Venefixion - Anointed In Nazarean Blood

Depuis 2015 et la sortie de sa première démo, Venefixion semble malheureusement condamné à devoir faire face à d’incessants changements d’effectifs. En effet, depuis la sortie de A Sigh From Below il y a un petit peu moins de quatre ans, le groupe breton a vu Kevin Desecrator laisser sa place derrière les fûts à Thomas Njodr (Ende, The Veil, Krasseville, ex-Red Dawn...) non pas pour la simple beauté du geste mais surtout afin de reprendre à son compte les postes laissés vacants par Reiðō Zweit Eveno (guitare), J. Obscene (guitare) et Max Abomination (basse) tous les trois démissionnaires... Une situation forcément un petit peu bancale qui n’a pas empêché cependant la formation d’avancer ses pions avec la sortie récente d’un nouvel EP intitulé Anointed In Nazarean Blood.
Sorti en cassette chez Iron Bonehead Productions ainsi qu’en vinyle chez Obscurity Of Error Records et Spikekult Rekords, ce court EP d’à peine dix minutes voit le retour de Venefixion se faire au son de trois nouveaux morceaux parmi lesquels une chouette introduction. Une petite subtilité existe cependant puisque ceux qui feront le choix d’opter pour la version cassette limitée à 150 exemplaires auront l’agréable surprise de trouver en guise de bonus une excellente reprise du titre "God Died On His Knees" des Américains d’Incubus (celui originaire d’Atlanta en Géorgie avec Mike Browning derrière les fûts).

Enregistré et mixé une fois de plus par Raphaël Henry au Heldscalla Studio (Dionysiaque, Lunar Tombfields, Mercyless, Misgivings, Sacrifizer...) puis masterisé ensuite par Arthur Lauth (Mantra, ex-War Inside), ces trois / quatre nouveaux morceaux bénéficient d’une production soignée alliant à la fois une certaine modernité et un évident et profond respect des traditions. Une production des plus engageantes à l’image de cette très chouette illustration particulièrement graphique signée Alexander Shadrin aka Nether Temple Design (Bloodsoaked Necrovoid, Desekryptor, Father Befouled, Fornicus, Heresiarch, Persecutory...). Bref, tous les signes d’un EP bien né.

Avec "Oath Of Har-Meggido (Intro)" les Bretons (par le biais de W. Cadaver, ancien guitariste de Venefixion ayant quitté le groupe en 2016) laissent planer d’entrée de jeu une atmosphère religieuse inquiétante et tendue grâce à quelques nappes synthétiques sobres mais particulièrement efficaces. Une introduction ni trop courte ni trop longue dont le sample tiré du film Omen III : The Final Conflict ("Satan, I will avenge thy torment, by destroying the Christ forever") va effectivement nous plonger dans l’ambiance particulièrement chaleureuse et fraternelle qui nous attend à l’écoute de ces quelques nouvelles compositions.
Car passé ce moment permettant effectivement d’instaurer un climat blasphématoire plutôt subtil, "Nocturnal Deceit" et "Adversarial Triumph" vont rapidement se charger de lâcher les goules sur l’église afin d’écraser le Saint Prête, retourner la croix vers les Enfers et tout le tralala... Une formule une fois encore fidèle aux canons du genre même si on appréciera d’entendre certains riffs de Venefixion opter pour des tournures Black / Death rafraichissantes (en tout cas pour la formation "rennaise") évoquant des groupes tels que Watain, Ultra Silvam ou The Third Eye Rapists (flagrant par exemple sur l’excellent "Nocturnal Deceit" qui d’ailleurs ne perd pas une seconde pour rentrer dans le vif du sujet). Marqué au fer rouge par l’intensité des premiers albums de Morbid Angel et par les démos tristement oubliées (et jamais officiellement rééditées) de Necrovore, Venefixion poursuit ici son petit bonhomme de chemin au son de brulots dont l’urgence est une fois de plus particulièrement palpable. Une urgence entretenue à coups de riffs sinistres tout en trémolo que monsieur K. Desecrator va prendre plaisir à faire tourner en boucle afin d’insister sur le côté infernal de ces derniers, par une batterie à l’avenant qui sans jamais friser l’hystérie donne quand même le ton grâce à de nombreuses cavalcades plus ou moins soutenues et par des vocalises absolument démoniaques et possédées. Mais Venefixion est un groupe plus fin qu’il n’en a l’air. S’il n’a jamais fait aucun mystère de ses influences, les embrassant pleinement depuis le début de sa carrière il y a maintenant plus de dix ans, on appréciera de constater qu’il est une fois encore capable d’apporter un soupçon de contraste grâce à quelques passages peut-être moins tendus mais à l’atmosphère toujours aussi saisissante ("Nocturnal Deceit" à 0:52 et 2:10, les premiers instants timides d'"Adversarial Triumph" puis aux alentours de 2:24 après ce chouette solo signé NGH de Vortex Of End).

Si la reprise d’Incubus n’a pas su trouver le chemin de la version vinyle de ce EP faute de place, sachez que le groupe l’a tout de même mise à disposition sur YouTube afin d’en faire profiter tout le monde. Particulièrement dans le thème d’Anointed In Nazarean Blood, "God Died On His Knees" ne va clairement pas trancher avec les deux titres précédents puisque c’est encore le couteau entre les dents que Venefixion va mener cette relecture qu’il a pris soin de remettre au goût du jour. Bien sûr cette reprise fidèle n’atteindra jamais l’aura de la version originale mais il faudrait être sourd et de mauvaise foi pour ne pas succomber aux charmes de cette version radicale et mieux produite (que j’aurai aimé pouvoir jouer sur ma platine).

Trois ans et demi après son premier album, Venefixion vient donc se rappeler à nos bons souvenirs et cela après plusieurs petites galères de line-up forcément un brin handicapantes. Evidemment, on aurait aimé en avoir davantage à se caler sous la dent mais pour autant on ne boudera pas notre plaisir car aussi brèves soient-elles, les choses sont une fois de plus particulièrement engageantes du côté de ces Bretons qui décidément ne mettent jamais à côté. Il n’y a plus qu’a souhaiter que le groupe parvienne à stabiliser ses effectifs et surtout que le travail de composition soit au moins aussi inspiré et efficace qu'il ne l’a été à l’occasion de ces deux morceaux dont l’enregistrement remonte tout de même à plus d’un an aujourd’hui... Bref, comme toujours dans ce genre de cas, vivement la suite !

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