L’époque où le doom metal se conjuguait au féminin semble bien lointaine. Des groupes ayant marqué cette période, peu sont aujourd’hui encore en activité, après l’arrêt de
SubRosa, le coma de
Jex Thoth, le revirement de
The Wounded Kings... À l’exception de l’attente de nouveaux albums de
Undersmile et
Messa, ce sous-genre est entré en léthargie, exception faite des wagons de doom anonyme à l’ambiance de sorcière sans grande originalité (on se permettra de juger sur pièces les futures œuvres de
Solstice et
Dead Witches, tant le risque d’accident industriel est fort).
Ainsi, quand King Woman arrive avec un second album, une impression étrange l’accompagne. Non pas que le voir exister fait lever les épaules avec désintérêt, mais on n’espère plus nécessairement grand-chose d’un exercice de ce style, malgré l’excellente surprise que fut
Created in the Image of Suffering en 2017. La formation menée par Kristina Esfandiari saura-t-elle raviver la flamme d’un genre aujourd’hui moribond ?
Oui et non. Car – autant attaquer de front ce qui gêne au départ et ne disparaît jamais vraiment malgré les écoutes répétées et de plus en plus convaincantes –
Celestial Blues ne se déshabille jamais d’une humilité, d’une simplicité, faisant que l’on a du mal à le porter aux nues en dépit de qualités indéniables. Peut-être l’absence de grands moments, ceux qui éclataient sur
Created in the Image of Suffering au point d’illuminer le reste, rend ce disque trop timide ; peut-être une certaine lassitude dans certaines ritournelles affaiblit le plaisir ressenti ; peut-être trouvons-nous le disque tellement porté par sa figure centrale que le reste peine à enthousiasmer outre-mesure… Peut-être un peu tout cela, qui continue de gratter et déranger quand vient l’heure de juger et ce, malgré que l’on soit certain d’être face à un grand disque, aussi symbolique d’un sous-genre qu’y mettant une certaine fin, l’emmenant vers un ailleurs des plus intéressants.
Pourtant, rien n’a changé sur le papier chez ce projet particulièrement original sans l’appuyer, au point que sa présentation lors de la chronique de
Created in the Image of Suffering, le définissant comme « avant tout une rencontre avec cette femme, qui convoque Hazard County Girls, L7,
Fvnerals, SubRosa évidemment mais également Acid King et ses plus grandes heures d'amour (
III, c'est-à-dire) dans son église, où elle déclame de son pupitre une oraison lascive et grave » étant toujours de mise. Ainsi, on retrouve avec délice cette voix surplombant les autres instruments, devenant elle-même nappe atmosphérique (« Entwined » ou encore « Ruse ») ou lame tranchante (« Coil » ; « Psychic Wound »). King Woman a affiné son style, assumant plus franchement ses penchants grunge et shoegaze se mêlant délicieusement avec un doom metal mélancolique. L’explosion du morceau-titre passée – seule composition visant une majesté évoquant le précédent longue-durée de la bande –, c’est dans une dentelle protéiforme qu’évolue cette musique aussi accessible que personnelle.
Un constat qui pourrait faire de
Celestial Blues une simple suite un brin moins convaincante que sa grande sœur, un meilleur équilibre en plus mais l’effet de surprise en moins. Mais cela serait passer outre le sentiment palpable d’assister aussi bien à une mise à nue qu’à une renaissance de la part de King Woman, un renouveau qui laisse espérer de grande chose pour l’avenir. On a eu raison de tiquer sur cette pochette, déplaisante au premier abord puis intrigante : elle exprime une volonté de s’affranchir des codes typiques de « la femme fatale un brin inquiétante » vus et revus dans le genre, embrassant totalement l’intimité d’un propos pour le porter au rang d’art. Les ailes coupées, la sexualité maquillée, une cigarette dans la main, Kristina Esfandiari quitte les atours enjôleurs qu’elle usait auparavant pour embrasser cette figure d’être androgyne et mythologique, désarmant et altier. Les paroles, abordant différents mythes et textes religieux sous un angle personnel, amplifient la portée de ses modulations d’un chant déclamant, éructant, traînassant et fracassant, toujours avec une certaine sauvagerie racée (« Golgotha » et « Morning Star » en étant les meilleurs exemples).
Pour peu, on proclamerait que King Woman mérite ici désormais son nom, quittant la féminité dans laquelle on cherche à l’enfermer pour assumer son caractère trouble, monstrueux et cependant… beau, anormalement, singulièrement beau. Mais
Celestial Blues, pour les raisons évoquées plus haut, ne parvient pas tout à fait à enchanter autant qu’on le voudrait. Il n’en reste pas moins une œuvre qui fera personnellement date dans un style qui avait bien besoin d’être remué. La suite est évidemment particulièrement attendue.
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