Paysage D'Hiver - Im Wald
Chronique
Paysage D'Hiver Im Wald
Mon avatar te laisse deviner à quel point j’aime Paysage d’Hiver. Comme son alter ego spatial Darkspace, les ambiances développées depuis l’origine par le combo suisse m’ont toujours envoûté, littéralement happé. L’univers de Wintherr me parle ; ses paysages désolés dessinent chez moi des images parfaitement expressives ; sa musique radicale – et le son qui l’accompagne – traduit des émotions en totale osmose avec le contenu proposé.
Comme je chéris tous les albums du groupe – et tous ses artworks sublimes, proposés en grand format, dans leur belle enveloppe noire par Kunsthall Produktionen – je vois toujours apparaitre un nouvel effort avec joie. Im Wald, le dernier venu donc, m’a de suite interpellé par une pochette, précisément, différente du style habituellement retenu. Si le noir et blanc reste de rigueur, le trait pastel / fusain s’est un peu atténué au profit d’une toile plus précise. Ce n’est pas le seul changement. La musique, d’une certaine manière, s’est également rendue plus accessible, comme le son, moins harsh que par le passé.
Im Winterwald et Über den Bäumen reprennent ainsi tous les codes stylistiques du groupe : la voix noyée dans le mix, l’impression constante de traverser un blizzard, les guitares acérées qui saturent l’espace sonore sans répit et toujours ces mélodies qui évoluent en même temps que la structure, qui semblent se mouvoir à mesure de l’avancée de la croûte terrestre. Tous les atours du groupe sont ainsi présents d’entrée : l’oppression, le caractère ultra hypnotique des titres, la sensation de solitude, la contemplation aussi. Mais – et c’est là tout le paradoxe de ce nouvel album – Paysage d’Hiver a rendu son univers plus accessible. Les mélodies sont plus aisément identifiables (elles se détachent parfaitement de la structure sur Alt par exemple). Les variations sont moins subtiles, moins fondues dans la masse que sur ses précédents efforts.
La rythmique, souvent chaotique, est également plus nette, plus « ordonnée ». C’est très clair sur Alt par exemple, où l’on distingue les éléments qui composent le titre, où l’on parvient presque à les décortiquer. De la sorte, il me semble que cet album est plus varié que ces prédécesseurs. Moins monolithique, d’une certaine façon, relative somme toute, les morceaux forment moins un bloc de granit, rapprochant un peu le combo suisse d’un autre groupe amateur de balade dans la tempête : Bekëth Nexëhmü. Au chaos oppressant – qui demeure en partie – Paysage d’Hiver a apporté une touche subtile de clarté. La folie permanente du groupe s’est ainsi enrichie d’une dimension un brin aérienne tout à fait louable.
Les interludes sont encore de la partie, longs par nature, dans un album qui l’est lui-même, on y reviendra. Ils participent parfaitement de l’immersion et de la contemplation dont je parlais juste avant. Le bruit du vent dans les arbres, la tempête qui se déchaine sur Schneeglitzern alors que de douces notes s’égrènent par ailleurs, offrent un rendu plein de sérénité et de désespoir mêlés. Wurzel, Eulengesang et Verweilen reprennent les mêmes codes un peu plus loin, jouant davantage sur l’attaque des guitares et le ton menaçant que sur la fragilité des ambiances pour le premier, alors que le second et le troisième, au contraire, laissent le blizzard se déchainer, se contentant de quelques notes détachées mimant la solitude absolue du promeneur prisonnier des glaces.
Avec Stimmen im Wald (le sixième morceau), on bascule vers la seconde partie de l’album, avec des chœurs inédits qui ouvrent le titre et qui accompagnent / soutiennent la rythmique par la suite. Le propos est plus « dur », plus violent, les mélodies sont relayées en arrière-plan, sans pour autant que l’emphase ne soit chassée car, de fait, à partir de là, l’album gagne en majesté. L’équilibre entre tous ces éléments est parfaitement établi, comme toujours chez Paysage d’Hiver, ce d’autant que le groupe ré-abuse, dès ce titre, des ponts centraux ultra ambiancés qui coupent et enrichissent le morceau. Ce titre atypique prépare la venue de Flug, autre morceau de transition, très long lui aussi (près de 12’) et qui ouvre sur de longues minutes de dissonances désespérées, traduisant l’isolement de l’homme perdu dans son jour blanc. Intégralement instrumental, le propos reste très dense, très intense mais gagne, comme sur Stimmen…, en atouts épiques et conquérants. Sublimes, ces titres – et Le Rêve Lucide qui les suit, dopé par un violon aussi magnifique que chaotique – dévoilent le voyage onirique dans lequel le combo suisse nous embarque. Toute la quintessence du groupe y est réunie en osmose : l’intensité, les mélodies qui tapissent le fond sonore, la reptation majestueuse de la structure, les ponts aériens/hypnotiques, les intros qui renvoient l’image d’un corps avançant dans la neige, sans espoir, tout ce qui fait la grâce et le cachet du groupe.
Enfin, dès Kälteschauer et ses plus de 12’, on bascule vers la troisième et dernière partie de Im Wald. Le groupe opère un retour aux sources, le son se fait plus harsh, l’ambiance plus radicale, la voix est tellement noyée dans le mix qu’elle semble disparaître au gré du vent, emportée par les rafales de neige. L’impression, comme toujours, est saisissante. Weiter, immer weiter et surtout So hallt es wider, pièce maîtresse de près de 20 minutes, ralentissent le tempo pour poser des atmosphères définitives, qui sonnent comme la fin du voyage. Le corps, épuisé, attend l’étreinte glaciale ; son esprit n’est déjà plus parmi les vivants, happé par l’Âme des montagnes. Le promeneur n’est plus ; il a intégré le paysage et contemple à son tour l’immensité blanche. So hallt es wider : il fait écho… ne saurait mieux dire.
Il m’a fallu du temps, beaucoup de temps et d’écoutes pour apprivoiser cette bête de plus de 2 heures. Et le temps m’a donné raison. Cet album est magnifique pour qui saura s’y immerger, pour qui saura s’y perdre et se laisser emporter. Synthétisant tout ce qui fait la grandeur de Paysage d’Hiver, Im Wald est plus encore : le témoignage d’une carrière sans fausse note.
| Raziel 22 Novembre 2020 - 3702 lectures |
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