Après une tournée
« Aftershöck » tronquée à cause de l’état de santé de son leader qui ne cesse d’alimenter les rumeurs les plus folles, il est temps pour le bombardier de retourner en studio pour faire taire les mauvaises langues et montrer qu’il est toujours bel et bien vivant. Pourtant en interne ses deux autres complices se rendent bien compte de la situation et de l’état physique de Lemmy, mais continuent inlassablement à jouer avec lui pour maintenir l’unité du trio qui est toujours aussi inspiré et bruyant malgré les années qui passent. Cependant avec sa pochette noire, complétée par certains titres aux accents de confession et d’adieu envers son public on s’aperçoit que cet opus final d’une carrière commencée quarante ans plus tôt est rempli de signes prémonitoires, et que le plus célèbre chanteur/bassiste britannique est conscient de sa fin imminente. Mais à l’instar d’un Freddie Mercury avant lui (et de David Bowie peu de temps après) il souhaite laisser un ultime testament avant de rejoindre nombre de ses amis là-haut, d’ailleurs l’avenir lui donnera hélas raison à une échéance plus courte que beaucoup ne l’avaient imaginé, dont les fans parisiens qui n’auront même pas l’occasion de le revoir une dernière fois. Car après l’annulation du traditionnel Zénith de novembre (liée aux attentats qui ont ensanglanté la capitale deux jours auparavant) c’est la faucheuse qui aura raison de lui quelques jours après noël (et à peine plus d’un mois avant ce fameux concert reprogrammé le mardi 2 février 2016 en compagnie de GIRLSCHOOL et SAXON), et sonnera le glas d’une année 2015 où les larmes et le recueillement n’auront été que trop présents.
Autant dire qu’avec le recul cet album prend une saveur particulière, aussi bien à cause des évènements précités que du contenu particulièrement sombre qui n’avait plus été si flagrant chez le groupe depuis
« Sacrifice » voire même
« Orgasmatron ». Le tout étant renforcé par la production signée encore une fois Cameron Webb plus grasse et brute que d’habitude, qui renforce ce sentiment bizarre et de deuil qui ne dit pas encore son nom. Comme pour cacher sa méforme et le cancer qui le ronge Lemmy ne va guère s’embarrasser de fioritures et va continuer sur le schéma entrevu sur la galette précédente, à savoir des titres courts (qui tournent dans les trois minutes) tout en offrant une bonne dose de groove grâce à Phil Campbell qui s’est encore sublimé sur les solos. Car après le classique démarrage joué à fond et de facture ultra-classique, via la doublette « Victory Or Die » - « Thunder And Lightning », c’est avec « Fire Storm Hotel » que le guitariste nous sort la première grosse baffe de ce « Bad Magic », tant le côté Blues ressort instantanément avec une impression de facilité qui ne se tarit pas avec le temps.
On a eu l’habitude durant toutes ces années que MOTÖRHEAD aussi bien sur disque que sur scène fasse appel à nombre d’invités prestigieux pour venir l’épauler l’espace d’un morceau ou d’un lead ravageur, c’est encore une fois pour ce dernier point précis qu’il va rameuter un grand nom, et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de Brian May de QUEEN. Si le choix de prime abord peut étonner (tant l’univers de celui-ci est éloigné du trio) il livre néanmoins une partie certes convenue mais qui se moule parfaitement dans la rythmique écrasante de « The Devil », qui est presque une invitation envoyée au diable par Lemmy, (et dont les mauvaises langues et cul-bénis diront qu’il aura bien mérité l’enfer). Celui-ci va d’ailleurs se livrer comme jamais sur « Till The End » qui fait une sorte de bilan sur sa vie, et qui est d’une certaine manière un hommage à ses fans et un remerciement sincère pour leur dévotion. Difficile d’y voir en effet autre chose qu’un au revoir, d’autant plus que ses camarades de jeu livrent une interprétation parfaite à l’image du solo tout en sobriété et en feeling où le plus fidèle équipier du fondateur (qui sera avec lui le musicien ayant joué le plus longtemps à ses côtés) lui offre un jeu tout en sincérité, sans jamais tomber dans le larmoyant. Difficile après coup d’enchaîner derrière, et pourtant après la doublette basique et radicale « Tell Me Who To Kill » et « Choking On Your Screams » qui envoient du bois, l’autre gros fait d’arme est le dansant et remuant « When The Sky Comes Looking For You » qui a eu droit à son passage scénique où il se révélait redoutable et inspiré, et qui aurait pu faire partie avec le temps des innombrables classiques de la bande. Groovesque et presque dansante il s’agit tout simplement de la dernière compo originale de ce disque, et de la carrière de ses créateurs par la même occasion. Car pour le clôturer quoi de mieux qu’une reprise, et après avoir enregistré « Jumpin’ Jack Flash » en 1993 c’est au tour d’un autre chef-d’œuvre des ROLLING STONES de passer à la moulinette avec cette fois-ci le cultissime « Sympathy For The Devil » de 1968 (figurant sur le non moins mythique « Beggars Banquet »), qui va avoir droit à une version finalement assez fidèle de l’originale. Après avoir flirté tant de fois avec l’autre côté Lemmy là-encore semble vouloir adresser un dernier message et pied de nez aux religieux de tout poil, comme pour dire que même si sa fin est imminente il ne redoute rien ni personne, et qu’il restera droit dans ses bottes jusqu’au bout.
Sans être le disque le plus réussi de toute sa carrière le bombardier largue ses dernières munitions où classicisme et touche personnelle se mélangent (avec là-encore la présence de très bons titres) offrant un sentiment étrange de malaise comme de rage, où l’on regrette que l’histoire doive s’arrêter là alors qu’il a encore des choses à dire. D’ailleurs cette ambiguïté trouvera son paroxysme quatre mois jour pour jour après sa sortie, car le lundi 28 décembre 2015 une dépêche tombée dans la nuit annonçait la mort d’un certain Ian Fraser Kilmister à l’âge de 70 ans, après une vie incroyablement remplie et qui aura marquée des générations entières de musiciens et de fans. Chose étonnante pour une personnalité si peu grand-public on trouvera nombre d’hommages dans la presse en son honneur (avec notamment plusieurs pages dans « Libération », un article dans le quotidien économique « Les Echos » et diffusion de quelques secondes de
« Ace Of Spades » au journal de 7h de la radio France Info), et plus logiquement au Hellfest et dans de nombreux festivals Metal, sans compter la sortie de différents hors-série dans les magazines papier. Incontestablement il aura laissé une empreinte indélébile au sein de la scène Hard et Metal qui lui doivent un immense merci et une reconnaissance éternelle. D’ailleurs il ne sera jamais oublié tant son œuvre (accompagné des acolytes qui ont joué à ses côtés de 1975 à 2015) continuera pendant longtemps à nous faire vriller les oreilles, pour le plus grand bonheur de nos tympans. Le roi est mort, vive le roi !
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