Même si Venefixion n’ai jamais vraiment cessé de faire parler de lui depuis son apparition public en 2015 et la sortie de sa toute première démo intitulée
Defixio, il aura quand même fallu six longues années aux Bretons pour donner enfin naissance à ce que beaucoup d’entre nous attendions de pied ferme depuis l’écoute de cette fichue cassette. Après un EP paru en 2016 (
Armorican Deathrites) et un split en compagnie de leurs grands copains belges de Possession sorti trois ans plus tard (
Passio Christi Part II / Necrophagous Abandon), le groupe rennais signe son retour aux affaires par la grande porte avec la parution il y a quelques jours de
A Sigh From Below, premier album paru là encore sous la bannière du label allemand Iron Bonehead Productions.
Resté inchangé depuis 2018 et l’arrivée au chant de Romain Gibet (Sépulcre, Repugnizer, ex-Cadaveric Fumes), le line-up semble avoir enfin acquis cette stabilité qui lui faisait jusque-là quelque peu défaut. C’est donc dans la même configuration qu’il y a trois ans que Venefixion s’est rendu au Heldscalla Studio de Raphaël Henry (Sacrifizer, Ritualization, Fall Of Seraphs, Sacral Night, Silver Machine…) pour l’enregistrement de ces neuf "nouvelles" compositions bouclées en un petit peu plus de trente-cinq minutes. Oui, avec des guillemets car certains d’entre vous auront peut-être déjà remarqués la présence au tracklisting du titre "Aghori's Ashes Of The Dead" tiré de
Defixio et proposé ici dans une version revue et corrigée. Enfin pour en finir avec cette introduction, précisons également que ce premier album a été illustré par Jack Welch (Seventh Bell Artwork) avec qui les Bretons avaient d’ailleurs déjà collaboré par le passé pour l’artwork de leur première démo.
D’une durée modérée bien qu’idéale pour ce genre de Death Metal,
A Sigh From Below s’inscrit sans surprise dans la continuité des précédents travaux de Venefixion à ceci près que le groupe semble en avoir terminé avec le folklore breton, ses légendes et autres contes obscures et inquiétants. S’il perd au passage une toute petite partie de ce qui faisait son charme (eh oui, le (chroniqueur) Breton est chauvin), le groupe n’en reste pas moins pertinent en abordant différents thèmes qui bien évidemment collent toujours aussi bien à l’ambiance de la musique. Sorcellerie, magie noire, Mort et autres malédictions lancées des profondeurs de la Terre noircissent ainsi l’essentiel des paroles écrites par monsieur R. Cadaver. Saluons d’ailleurs à juste titre l’excellent travail d’ambiance effectué tout au long de ces trente-cinq minutes. Naturellement, les riffs sinistres et nauséabonds composés par K. Desecrator participent grandement au développement de ces atmosphères dont se drapent chacune de ces neuf compositions mais on pourrait également y ajouter cette très chouette introduction particulièrement angoissante signée Cyril L’Hostis du groupe Vaisseau, ce sample du Nosferatu, Phantom Der Nacht de Werner Herzog particulièrement bien choisi sur les dernières secondes de "Of Wolves And Ghosts" ou bien encore cet interlude instrumental au feeling mélancolique et spectrale qu’est "Subterranean Deathspell". Chacun à leur manière contribuent ainsi à entretenir ces ambiances délétères et morbides mais également à favoriser l’immersion de l’auditeur dans ces contrées putrides et désolées.
Marchant évidemment à grandes enjambées dans les pas des précédents travaux de Venefixion,
A Sigh From Below perpétue la tradition d’un Death Metal sauvage et primitif largement influencé par l’école suédoise de la fin des années 90 et du début des années 2000 (Repugnant, Tribulation, Necrovation, Kaamos et Verminous en tête) même si on pourrait également aller piocher du côté de la scène américaine de la fin des années 80 avec des groupes tels que Necrovore, Morbid Angel, Fatal ou Malfeitor. Bref, une approche naturellement passéiste marquée par ces nombreuses accélérations de Punk à chien menées le couteau entre les dents ("Veneficial Upheaval" à 2:26, "Of Wolves And Ghosts" à 0:32, "Ways To The Netherworld" à 0:09, "Clavicula Salomonis" à 0:24...), par ces riffs diaboliques dont l’efficacité redoutable fait bien vite oublier leur relative simplicité ("Of Wolves And Ghosts" , "Clavicula Salomonis" , "Summoned And Defiled" , "Aghori's Ashes Of The Dead"...), par ces solos tantôt infernaux ("Veneficial Upheaval" à 2:44, l’entame tonitruante de "Ways To The Netherworld", "Aghori's Ashes Of The Dead" à 1:58), tantôt plus mélodiques ("Of Wolves And Ghosts" à 1:51, "Ways To The Netherworld" à 2:34, "As Light Goes Astray" à 0:40 et 2:27) dont certains aux forts relents Azagthothiens comme ceux de "Clavicula Salomonis" dispensés par Michel Dumas (ancien guitariste des excellents Mutilated), par ces quelques séquences plus en retenue et autres décélérations qui viennent apporter ces nuances nécessaires à toute bonne dynamique tout en brisant quand même quelques nuques au passage ("Of Wolves And Ghosts" à 1:24, "Ways To The Netherworld" à 1:49, "Clavicula Salomonis" à 2:32, "Aghori's Ashes Of The Dead" à 1:36), par ce growl rugueux et bardé juste ce qu’il faut de réverb’. Bref, un cahier des charges dûment respecté par une formation qui à défaut d’apporter beaucoup d’originalité à son Death Metal (même si on peut saluer le caractère plus "progressif" et "exploratoire" d’un titre comme "As Light Goes Astray" plein de relief (on y trouve justement Nathaniel Colas du groupe de Doom Dyonisiaque venu pousser quelques lignes de ce chant déclamatoire et prophétique) et sortant quelque peu du schéma de composition des précédents morceaux de l’album) sait se faire particulièrement convaincant.
Servi par une production impeccable offrant caractère et lisibilité sans pour autant dénaturer une seule seconde le propos et les intentions malfaisantes de Venefixion,
A Sigh From Below est l’album que tous ceux tombés sous le charme des précédentes sorties des Bretons attendaient de pied ferme. Un disque impitoyable qui derrière ses atours primitifs se montre bien plus vicieux et malins qu’il n’y parait de prime abord. Car sans parler de véritables subtilités, les compositions de ce premier album font preuve en effet d’une certaine intelligence dans ce bon usage de la dynamique, la construction et le déploiement de ces atmosphères viciées et sournoises et dans son habileté à mélanger mélodie et frénésie sans pour autant donner le sentiment de perdre en intensité. S’il s’est donc particulièrement fait attendre,
A Sigh From Below ne déçoit pas et surtout continue de nous réjouir écoute après écoute. Signe évident que Venefixion a réussi son coup et qu’il fait parti, avec quelques autres, de ces groupes capables de mettre la France au coeur des discussions en matière de Death Metal.
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