Rouen, capitale culturelle de la France ! Si après Ataraxie et l'album de Sordide
La France a peur, il vous fallait une preuve supplémentaire de cette affirmation, considérez que Void Paradigm vient s'ajouter à la longue liste des créations de cette ville semblant, de loin, si particulièrement attachée à son pays. Composée par des membres au pedigree impressionnant (Sordide et Ataraxie mais aussi Funeralium, Hyadningar ou encore Wormfood), la formation paraît pourtant bien différente de celles citées plus haut : présentée comme un exutoire aux envies d'expérimentations du trio, son avant-gardisme donne au départ envie de la rentrer sans préambule dans ces nombreux wagons menés par les locomotives Deathspell Omega ou Ved Buens Ende.
Et si l'on pense à ces groupes durant ces trente-neuf minutes, Void Paradigm prouve au fur et à mesure qu'il a sa propre personnalité, bien cachée derrière les dissonances et structures alambiquées désormais courantes en terre black metal. Si le premier album des Français montrait déjà une manière particulière de réaliser ses expériences, plus proches de la fureur d'un Vhöl que de l'intellectualisme des créateurs de
Paracletus,
Earth's Disease abandonne une part de la rudesse de son prédécesseur pour offrir une musique étonnamment fluide et accrocheuse malgré son caractère éclaté. Souvent plus rock que typiquement black metal (notamment dans cette production, ce qu'il faut d'organique malgré son rendu chromé et affiné), ces cinq compositions tablant sur une durée totale courte pour immerger l'auditeur tiennent en haleine dans leur globalité et ce, en dépit de nombreux détours parfois bruitistes, parfois baroques (les orchestrations finales du morceau-titre). Une œuvre maîtrisée et prenante, faisant de son point de départ au premier abord pompeux (apparemment basé sur une technique de composition musicale, le dodécaphonisme) quelque chose de naturel, pouvant plaire aussi bien aux amateurs de mélodies (il y en a de belles ici, à commencer par les longues leads ouvrant « From the Earth to the Skies ») qu'à ceux davantage portés sur les ambiances.
Et quelles ambiances ! Si j'ai pu regretter que
L'être et la nausée, dernier longue-durée en date d'Ataraxie, avance en âge pour délaisser l'atmosphère de fin de siècle d'
Anhédonie au profit de l'existentialisme sartrien,
Earth's Disease renoue avec ce sentiment de décadence bourgeoise ayant pour héros Jean Des Esseintes, personnage principal du roman
À Rebours de Huysmans. Raffiné, parfois injurieux mais jamais vulgaire, Void Paradigm est ici parfait dans ce rôle d'esthète compliqué se situant sur la crête séparant sanité et folie. De ces guitares toujours sur le point de sombrer dans l'autisme noise à cette voix charismatique, entre élans instinctifs et phrasé distinct (y a-t-il encore besoin de parler des qualités du chant de Jonathan Théry, maître de la crise de nerf vécue en studio ?), tout transpire la déroute, où l'éducation classique, la noblesse digne, s’encanaillent dans le mauvais vin, les tempes lourdes, les idées tournant jusqu'à l'hystérie. L'impression d'être un citoyen de haut rang d'une civilisation dont je ne peux que constater le déclin, voilà ce que me transmet
Earth's Disease.
L'effet de surprise du premier album en moins mais la maestria en plus,
Earth's Disease profite grandement de son format court bien que le « All Killer, No Filler » s'arrête de façon trop abrupte pour ne pas donner envie de voir l'écoute se continuer. Sa richesse exemplaire (notamment dans cette batterie, pleine de feeling et sachant se faire ravageuse par surprise) fait tout de même de lui une bonne surprise de cette année, à essayer en priorité pour les fanatiques de notes discordantes et sentimentalité âpre, vicieuse et élaborée. Française, en somme. Décidément, je dois mettre Rouen dans mes destinations futures pour les vacances !
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