Sordide - Ainsi Finit Le Jour
Chronique
Sordide Ainsi Finit Le Jour
Un peu plus de trois ans après
« Les Idées Blanches » unanimement salué par la critique comme par les fans les plus intransigeants il était temps pour les Rouennais de repasser enfin en studio, histoire d’y mettre en boîte ce cinquième album particulièrement attendu. S’il n’a jamais figuré parmi les têtes d’affiches du genre au sein de notre pays le duo originel (renforcé depuis l’année dernière par un nouveau bassiste) a pourtant nombre d’éléments à faire valoir, et en premier lieu une sincérité de tous les instants qui malgré certaines controverses ne l’a jamais fait changer de vision musicale comme contextuelle, ce qu’on ne pourra pas lui reprocher. Si évidemment certains auront du mal à dissocier l’œuvre de l’auteur cela n’est pas le sujet ici... surtout quand du côté de la musique les choses sont passionnantes à écouter (et c’est cela qu’il faut uniquement retenir), toujours basées sur la noirceur de notre époque comme la crasse urbaine et le sentiment de déclassement de la France périphérique comme des campagnes. Conservant donc sa ligne éditoriale le trio va néanmoins proposer ici un disque certes toujours aussi violent mais aussi plus introspectif, tant les moments aériens et posés vont être régulièrement mis en valeur sur ce long-format qui est le plus long jamais sorti par ses soins... ce qui va créer en revanche quelques longueurs évitables et moments répétés en boucle sur une durée trop importante, vu que ce jour va avoir du mal à se finir pour entrer dans une nuit qui s’annonce tentaculaire.
Néanmoins rien de rédhibitoire au départ vu que « Des Feux Plus Forts » va se montrer particulièrement énervé et foutraque en balançant des larsens comme du gros tabassage intense sur fond de plans martiaux imposants et totalitaires, créant ainsi une ambiance hostile et guerrière qui se termine par un ralentissement bienvenu qui prend ainsi plus encore en étau l’auditeur. Car outre la pression démesurée mise ici sur le devant de la scène par cette entrée en matière classique mais absolument délicieuse, le côté hypnotique va se montrer lui-aussi très présent (aidé en cela par l’ensemble des différentes voix proposées) et même se renforcer sur le plus primitif et obscur « Nos Cendres Et Nos Râles ». S’il débute par une influence Punk rudimentaire et bien troussée ce morceau va ensuite largement lever le pied pour offrir une vision plus obscure et rampante, créant ainsi un antagonisme flagrant entre le blanc et le noir au rendu excellent et pénétrant où l’on ne s’ennuie pas une seule seconde, tant la fluidité y est permanente et l’accroche immédiate. D’ailleurs ce rendu au tempo ralenti va encore s’accentuer sur la doublette « Le Cambouis Et Le Carmin » / « Sous Vivre », où la basse chaude va se faire entendre encore plus fermement via une rythmique largement bloquée sur le frein, vu que ça va lorgner fortement vers le Doom. Tout cela va créer ainsi un rendu à la fois particulièrement brumeux mais aussi orageux, tant on ressent une certaine pression comme de l’humidité de par ce minimalisme qui embarque ainsi l’esprit très loin dans le ciel comme sous terre... même si tout cela aurait gagné en accroche et attractivité en se faisant plus court. Car vu que ça n’évolue quasiment pas du côté des vitesses il aurait fallu condenser cela plus fermement, au risque ici de décrocher légèrement de cette expérience lointaine pourtant particulièrement addictive où les tréfonds de la saleté comme de l’esprit sont explorés avec grand soin, servant de transition idéale avec le retour à de la grosse virulence déchaînée.
En effet avec « Banlieues Rouges » le tout repart tambour battant et avec une véritable envie d’en découdre sur fond d’entrain généralisé, vu qu’ici une dynamique impressionnante fait son apparition sur fond de rythme en médium absolument imparable et parfait pour secouer la tête au milieu de ce béton remplissant ces villes froides et sans âme. Simple et redoutable dans son exécution comme du côté de l’écriture cette composition se dévoile là encore lancinante et grisâtre sans que jamais la virilité n’explose totalement outre-mesure, vu qu’ici elle est présente mais maîtrisée histoire de densifier son propos et d’essayer de percer cette brume qui a du mal à se dissiper... point qui arrivera néanmoins sur les redoutables « La Poésie Du Caniveau » et « Ainsi Fini Le Jour ». Jouant ici sur l’équilibre et l’homogénéité ces deux plages annoncent une tempête incommensurable où les blasts comme le tabassage incessant vont faire un retour fracassant... le tout en alternant avec des ralentissements nombreux et accélérations à foison, afin d’offrir un rendu basique et typique de l’entité mais toujours redoutablement puissant et dont la lassitude est aux abonnés absents.
Et si ici les Normands étaient revenus à leurs fondamentaux ils vont à nouveau partir explorer de nouvelles contrées avec le surprenant « La Beauté Du Désastre », qui après un début en trombe débridé va voir une douce voix chuchotée apparaître sur fond de basse qui ronronne de plaisir et de roulements de batterie rappelant ceux de Ringo Starr des BEATLES sur le mythique « Come Together ». Jouant en prime la carte de l’occulte et de la prière cette composition va rester sur ce schéma lent et mystique, et offrir ainsi quelque chose de très ritualiste et planant qui va demander du temps pour être appréhendé, tant tout cela est bien plus profond que ça en a l’air de prime abord. S’il ne faudra pas baisser sa garde en cours de route du fait d’une temporalité un peu excessive, en revanche on ne peut que saluer cette prise de risques salutaire qui fait mouche instantanément et montre que la bande n’a peur de rien, et surtout pas d’oser et de partir dans des chemins de traverse où elle trouve parfaitement ses repères sans se renier ni perdre son âme. C’est d’ailleurs cela qui va revenir pour la conclusion intitulée « Tout Est A La Mort » qui lui offre son visage le plus boursouflé et massif avec ces longs moments où la lourdeur est à son apogée aux deux extrémités, tant la virulence en son centre réussit à émerger péniblement pour une fois encore offrir un visage audacieux et plaisant malgré son étirement inutile.
Du coup pour le moment on ne peut pas dire que cette galette soit la meilleure de ses créateurs tant il va falloir apprivoiser la chose avant de se faire un avis définitif, peut-être que le temps la réhabilitera mais pour l’instant ça reste un peu en deçà de ce à quoi ses auteurs nous avaient habitué, tant c’est un peu inégal et joue les montagnes russes trop fréquemment. Attention ne nous leurrons pas on reste en présence d’un objet d’un niveau élevé mais qui n’a pas encore dévoilé tout son charme, ce qui fait que pour l’instant on ne peut être pleinement convaincu du résultat pourtant plus qu’intéressant. Montrant en tout cas que l’entité se fiche des conventions elle propose donc une vision musicale plus ambitieuse sans pour autant se renier, poursuivant ainsi son parcours commencé il y a onze ans maintenant où le classicisme originel et l’évolution aux accents Post-Black se côtoient intelligemment, montrant que le sordide confine au talent et à la maturité... preuve donc d’une certaine intelligence et prise de risques calculée, qui plaira ainsi à certains mais en déroutera d’autres, une constante en fait mais les trois acolytes n’en ont cure en ne cherchant nullement à plaire au plus grand nombre.
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