Paysage D'Hiver - Geister
Chronique
Paysage D'Hiver Geister
Je suis Paysage d’Hiver depuis ses débuts. Je l’ai déjà dit, je radote, tant pis. J’ai suivi Wintherr partout, jusque dans Darkspace, jusque dans sa volonté de proposer un son tellement harsh que seule une écoute millimétrée permet de percevoir les quelques mouvements erratiques qui animent la structure. Même jusqu’à Im Wald, qui annonçait pourtant un changement de perspective qui n’était pas fait pour m’emballer. Et pourtant, j’ai toujours été là. J’ai toujours considéré qu’il y avait dans ce groupe du génie, qui tient autant au concept qu’à cette façon presque magique de matérialiser le blizzard, par couches sonores superposées, qui procure un sentiment d’immersion mystique.
Im Wald ne m’avait pas autant conquis même si, comment pourrait-il en être autrement ?, le propos surpassait encore 90% de la scène BM. Le changement de paradigme – un son plus propre, des titres plus accessibles – m’avait paru dénaturer le concept du groupe, portant atteinte à ses aspects jusqu’au-boutistes et, précisément, mystiques, pour le replacer dans quelque chose de plus « commun ». La venue très rapide de Geister moins d’un an après un Im Wald de plus de 2 heures m’a, je l’avoue, passablement inquiété. La suite m’a donné raison et j’ai mal de le dire ainsi.
Geister est un médiocre album de Paysage d’Hiver. Peut-être le seul d’ailleurs. Une tâche noire dans le manteau immaculé dessiné jusqu’alors. La faute à, de nouveau, un changement d’orientation qui, pour ma part, ne convient pas au combo helvète. De chansons inutiles en ambiances communes, Geister n’ouvre pas sur la montagne enneigée, n’embrasse pas – plus – l’immensité minérale naturelle, il se contente de t’indiquer la route du chalet et du chocolat chaud… Plus de menace, plus d’immersion (ou alors un peu, à la toute fin, sur le très ambiant vieille école Geischtr, le seul morceau long, comme un hasard…), plus de mysticisme… tout a disparu avec le clean sound et le format court des titres.
En un mot comme en cent, Paysage d’Hiver, étoile merveilleuse dans l’univers du BM, est devenu un combo de BM générique. Les riffs sont ultra classiques. Schattä donne le ton, en laissant un espoir. Le son est harsh mais pas plus, pas moins que sur les vieux Darkthrone et, en tous cas, les structures sont bien plus convenues, bien plus classiques. On sent bien qu’au travers de ce son lo-fi, des bribes du vieux PH traînent ça et là mais ça ne suffit pas à emporter la conviction parce que, d’une part, tous les titres s’enchaînent sur ce modèle (Bluet, Wüetig, Undä ne diffèrent quasiment pas) et, d’autre part, que le lo-fi en question demeure, pour mes oreilles depuis trop longtemps habituées à ce type de son, assez étrange… comme travaillé pour être audible ! Wintherr avait indiqué souhaiter revenir à ces sonorités brutes mais la réalité est que l’on entend tout parfaitement, y compris la basse, ce qui est un comble pour un projet comme PH, où l’immersion passe par l’érection d’un mur sonore impénétrable dont seule la violence permet de dessiner des vagues de variations, comme chez Darkspace ou Sunn O))) dans un autre champ. Les bruits de nature, les sons bourrés d’écho du clavier, les craquements de vieux vinyles qui donnaient tout leur charme aux compos ont disparu. La magie avec. En lieu et place, des rythmiques convenues, une batterie proprette et des titres qui se ressemblent parfois vraiment beaucoup (Wüetig et Undä par exemple ; Anders et Schtampfä), faits de variations on ne peut plus classiques. D’autres morceaux, placés en plein cœur de l’album, font du remplissage mais n’apportent rien. Äschä, Wärzä et Anders traînent leur misère. Le premier nommé tente de renouer avec la période glorieuse, et ses quelques variations y parviennent plutôt bien, sauf que la dissonance ne va pas au bout de son idée, le pont central repartant sur des propos plus audibles et classiques. L’enchaînement Wärzä et Anders est maladroit, PH passant d’une agression pure à un mid-tempo – presque du d-beat ! – qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, avec de fort relents rock n’ roll qui cadrent mal avec le concept des suisses.
Puis, globalement, les hurlements lointains de Wintherr ne convainquent pas vraiment non plus. Très monocordes, ils ont gagné en agressivité ce qu’ils ont perdu en aspects hantés et diffus. Alors qu’ils enveloppaient la structure d’un voile inhumain, ils se contentent à présent d’occuper le premier plan de l’espace sonore, au détriment des ambiances de nouveau.
Tout n’est pas à jeter, soyons honnête. Certaines mélodies et rythmes de Bluet et Wüetig rappellent que Wintherr sait composer. Le très ambiant et spatial Geischtr convoque nos souvenirs, quand PH pondait des chefs d’œuvre par cargos entiers, de Steineiche à Kristall et Isa et Das Tor en somme. Le violon dissonant fait encore un joli retour sur Gruusig.
Mais au final, c’est trop peu, surtout pour un groupe de cette envergure. Paysage d’Hiver est monté si haut, si longtemps, avec tant d’intensité, que la chute devait être brutale. Certes, elle l’est moins que pour d’autres illustres combos de BM ou de DM (chacun y mettra les noms qu’il veut bien y mettre…) mais force est de constater que Geister, pour ma part, est un album vraiment faible dans la discographie 5 étoiles des suisses. Le changement d’artwork aurait dû m’alerter bien plus tôt…
| Raziel 11 Septembre 2021 - 1923 lectures |
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