Killing Addiction - Omega Factor
Chronique
Killing Addiction Omega Factor
Formé en 1989 à Ocala, petite ville de cinquante neuf mille habitants située en plein coeur de la Floride, Killing Addiction fait partie de ces nombreuses formations arrivées trop tard pour espérer pouvoir faire la différence. Malgré un premier album paru en 1993 sur JL America (Acheron, Blasphemy, Deteriorate, Goatlord, Immortal, Morpheus Descends...), le groupe américain ne parviendra jamais vraiment à dépasser le stade de la seconde voire de la troisième division. Un statut qui ne va pourtant pas les empêcher d’acquérir au fil du temps une certaine notoriété au sein de la communauté Death Metal, faisant au passage de Omega Factor une pièce de plus en plus rare s’échangeant plusieurs dizaines d’euros sur les plateformes spécialisées...
Il aura fallu attendre 2018 pour que celui-ci soit enfin réédité par Xtreem Music dans une version malheureusement revue et corrigée. "Malheureusement" car j’aurais préféré que le label espagnol s’abstienne de revisiter l’artwork original pour en proposer une version "améliorée" ou en tout cas plus moderne. Une manie déjà constatée à de nombreuses reprises sur les rééditions des albums de Funebre, Deathevokation, Deteriorot ou Dissect. M’enfin bon, cela ne devrait pas vous empêcher d’y jeter une oreille surtout que Dave Rotten a eu la bonne idée d’y ajouter les titres du EP Necrosphere datant de 1991 et ceux de la démo Legacies Of Terror parus un an auparavant (mais que j’ai choisi de ne pas aborder ici).
Arrivé un petit peu après la bataille, Killing Addiction propose sur ce premier album un Death Metal sombre caractérisé par des tempos modérés, un riffing lourd et écrasant ainsi qu’un groove particulièrement développé. Si la formule n’a rien d’original aujourd’hui, surtout exposée de la sorte sur les Internets, sachez qu’elle avait néanmoins le mérite de s’éloigner pour l’époque des standards alors en vigueur et surtout d’offrir autre chose à ses auditeurs qu’une énième resucée de Cannibal Corpse, Morbid Angel, Death, Obituary ou Deicide.
L’un des éléments les plus remarquables au sujet de ce Omega Factor est probablement le chant de Patrick Bailey. Loin de chercher à singer certains gimmicks déjà bien installés à l’époque, l’Américain offre ici une prestation relativement personnelle grâce à un growl extrêmement épais et monocorde qui, s’il manque peut-être effectivement un petit peu de nuance et de relief, a cependant encore pour lui de ne pas être calqué sur celui du voisin. D’autant plus qu’il y apporte parfois quelques variations en usant par moment d’un chant beaucoup plus arraché et inhumain évoquant alors ce que l’on peut trouver chez certains groupes de Grindcore comme par exemple sur "Omega Factor" à 0:34, "Dehumanized" à 2:29 ou "Impaled" à 4:54.
Pour ce qui est du reste Killing Addiction verse, on l’a vu, dans un Death Metal bien loin de l’intensité d’un Deicide ou d’un Morbid Angel. La formation d’Ocala préfère en effet, malgré quelques fulgurances relativement soutenues ("Omega Factor" à 1:58, "Dehumanized" à 1:20, "Altered At Birth" à 1:28, les premières mesures de "Necrosphere", "Global Freezing" à 2:03) qui vont soit dit en passant permettre d’instaurer une véritable dynamique à ce premier album, s’intéresser pour l’essentiel à des tempos bien plus modérés, entretenant dès lors un côté résolument pesant grâce également à un riffing sombre et menaçant du meilleur effet (les premières mesures de "Omega Factor", "Equating The Trinity", "Nothing Remains", "Altered At Birth"...). Car même si la formation n’a rien inventé, s’inspirant en effet pas mal de groupes tels que Morpheus Descends, Incantation ou Rottrevore pour n’en citer que quelques uns, il faut bien reconnaître que les huit compositions de Omega Factor n’ont pas vraiment à rougir de quoi que ce soit. D’autant plus qu’on y trouve également d’excellents leads et autres soli qui permettent d’apporter une dimension tantôt plus mélodique ("Nothing Remains" à 2:32, "Altered At Birth" à 3:55, "Necrosphere" à 2:34) tantôt plus chaotique ("Equating The Trinity" à 4:18, "Global Freezing" à 2:03) à l’ensemble.
À cette lourdeur épaisse et poisseuse s’y ajoute un groove toujours aussi irrésistible et efficace qui près de trente ans plus tard ne manquera pas d’en faire encore chalouper plus d’un. Car s’il n’y a rien de bien sorcier dans cette manière qu’a Killing Addiction de construire ses morceaux et d’y amener cette pincée de groove urbain, on va justement y retrouver ce qui fait le sel de certaines scènes américaines les plus célèbres en la matière, notamment celles de New-York et du Texas. Bref, attendez-vous à vous faire avoir bien comme il faut, notamment sur des morceaux tels que "Omega Factor", "Dehumanized", "Altered At Birth" ou "Necrosphere".
À quelques jours de la sortie de son nouvel album (le premier depuis près de trente ans) qui au passage s’avère d’excellente facture (on y reviendra et avec grand plaisir), il me semblait judicieux de s’atteler à la chronique de ce premier album un petit peu oublié mais néanmoins des plus sympathiques. Comme beaucoup d’autres groupes de la même époque, Killing Addiction est arrivé quelque peu en retard à la fête avec malheureusement sous le bras un album particulièrement solide mais noyé dans une masse de sorties, certaines convaincantes et d’autres beaucoup plus anecdotiques. Ajouter à cela une distribution inexistante en tout cas de ce côté-ci de l’Atlantique, et vous obtenez un album ignoré de la plupart malgré tout un tas de qualités pour le moins évidentes. Aussi, si vous êtes jusque-là passés à côté de cet album, voilà l’occasion parfaite de faire d’une pierre deux coups en vous plongeant dans celui-ci avant d’enchaîner avec le second qui arrive très prochainement et risque bien de faire parler de lui.
| AxGxB 25 Mai 2021 - 977 lectures |
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