Tempête pluvieuse, problèmes de trains et FNAC qui refuse de nous vendre des places : voilà les ingrédients de la soirée d'hier où quelques amis et moi-même avons décidé de commettre l'acte interdit, celui qui vous permet d'être la risée de tout vos amis : allez voir Cradle Of Filth en concert. Forte d'une réputation qui pourtant est bien loin de faire l'unanimité, la troupe à Dani semble pourtant redorer son blason de groupe live avec cette tournée 2015 destinée à honorer leur dernier album, le plus qu'honnête « Hammer Of The Witches » dont vous pouvez retrouver la chronique en ces pages, écrite par notre ancêtre nostalgique. En effet, nos anglo-tchèques préférés ont, parait-il, retrouvé un niveau live plus que correct selon les divers retours qui m'en avaient été faits. Une occasion d'aller voir ce groupe culte de l'adolescence, supporté pour l'occasion par Ne Obliviscaris, formation australienne adorée par notre webmaster favori. Retour à l'Atelier de Luxembourg-ville donc, en ce Mercredi plutôt frisquet...
Ne Obliviscaris :
Kebab-frites-samouraï, clope et nous voici dans la fameuse salle en forme de losange, remplie ce soir de... ben, de pas grand monde en vérité. La première vraie surprise de la soirée c'est celle de l'affluence puisque nous ne serons clairement pas plus d'une petite centaine, à vue de nez. Une assemblée clairsemée qui ne se prive pas cependant pour aller boire un verre ou lorgner sur le merch (franchement laid et hors de prix [50€ le hoodie...]) de Cradle Of Filth. Voici donc que débute le set des australiens, visiblement bien content d'être là et de nous offrir leur gros mélange de Metal extrême et progressif. Du Black sur certains riffs, un poil de Deathcore/Djent (comprenez : des rythmiques crypto-mosh-part de double grosse caisse) et quelques passages plus planant ou le violoniste – qui est aussi le chanteur s'occupant des parties en clean – se fait bien plaisir. En fait, tout ceci me fait franchement penser au très bon
« Exoplanet » de The Contortionist, qui propose des ambiances évasives ainsi que des plans mindfuck techniques. Bon évidemment, c'est moins Deathcore et il y a du violon, mais je retrouve ce genre d'atmosphères qui me parlent plutôt bien. Un set très net et carré qui aurait cela dit gagné à être mieux égalisé notamment la batterie a tendance à manger un peu les autres instruments et le fameux combo guitares sept cordes / basse cinq cordes qui est un peu étouffant dans les graves. Mais bon, rien de bien méchant, les quatre morceaux passent plutôt bien et même si quelques passages me semblent un peu longuets dans les compositions, on ne peut pas dire que cette première partie ne vaut pas le détour.
Cradle Of Filth :
Il est environ 22h quand Cradle déboule dans l'atelier, avec la totale du Cradle-Of-Filthisme en cadeau, c'est-à-dire un très joli squelette en plastique attaché sur une croix, elle aussi dérivée chimiquement du pétrole. Bien sûr les musiciens sont maquillés, rigolos (surtout un, mais j'en reparlerais) et Dani se pose en leader incontesté de l'attirail à clous gothiques. En plus, le brave a poussé le vice jusqu'à mettre un ventilateur devant son pied de micro (qui vaut lui aussi le détour, dans le genre gothico-kitschouille) pour ne pas que son maquillage dégouline.
On attaque donc avec un « Humana Inspired To Nightmare » en guise d'introduction servant à faire monter la sauce, un truc qui fait vibrer les vrais, ceux qui connaissent les bails. Et comme nous l'avons dit hier : « Les jaloux diront Dimmu Borgir ». Parfaitement enchaînée sur un « Heaven Torn Asunder » en plus, ce qui ne gâche rien. Et mine de rien, quand résonne le « Here me now ! All crimes should be treasured if they bring thee pleasure somehow. » servant d'introduction parlée à l'énorme « Cruelty Brought Thee Orchids », moi je commence à me laisser bien enthousiasmer par l'histoire. À tel point que j'ai dégommé ma pinte sur les trois premières minutes de la chanson et que je me suis senti partir quelques secondes. Et à partir de là, c'est franchement l’autoroute du soleil à tombeau ouvert avec Dani Filth en conducteur dans la Cadillac customisée Black Metal. On notera d'ailleurs que les morceaux du dernier sont clairement adaptés au live : un « Blackest Magick In Practice » qui sait remettre tes pendules à l'heure d'hiver, un « Right Wing Of The Garden Triptych » catchy mais pas putassier, un « Yours Immortaly » qui sera gardé au chaud pour ouvrir le rappel et qui fait du bien par là où il passe.
Mais le meilleur est en fait le reste, puisque Cradle a décapité cinq albums de sa discographie (aucun titre de « Damnation And A Day », de « Thornography », de « Godspeed On The Devil's Thunder », de « Darkly, Darkly Venus Aversa » ou de « The Manticore » ne sera joué ce soir-là) pour offrir au public des grands classiques et – hors dernier album + « Nyphetamine (Fix) » – un set entièrement axé sur les années quatre-vingt-dix. Un public peu nombreux donc mais carrément au taquet lorsque la formation balance les dix minutes de « Queen Of Winter, Throned » comme ça, au calme. Et ce sans compter sur quelques belles surprises comme « Malice Through The Looking Glass », « The Twisted Nails Of Faith » ou le final du concert : « The Forest Whispers My Name ». Bref, la set-list est lourde à bloc et ça n'a l'air de rien, mais le temps passe vite quand on enchaîne des classiques qui fleurent bon mes dix-sept ans.
Question technique : c'est impeccable. L'ingénieur du son a su corriger les quelques erreurs du show de Ne Obliviscaris et nous propose la juste balance entre aigus et graves. Et ce qui change aussi (et qui explique aussi la réussite de ce Cradle 2015 par rapport aux anciennes moutures live bien souvent décriées), c'est que les musiciens sont exemplaires en terme de technique. Marthus est définitivement un très bon batteur (et un bon arrangeur aussi, au vu de ce qu'il a fait sur « Hammer Of The Witches »), les nouveaux guitaristes s'éclatent, proposent des parties parfaitement exécutées et jouent à un jeu de rôle, mimant des marionnettes pendant tout le concert. D'ailleurs, ce Rich Shaw, guitariste anglais est un sacré bout-en-train puisqu'il est clairement dans le fun à tout prix, n'hésitant pas à déconner, à aller jouer dans le public, à aligner des grimaces clichesques... J'en profite aussi pour toucher un mot de Lindsay, qui s'occupe du clavier et des chants féminins et qui a clairement du étudier les vocalises de Sarah Jezbel Deva puisqu'on dirait presque l'originale, ce qui est clairement une valeur ajoutée pour le groupe. On notera aussi un Dani Filth qui n'use d'aucun effet sur sa voix et balance ses screams suraigus sans problème, bande de mauvaises langues va ! Il s'égosille en sautillant, il est très content d'être là et communique beaucoup, non sans une touche d'auto-dérision et d'humour ironique « so british ». Et un mot sur les attentats, parce que si il y a bien un truc dans ce monde qui peut foutre les jetons à Daesh, c'est Cradle of Filth...
Alors que j'y allais en touriste, essentiellement boosté par les retours positifs de mes compères, je dois bien vous avouer que je n'ai pas vu passer les deux heures du concert. Et que c'était franchement une excellente performance de la part des revenants anglais. À tel point que je ne comprends pas qu'aussi peu de gens aient fait le déplacement, peut-être freinés par la mauvaise réputation du groupe. Hé bien, je crois qu'il est temps de réhabiliter Cradle of Filth : si vous aimez ou que vous avez aimé Cradle, allez-y, parce que la set-list est excellente, la technique proche du parfait et que l'ambiance proposée par le combo, saucée d'humour, de kitsch et d'auto-dérision fait plaisir à voir.
Set-List :
1/ Humana Inspired To Nightmare
2/ Heaven Torn Asunder
3/ Cruelty Brought Thee Orchids
4/ Blackest Magick In Practice
5/ Lord Abortion
6/ Right Wing Of The Garden Triptych
7/ Malice Through The Looking Glass
8/ Deflowering The Maidenhead, Displeasuring The Goddess
9/ Queen Of Winter, Throned.
Encore :
10/ Walpurgis Eve
11/ Yours Immortally
12/ Nymphetamine (Fix)
13/ The Twisted Nails Of Faith
14/ Her Ghost In The Fog
15/ The Forest Whispers My Name.
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