noirceur des propos tenus par cet incroyable chanteur.
Propulsé par le meilleur line-up dont WITCHCRAFT n’ait jamais disposé (Oscar Johansson des TRUCKFIGHTERS derrière le kit, les excellents Tom Jondelius et Simon Solomon à la six cordes), « Legend » hausse considérablement le niveau technique par rapport à un
« The Alchemist » plus DIY et brut de décoffrage. Bien plus puissant (ces frappes de mule sur « Deconstruction » et « Ghosts House » !) et mélodique (le break spectral sur « Ghosts House »), ce 4ème full length tient tout bonnement du rêve éveillé, quand bien même le groupe sacrifie en partie à la sacro-sainte tradition de l’enregistrement vintage.
Jens Bogren, ça doit quand même vous parler un minimum non ? Aux manettes chez OPETH, ENSLAVED ou encore KATATONIA, le célèbre producteur ajoute ici un chef d’œuvre à son palmarès, aux côtés d’un « Viva Emptiness » ou d’un « Axioma Ethica Odini ». Et si WITCHCRAFT a toujours recours pour moitié à du matériel vintage pour enregistrer, ce fifty/fifty creuse un fossé entre « Legend » et ses précurseurs en termes de rendu sonore. Certains pourront le regretter mais à mon sens, l’orientation heavy prise sur « Flag Of Hate » (non, chassez KREATOR de votre esprit) et « It’s Not Because Of You » le justifie largement, d’autant que la paire Jondelius/Solomon se fend à intervalles réguliers de soli de grande classe.
Et le doom dans tout ça ? Si les amateurs du genre préfèreront le moins abouti « Nucleus », WITCHCRAFT signe avec « Dead End » une pièce de choix, particulièrement envoûtante en live, qui préfigure l’orientation stylistique prise sur son successeur. Puissant, racé et régulièrement touché par la grâce, « Legend » relève du tour de force émotionnel même si, au regard d’un parcours aussi heurté qu’intrigant, il paraît évident qu’il restera un coup isolé dans la carrière de WITCHCRAFT. Neuf ans après sa genèse, cela ne fait que renforcer son caractère indispensable et intemporel.
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