Mosaic - Secret Ambrosian Fire
Chronique
Mosaic Secret Ambrosian Fire
Mosaic est un groupe à part. Au carrefour de la musique folk, de l’ambient, de la coldwave à la Dead Can Dance et du black metal à la Paysage d’Hiver, l’entité allemande étend son « Supreme Thuringian Folklore » via Eisenwald depuis un bon moment maintenant. Après l’extraordinaire compilation Old Man’s Wyntar, EP augmenté dont il faudra parler un jour, Mosaic revient avec Secret Ambrosian Fire, premier album à proprement parler, drapé dans le folklore et l’occultisme.
« Am Teufelsacker » introduit l’album avec les couleurs habituelles de Mosaic. Les cordes archaïques, les éléments ambient, la réverbération sur le lead de guitare lointain, la voix incantatoire, presque chamanique … Tout est bien là. Moins gelé, mois glacial et moins austère que sur Old Man’s Wyntar toutefois. Ici, Mosaic est plus délié, éclot, presque plus urfaustien. Tout l’aspect mystique du groupe ressurgit dans une version plus alanguie et épanchée que sur son périple gelé de naguère. Mosaic a tiré son nom de l’un des meilleurs albums de Wovenhand, et se fait le pendant européen du groupe de David Eugene Edwards. On y retrouve la même fièvre spirituelle, la même ferveur, la même capacité à extirper d’une terre ses mythes et ses légendes pour les faire danser à nouveau. « Brimstone Blossoms » voit Mosaic tourbillonner, convoquer en spirale les images de vieilles histoires oubliées et des dieux surannés. L’élan se continue sur « Cloven Fires », plus directement black metal, avec blasts et trémolos. Les imprécations de Martin Falkenstein, l’âme directrice de l’entité, ont toujours ce grain particulier, entre appels désespérés, murmures raclés, hurlements enragés et divagations d’ermite qui définissent très largement la personnalité de Mosaic.
En trois pistes, Mosaic nous remis en mémoire ce qui fait son alchimie si particulière. Cependant, Martin semble vouloir livrer ici quelque chose de plus généreux qu’auparavant. Le minimalisme qui caractérisait ses anciennes productions est quelque peu atténué, au profit d’une plus grande variété d’instruments, de sons et d’interventions. En fait, le black metal n’est que relativement peu présent dans cet album. « Ambrosia XIX », par exemple, se base sur une batterie troublante, au jeu progressif et hypnotique, supportant un enchevêtrement d’arpèges de guitare ondoyants, de pianos, de voix omniprésentes et protéiformes, de nappes de clavier en fond et d’autres sonorités difficilement saisissables qui approfondissent encore un paysage sonore déjà particulièrement vaste. Le travail de mixage, que j’imagine avoir été tout spécialement réfléchi et conséquent, doit être salué. Il parvient à donner une véritable et authentique sensation d’immersion, de plongée dans un univers autre.
Si je m’extasie proprement devant le travail que représente l’album, je dois pourtant lui déplorer une intensité moindre que sur Old Man’s Wyntar. Ce dernier avait le pouvoir d’emporter immédiatement, de saisir au col pour entraîner l’auditeur dans un hiver infini. Secret Ambrosian Fire, n’a pas cet effet spontané. Il demande plus d’investissement pour être percé et pénétré. Il exige même un certain effort pour se rendre accessible, et surtout une solide ouverture aux genres que sont l’ambient, le folk et tout ce qui touche aux musiques d’ambiance et d’atmosphère en général. S’il vous faut à tout prix des riffs, vous serez déçus ! La très wakefordienne « Coal Black Salt », par exemple, ravira les amateurs de Sol Invictus période « Death of the West ». « The Devil’s Place », en revanche, fait tonner un black metal atmosphérique incroyablement prenant sur dix minutes. Je vous l’ai dit, Mosaic est imprévisible, et vous servira de toutes ses recettes sans souci de vous ménager.
Sombre, profonde, mélancolique, hautement spirituelle, folklorique et un brin psychédélique, la musique de Mosaic combine des éléments de formations comme Urfaust, Agalloch, Fields of the Nephilim, Dead Can Dance, Wovenhand, Sol Invictus et Paysage d’Hiver. Martin brasse large, mais creuse aussi profond. Le faux pas, pour ces groupes qui aiment aller piocher dans beaucoup de courants différents, c’est souvent l’approche surfacique, le mélange d’éléments éparpillés qui tombent finalement à plat une fois combinés. Mosaic a le talent qu’il faut pour les magnifier, les mélanger entre eux. La musique dégagée est unique. Hypnotique, on l’a déjà dit, mais aussi forte, puissante, touchante, propre à emporter. Tout cela est étrange, oui, étrange. Mais il s’en dégage quelque chose que vous n’avez jamais entendu ailleurs, parole.
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