D’emblée, évacuons ce qui a besoin de l’être : il y a de fortes chances que, dans les bouées que vous chercherez pour définir ce que parvient à faire ici Void Paradigm, vous pensiez à
Deathspell Omega – et pas n’importe lequel. Deux titres de vingt minutes environ, brisant les codes du black metal tout en lui redonnant tout son venin, avec une ferveur rare... On n’excusera aisément que la compilation
Diabolus Absconditus / Mass Grave Aesthetics vienne en tête à l’écoute de
Ultime pulsation | Demain brûle.
Mais on n’excusera certainement pas de croire qu’il y a ici inspiration de l’un chez l’autre, ni que les Rouennais n’aient rien de plus à dire. Telle évocation est certes, en elle-même, délicieuse, épatante tant elle ne dévalorise rien, égale maîtrise, égale puissance, égale claque dont nos joues ont bien du mal à guérir. Seulement, Void Paradigm n’a jamais suivi l’un ou l’autre, n’a jamais tracé d’autres routes que la sienne, ses œuvres précédentes, absconses et fascinantes, en étant les preuves. Voici donc ce que l’esprit se force à retenir, ce qu’il oublie volontairement, ces rappels aux Poitevins (mais aussi aux dissonances névrosées de
Daughters et de la scène noise rock, à cette dérive punk de
Sordide, ces crises de neurasthénie façon
Anhédonie d’Ataraxie...) n’étant qu’une minuscule lumière que l’on s’invente lorsque l’on se perd dans ces trente-neuf minutes.
Ultime pulsation | Demain brûle, s’il est quelque chose de définissable, est avant tout l’expression d’une liberté artistique comme on en rencontre peu. Une liberté que chacun exprime à sa façon, réunion d’individus talentueux (y a-t-il besoin de le signaler, quand on voit qui se cache derrière tout ça ?), chacun donnant son maximum, une osmose se créant presque par erreur.
Il y a d’abord cette voix, connue de longue, et cependant une nouvelle fois prenante dans ce qu’elle charrie de dégoût, de modulations autour du mépris. Un mépris qui, ici, s’habille d’une tristesse amère (et donc fondamentalement black metal) comme l’on peste les soirs de déchéance que l’on a eu tort de s’accorder en solitaire. Triste jusqu’à la folie, par l’évocation d’un avenir brûlant et pourtant loin de réchauffer le cœur. L’interprétation est à la hauteur des paroles, la voix influe, ponctue, appuie et gémit avec conviction, dans un français qui ne pouvait être que la langue où exprimer cet ennui profond virant à une colère froide.
Il y a ensuite cette guitare, connue également depuis longtemps, sous diverses formes, et cependant une nouvelle fois inédite dans ce qu’elle se permet d’ailleurs, de sorties de route, de constructions alambiquées mais toujours conduites par la poésie des alambics, une saoulerie de notes où les enluminures simples ont le goût du fer, jusqu’à une production brute et claire à la fois. L’exécution est méthodique, à la hauteur des sentiments, accumulant l’hétérogène pour en faire son propre lexique, couche par couche, elle s’alimente, couche par couche, elle gratte notre carapace, le début de « Demain brûle » en étant sans doute la plus belle révélation.
Il y a enfin cette batterie que – tiens ! – on ne connaît pas tant que ça malgré quelques rencontres, et qui devient rapidement le clou qui enfonce dans notre crâne ces tergiversations par son jeu versatile. Jazz ? Un jazz qui jouerait alors à chaque fois le rythme juste, tout en étant Légion... Un jazz qui à la grâce des plus aériens états d’ébriété, effronté car jamais où on l’attend et pourtant, gare à lui quand il arrive !
Grâce, le mot est lâché – et voilà bien le seul que l’on a envie de retenir, dans cette avalanche de mots cherchant à dire mais ne trouvant jamais. Telle décadence rappelle une nouvelle fois que Rouen a une place à part dans le metal, avec ses images d’aristocrates en guenilles, sa sentimentalité âpre et distinguée, sa noblesse d’âme fascinée par la fange. Void Paradigm rend tout cela lumineux de fièvre, vivant jusqu’à vouloir tuer ce qui n’est pas lui, ses aigreurs et condamnations cachant, en miroir, des envies de beauté sanglante, de justice. Cynique car romantique déçu, il écrit un poème rageur et le profère de ses lèvres violacées par le vin, comme jeté par nécessité, à destination de personne et tout le monde. Une œuvre aussi évidente qu’exigeante, imparable pour peu que l’on soit adepte d’une certaine complexité d’esprit, prenant un plaisir négatif dans les égarements tortueux pratiqués aux heures que l’on vole à la nuit. Pour ces gens-là,
Ultime pulsation | Demain brûle a le potentiel de devenir une future référence.
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