Obvurt - The Beginning
Chronique
Obvurt The Beginning (EP)
Avant d’aboutir à cette première sortie que le chemin a été long et compliqué pour Philippe Drouin (UNBREAKABLE HATRED) qui a bien cru qu’elle ne pourrait jamais voir le jour, la faute à un grave accident de voiture et à des soucis musculaires conséquents qui ont bien failli lui faire abandonner la guitare. Pourtant loin de se laisser abattre celui-ci a travaillé d’arrache-pied pour retrouver la santé et son niveau, tout en passant en jeu de droitier à celui de gaucher, un choix difficile mais nécessaire de par le handicap restant. Créé à l’origine comme un projet solo OBVURT est finalement devenu un groupe à part entière, sa tête-pensante ayant été rejointe par le bassiste Olivier Pinard (CATTLE DECAPITATION, CRYPTOPSY) et le batteur Samuel Santiago que l’on ne présente plus (BLACK MARCH, GOROD…), et autant dire que sur le papier tout cela a fière allure. S’il est facile avec un tel niveau de chacun des musiciens de tomber dans la démonstration technique stérile et frustrante, ici nulle trace de cette erreur récurrente tant le trio manie habilement chacun de ses instruments, tout en y ajoutant une vraie fluidité et un groove implacable où l’on retrouve la patte de chacune de leurs formations phares.
Car en un peu moins de vingt minutes les quatre compos ici présentes (où se greffent une intro et outro) vont placer la barre bien haut en proposant un Death puissant et alambiqué, au groove imparable et aux nombreux changements de tempo - mais tout en conservant une vraie ligne directrice et une homogénéité imparable. Si le ton est donné au démarrage avec de l’orgue d’église - indiquant que des obsèques sont en cours, le reste de l’écoute va rester dans cette veine sombre et ténébreuse… et en premier lieu avec le très bon et varié « Ostheophyte » (nom du problème rhumatologique dont souffre le chanteur-guitariste). Avec ses paroles en français totalement autobiographiques qui servent visiblement d’exutoire, l’agressivité contenue dans celles-ci se retrouvent dans la musique où le mélange entre tabassage intensif, mid-tempo écrasant et parties lentes rampantes en cassures fait des merveilles. On remarque de plus qu’aucun des mecs ne cherche à se mettre en avant plus qu’un autre vu que c’est le collectif qui prime ici et le tout est parfaitement cohérent et équilibré, sans chercher à révolutionner quoi que ce soit.
Si ce titre d’ouverture était un peu à part dans sa thématique les trois autres vont eux être plus classiques dans leur démarche avec leurs textes en anglais plus neutres, mais toujours servis par une musique au taquet comme cela se retrouve d’abord sur l’excellent et remuant « The First Light », parsemé de passages rampants à la double et d’accélérations brutales, parfaites pour donner envie de remuer la nuque. Si le riffing travaillé et sobre de son leader fait mouche il faut aussi saluer la performance du frappeur mercenaire qui confirme qu’il est bien un des meilleurs francophones dans ce domaine, tant il ne cesse d’aérer son jeu de variations nombreuses et travaillées qui ne tombent jamais à plat, qu’elles soient sur cette plage plus lourde comme sur la suivante plus frontale et directe. En effet « Obverted » va miser sur les blasts et le tabassage quasi-constant, ponctués de plusieurs solos accrocheurs qui amènent un soupçon de mélodie au milieu de ce chaos de violence où la vitesse est prépondérante, tout en voyant là-encore une réelle alternance rythmique. Un point poussé à son maximum sur l’entêtant « Scars Of War », où la noirceur et l’obscurité vont atteindre leur paroxysme ici… la faute à un grand-écart majeur et suffocant où de longues plages lourdes et lentes créent un sentiment de malaise exacerbé, mais où cependant les explosions ne sont pas oubliées afin d’amener toujours une densité imparable évitant ainsi la redondance et les longueurs. Il faut en effet souligner que les gars n’ont pas voulu prolonger inutilement leurs morceaux, privilégiant l’efficacité aux plans interminables vu ça dépasse à peine les quatre minutes pour le plus long d’entre eux, ce qui ajoute encore un peu plus au rendu parfait de cet Ep sans faute de goût ni excès sonores en tous genres.
Aidée par une production moderne qui ne sombre pas trop dans le synthétisme, cette réalisation des franco-canadiens est une réussite de bout en bout au style typiquement Américain, mais sans être une vaste redite. Autant dire que les trois acolytes signent un très gros coup d’entrée et il fait peu de doutes que la suite de leurs aventures risque de faire très mal. Sans prétendre révolutionner quoi que ce soit ceux-ci offrent un rendu musical à l’efficacité sans bornes particulièrement brutal mais qui savent aérer le propos quand cela est nécessaire (il n’y a qu’à écouter les relents mélodiques de la conclusion instrumentale intitulée « The End » pour en être convaincu). A voir désormais ce que donnera tout ça sur un format plus long, en attendant on se délectera avec un plaisir non-dissimulé de cette œuvre très classique mais addictive, qui confirme les bonnes choses entrevues cette année dans le domaine du Metal de la mort, particulièrement inspiré actuellement et dont on espère que ça va durer.
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