Les Chants De Nihil - Le Tyran Et l’Esthète
Chronique
Les Chants De Nihil Le Tyran Et l’Esthète
Active depuis bientôt quinze ans la formation menée par l’inoxydable Jerry reste malgré les années encore relativement méconnue sur notre territoire, bien qu’ayant déjà quatre albums au compteur et un concept qui sort un peu des sentiers battus vu qu’il lorgne autant du côté de l’érotisme que de l’autoritarisme, en passant par l’histoire locale et ancienne, le religieux comme tant d’autres choses. Car l’entité bretonne n’a jamais eu peur de dérouter son auditoire, n’hésitant pas à composer des morceaux particulièrement longs, à clamer son amour pour sa région natale et à rester fidèle à sa ligne de conduite comme à son label vu que depuis ses débuts c’est Dernier Bastion qui s’est chargé de l’intégralité de ses sorties. Celui-ci ayant récemment raccroché les gants il fallait au groupe un nouveau point de chute et c’est finalement chez celui dirigé par Gérald Milani qu’il a atterrit, et nul doute qu’au niveau de la notoriété cela va lui permettre d’un grimper d’un cran, tant son nom reste obscur voire inconnu pour nombre de personnes.
Cependant malgré toute l’expérience et le vécu de son leader le résultat va être encore un peu trop juste et déséquilibré pour espérer pouvoir franchir un cap, tant certaines longueurs récurrentes vont apparaître une fois encore au grand jour, ainsi qu’un sentiment de trop-plein sur certains passages de par une volonté de trop en faire et de caser le maximum de choses dans l’espace disponible. Pourtant tout n’est pas à jeter loin de là, il suffit d’écouter « Entropie Des Conquêtes Ephémères » qui débute les hostilités pour s’en rendre compte, tant ici l’ambiance est froide, désespérée et mélancolique de par un Metal noir très classique sur la forme comme le fond. Misant sur le tabassage et les blasts de façon quasi-continue on est en présence ici d’une violence exacerbée d’où émerge quelques cassures rythmiques au milieu de ce chaos, où le batteur montre une incroyable énergie et une précision chirurgicale malgré la vitesse engagée. Porté par un chant parfait pour haranguer le public ce premier titre assez dépouillé et primitif réussit parfaitement son coup, et confirme que c’est dans cette formule directe et frontale que le combo est le plus redoutable, car dès la plage suivante (« Ma Doctrine, Ta Vanité ») les choses vont se gâter un peu. Si le tout démarre sous les meilleurs auspices de par un côté martial affirmé et un chant moyenâgeux qui donne envie d’aller guerroyer, le reste ne va pas être en revanche du même niveau tant l’alternance des passages ultra-rapides et lents à tendance à tomber un peu comme un cheveu sur la soupe, et surtout de façon trop abrupte. C’est sur ce point que se situe la faiblesse majeure de ce cinquième chapitre, ce qui va encore apparaître de façon flagrante sur « L’Adoration De La Terre » (inspiré par « Le Sacre Du Printemps » d’Igor Stravinski - 1913), qui s’ouvre et se conclue de façon particulièrement convaincante (via des riffs coupants et glaciaux posés un tempo lent et rampant), le passage central va lui se contenter de jouer rapidement et très fort sans âme ni passion et finalement faire baisser l’intérêt d’une composition qui avait pourtant de bonnes idées en amont.
Heureusement la deuxième moitié de ce disque va être plus inspirée et mémorisable notamment via l’épique et dynamique « Danse Des Morts-Nés », hyper entraînant et varié de par ses nombreux changements rythmiques et qui donne envie d’aller au combat, à l’instar du tout aussi réussi « Ode Aux Résignés » à la fois plus mélancolique et lumineux où l’espoir domine et où ça ne cesse de varier les tempos. Si ce bon moment se partage encore sur le très sobre et bas du front « Lubie Hystérie » à la fois sombre, solaire mais toujours aussi boosté aux amphétamines, ça n’est pas le cas de l’ambitieux « Le Tyran Et l’Esthète » qui veut lui-aussi en faire des tonnes et qui se plante malgré un travail d’écriture recherché. Entre ambiances occultes et religieuses (portées par des voix claires tout en plénitude) et un côté médiéval assumé, le voyage dans le passé n’est pas de tout repos de par son énergie décuplée mais où là-encore le tout a tendance à avoir du mal à s’accorder bon gré mal gré, même si le travail de recherche est toujours à saluer. Et même si ce cru 2021 se finit correctement avec la froide clôture intitulée « Sabordage Du Songeur – Final » où la hargne et la brutalité continue font leur retour, il n’en reste pas moins un sentiment bizarre et mitigé, vu que les mecs sont capables de vraiment bien faire les choses quand ils conservent une certaine facilité dans leur exécution.
Au lieu de cela outre une brutalité parfois trop exacerbée et un déséquilibre des forces en présence ce long-format va demander beaucoup de patience et d’attention pour être totalement assimilé et appréhendé, malgré une certaine originalité qu’il faut en revanche applaudir. Si le tout mérite quand même qu’on s’y attarde et qu’on pose une oreille attentive dessus il est hélas certain qu’on n’en retiendra pas grand-chose et que le disque sera vite oublié une fois arrivé à son terme, et ne sera pas remis souvent dans la platine. Si ça fait le métier avec passion et sérieux ça reste néanmoins bien loin des ténors du genre en France, et malgré son ancienneté et son vécu il est sûr que l’entité va rester calée encore quelques temps dans la deuxième division du genre, endroit d’où il lui sera difficile de s’extraire malgré toute sa meilleure volonté et sa persévérance acharnée.
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