Une formation qui remonte à quarante-cinq ans. Une discographie qui comprend seize albums plus une foultitude d'EP, singles, lives et compilations diverses. Un des précurseurs du speed et une influence majeure pour bon nombres de groupes. Accept est un monstre sacré du heavy metal. Depuis quelques années toutefois, le groupe ressemble plutôt à une bête blessée. Il y a eu les départs du batteur Stefan Schwarzmann (ex-Running Wild et U.D.O.) et surtout du guitariste de longue date Herman Frank, tous deux remplacés par d'illustres inconnus. Puis un
The Rise of Chaos mitigé qui montrait des signes de fatigue. Cela ne s'est pas arrangé depuis puisque le bassiste de toujours Peter Baltes a lui aussi quitté le navire. Et à nouveau un obscur musicien pour prendre sa place. Autre drôle d'idée, l'ajout d'un troisième (!) guitariste, un américain de Nashville acoquiné avec d'anciens membres de Kiss. Bref, c'est un peu n'importe quoi ces derniers temps chez Accept qui pourrait tout à fait se rebaptiser Wolf Hoffmann's Band tant le guitariste d'origine semble imposer sa loi dans la formation. Difficile dès lors de ne pas émettre de gros doutes sur l'avenir des vétérans. L'annonce de ce nouvel album sorti fin janvier sur Nuclear Blast, orné de ce titre puéril et illustré par une pochette digne d'un t-shirt de marché aux puces entre deux beauferies à l'effigie de Johnny Hallyday, ne faisait rien pour rassurer les sceptiques.
J'ai parlé l'autre jour de mon sixième sens à propos des déceptions. Couplé à mon éternel pessimisme, j'avais le doigt sur la gâchette dès le démarrage de ce seizième album des Germano-Américains, prêt à les fusiller sur place. Eh bien j'ai vite rengainé ! Car contre toute attente,
Too Mean to Die s'avère une grosse surprise qui m'a convaincu dès la première écoute. Comme quoi, on a beau dire ce que l'on veut de Wolf Hoffmann, le gus finit toujours par s'en sortir. Et sans forcer en plus, le sexagénaire n'ayant en rien fait évoluer sa formule par rapport à
The Rise of Chaos qui s'avérait déjà une resucée des précédents depuis leur retour sur
Blood of the Nations en 2010, lui-même ... Bref, vous avez compris. Accept fait à nouveau du Accept ici. Pourquoi cela fonctionne-t-il sur celui-ci et moins bien sur le précédent ? Question de feeling et d'inspiration. Là où l'on sentait les Teutons en pilotage automatique sur un
The Rise of Chaos pas du tout mauvais mais qui manquait de piment, de folie, de génie, ils se montrent sur ce nouvel opus plus convaincants. On retrouve ce petit quelque chose en plus, cette flamme difficile à décrire tant elle fait appel au ressenti et à l'affect de l'auditeur. On va tout de même essayer.
Le gros plus de
Too Mean to Die, c'est déjà le feeling mélodique des guitares. Solos et autres leads, il y en a à profusion. C'est simple, efficace et mémorable. Accept s'y montre particulièrement inspiré. "Symphony of Pain", avec son ouverture virevoltante et ce petit hommage traditionnel à la musique classique en fin de parcours, en est un bel exemple parmi beaucoup d'autres. En parlant de musique classique, impossible de ne pas citer aussi le dernier morceau "Samson and Delilah", un instrumental somptueux inspiré de l'œuvre de Saint-Saëns du même nom ainsi que par la symphonie
Du Nouveau Monde de Dvořák qui enchaîne les perles de leads mélodiques, soutenues par un riff mid-tempo en acier trempé et le vrombissement d'une basse qui, si elle ne fait rien d'extraordinaire, joue pleinement son rôle indispensable (ainsi que sur le très bon single "The Undertaker" et sur tout l'opus d'ailleurs). Un final de toute beauté qui clôt l'opus magistralement. Et puis, cela change un peu des dix hymnes heavy metal plus classiques et calibrés qui l'ont précédé. Pardon, plutôt neuf car s'il y a un autre morceau à retenir sur
Too Mean to Die et qui tranche avec les autres, c'est bien "The Best Is Yet to Come". Une power-ballade splendide et pleine d'émotions assez étonnante car les superbes couplets sont chantés en voix claire et douce. On ne reconnaît pas Mark Tornillo qui apparaît sur le refrain, il s'agit donc peut-être du Finlandais Clay Vann crédité en "backing vocals" mais ne possédant pas l'objet physique, je ne pourrais le confirmer en lisant le livret.
Si ce timbre inhabituel chez Accept ravit les tympans sur cet excellent morceau, cela ne doit pas non plus éclipser la performance de Mark Tornillo qui livre à nouveau une très bonne copie dans ce style rocailleux si caractéristique qui s'est toujours voulu la continuité de Udo Dirkschneider, auréolé de quelques cris aigus pas piqués des vers. Des couplets dynamiques et entraînants voire bien rock 'n roll sur deux-trois pistes ("Overnight Sensation" à la AC/DC, "Not My Problem"), des pré-chorus à chœurs taillés pour live (un peu de "oh oh oh oh" notamment) qui ont fait la légende du groupe et des refrains tout simples, souvent simplement le titre du morceau, mais qui font mouche à quelques exceptions près plus passe-partout. Et quand je parlais d'hymnes heavy metal classiques pour évoquer neuf des onze compositions, c'était dans le bon sens du terme. Elles sont évidemment calibrées sur des structures pop conventionnelles, néanmoins cela n'enlève en rien leur qualité. Tout y est bien fait, à commencer par le riffing très solide à défaut d'originalité. Du bon gros mid-tempo heavy à mort porté par un frappeur talentueux, avec toutefois quelques tentatives réussies d'accélérations comme sur le remarquable "Too Mean to Die" et sa saveur old-school limite speed. L'entrée en matière sur "Zombie Apocalypse", un des meilleurs morceaux de l'album et même de la discographie post-reformation d'Accept malgré un thème ringard (les zombies, ça fait dix ans que ce n'est plus à la mode les gars !), donnait déjà le sourire. Il ne quittera plus nos lèvres jusqu'à la fin tant ce
Too Mean to Die s'apparente à une belle démonstration d'un vieux briscard qui en a encore sous le coude. On pourra juste trouver la durée un poil excessive (cinquante-deux minutes), sans que l'ennui pointe le bout de son nez. "How Do We Sleep' et "Not My Problem" en neuvième et dixième positions, pas dégueulasses mais un peu en dessous du reste, auraient ainsi pu passer à la trappe.
Le line-up d'Accept ne ressemble plus à rien ? Ils devraient se rebaptiser Wolf Hoffmann's Band ? Franchement, on s'en branle ! Les remplaçants font le taf, même si on pourra s'interroger sur la pertinence d'avoir trois guitaristes pour une musique aussi simple. Le départ du bassiste originel Peter Baltes aura peut-être été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase chez certains fans, il n'en demeure pas moins que
Too Mean to Die s'avère une réussite. Un succès d'autant plus surprenant et appréciable dans ce contexte d'énième remaniement de personnel et de production précédente un peu décevante. Voilà une collection de nouveaux morceaux certes sans surprise (si ce n'est "The Best Is Yet to Come") car dans le plus pur style Accept très allemand, mais tout à fait satisfaisants. Ça passe tout seul ! "Zombie Apocalypse", "No Ones Master", "The Undertaker" ou encore "Symphony of Pain" auraient tout à fait leur place dans les prochaines setlists. On pensait Accept sur le déclin voire carrément fini, le voilà de retour en pleine forme, signant son meilleur album depuis sa renaissance en 2009, juste derrière
Stalingrad. Tout n'est pas parfait, oui c'est toujours la même chose, oui c'est trop long, oui la pochette est moche, mais sortir un disque aussi efficace et inspiré après plus de quarante ans de carrière tumultueuse, ça force le respect.
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