Les retours en grâce après plusieurs années d’absence ou de séparation sont toujours un petit peu compliqués. En règle générale, c’est bien souvent un sentiment de déception qui finit par pointer le bout de son nez, rarement l’inverse. Il y a bien entendu quelques exceptions à cette règle comme par exemple le dernier album de Nocturnus (
Paradox) ou d’autres moins "récents" comme le
Black Gives Way To Blue d’Alice In Chains, le
Surgical Steel de Carcass, le
Monotheist de Celtic Frost, le
Macabre Eternal d’Autopsy ou le
Souls To Deny de Suffocation mais pour autant, cela ne m’a jamais empêché d’être un brin suspicieux à l’égard de ces retours trop souvent à côté de la plaque pour me montrer aveuglément enthousiaste...
Formé en Floride à la fin des années 90, Killing Addiction a grandement souffert de son arrivée tardive dans le game, sortant en 1993 un premier album connu aujourd’hui des seuls archéologues de la scène Death Metal et de ceux qui lisent Thrashocore. S’il était déjà extrêmement compliqué pour n’importe quel groupe de faire face à cette concurrence absolument impitoyable sévissant ici ou ailleurs depuis la seconde moitié des années 80, Killing Addiction n’a pas non plus misé sur le bon cheval en signant à l’époque sur JL America, label particulièrement mal distribué de ce côté-ci de l’Atlantique.
Malgré un manque d’intérêt évident du public à son égard, la formation originaire d’Ocala continuera pourtant de vivoter ainsi durant quelques années avant de finalement raccrocher les gants en 1998 après la sortie d’un EP auto produit intitulé
Dark Tomorrow. Pour autant décidés à ne pas en rester là, les quatre garçons relanceront l’aventure huit ans plus tard, scellant au passage leur come-back avec la sortie consécutive de trois EPs parus entre 2010 et 2016. Malheureusement, Killing Addiction devra faire face au décès de son guitariste historique Chad Bailey. Un évènement tragique qui, s’il va évidemment ralentir la progression du groupe, n’entachera pas sa motivation pour autant. La preuve aujourd’hui avec la sortie de ce deuxième album qui, vingt-huit ans après
Omega Factor, espère bien mettre le nom de Killing Addiction peut-être pas au coeur des débats mais au moins à la place qu’il mérite !
Intitulé
Mind Of A New God, celui-ci marque l’arrivée du guitariste Devon McDonough en remplacement d’un certain Mike Serden (ex-Brutal Enemy). Proposé naturellement sous la bannière du label espagnol Xtreem Music, ce deuxième album jouit également d’un artwork plutôt réussi signé Samuel Araya, un artiste sud-américain ayant notamment collaboré avec Cradle Of Filth sur
Thornography ainsi qu’avec tout un tas d’autres groupes pour la plupart inconnus au bataillon... Bien évidemment tout cela n’est de l’ordre que du simple détail, et l’essentiel réside bel et bien dans ces nouvelles compositions qui - spoiler alert - ne devraient pas manquer de convaincre !
Car sans fondamentalement changer son fusil d’épaule (le groupe continue en effet à jouer du Death Metal), Killing Addiction a tout de même sérieusement revu et corrigé sa copie. Là où
Omega Factor proposait un Death Metal particulièrement lourd et enclin aux mid-tempos,
Mind Of A New God choisi à l’inverse de mettre l’accent sur les accélérations tout en conservant heureusement une part de cet héritage avec notamment son lot de séquences plombées toujours aussi écrasantes. Je ne sais pas quand est-ce que s’est opérée cette mutation (je n’ai en effet jamais écouté les précédents EPs sorti par Killing Addiction depuis sa reformation) mais le fait est que celle-ci a toutes les chances de séduire tant le résultat final s’avère extrêmement convaincant. Pourtant, les Américains ne réinventent rien ici avec une formule qui emprunte toujours autant à la scène US de la fin des années 80 et du début des années 90 et notamment à Morpheus Descends, Incantation et Morbide Angel avec qui le parallèle semble ici encore plus évident qu’auparavant. Le morceau titre qui ouvre l’album du haut de ces deux minutes et cinquante-quatre secondes ne s’embarrasse d’ailleurs d’aucunes fioritures et laisse effectivement peu de place à l’interprétation, que ce soit concernant les intentions belliqueuses des Floridiens désormais revues à la hausse ou bien concernant les principales sources d’inspiration dont ils s’abreuvent. On laissera donc de côté toute idée d’originalité pour s’attarder plutôt sur ce que l’on vient chercher lorsque l’on écoute ce genre de Death Metal que l’on sait respectueux des canons du genre.
Servi par une production moderne et équilibrée qui n’en oublie pas pour autant de sonner authentique,
Mind Of A New God se caractérise par une cadence de feu plutôt élevée, en tout cas on l’a vu, bien plus que celle de son prédécesseur. Bien entendu, quelques vestiges du passé persistent ici et là (ces quelques ralentissements proposés tout au long de l’album ainsi que ce sens du groove toujours bien présent), notamment sur le titre "The Chaos Older Than Time" qui positionné de la sorte en fin de parcours permet d’aérer un album marqué pour l’essentiel par de franches accélérations toujours très simples, jamais trop rapides mais ô combien redoutables d’efficacité. Entre séances de tchouka-tchouka toujours aussi dynamiques, tapis de double écrasants et autres blasts punitifs, Killing Addiction hausse ainsi le ton à coup d’attaques soutenues et surtout quasi-systématiques. Une brutalité nouvelle qui apporte une autre dimension au Death Metal des Floridiens. Côté riffs, les Américains se défendent également très bien. On va ainsi retrouver le côté infernal, blasphématoire et fuligineux des quelques groupes cités un peu plus haut. Certes, on repassera pour l’originalité mais côté atmosphère et intensité insufflées, le groupe n’a pas à rougir de quoi que ce soit et donne surtout le sourire à l’écoute de ces compositions particulièrement bien ficelées. Enfin, notons également que Patrick Bailey n’a rien perdu de son coffre même si son growl se fait désormais plus compréhensible et moins bovin qu’il ne l’était autrefois. Ses quelques vocalises plus arrachées sont également toujours de la partie et viennent comme sur
Omega Factor apporter un peu de relief à une prestation tout de même plus nuancée aujourd’hui.
Des retours foirés, ce n’est évidemment pas ça qui manque. Des retours aussi réussis que celui opéré par Killing Addiction, c’est à l’inverse beaucoup plus rares. Certes, il n’y a rien de sorcier dans ce que propose le groupe floridien aujourd’hui et certains pourraient même voire dans ce changement d’orientation une sorte de trahison à son héritage. Personnellement, je trouve
Mind Of A New God plutôt bluffant dans son ensemble. Outre le fait qu’il n’y ait absolument rien à jeter de ses trente-cinq minutes intenses et brutales, la formation a surtout été en mesure de se réinventer pour tenter de sortir de l’anonymat qui a malheureusement marqué le début de sa carrière. Très classique dans le fond comme dans la forme, ce deuxième album prouve en tout cas que les vieux de la vieille sont encore capables de mettre à l’amende de jeunes formations. Quoi qu’il en soit,
Mind Of A New God est assurément l’une des bonnes surprises de cette année 2021 et un achat obligatoire pour tous les amateurs de Death Metal américain sombre et caverneux.
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