Kerasfóra - Denn Die Todten Reiten Schnell
Chronique
Kerasfóra Denn Die Todten Reiten Schnell (Démo)
Ce portail monumental fermé, cette végétation envahissante laissant présager l’abandon des lieux qui se dissimulent derrière ces épais murs de pierres seraient-ils un avertissement pour quiconque oserait s’aventurer de l’autre côté ? Ou au contraire une invitation à pousser cette grille dans un grincement sinistre, le souffle rendu court par le frisson qui parcourt l’échine de celui qui domine sa peur ? L’un, l’autre, peut-être même les deux à la fois, chacun se forgera son opinion à l’issue du trop bref voyage dans les douces ténèbres que nous propose KERASFÓRA avec cette démo sortie en août 2021, intitulée Denn Die Todten Reiten Schnell.
Bien que le titre de ce premier effort soit en langue allemande, Kerasfóra, l’unique artiste à l’origine de ce projet musical, dont on apprendra juste qu’il se revendique non-binaire, nous vient du Chili. Cette étroite bande de terre coincée entre les Andes et l’Océan Pacifique semble être devenue la Terre bénie du Metal extrême, tant les groupes y pullulent avec une densité au mètre carré frôlant l’indécence. Une fois de plus, il s’agit de faire un consciencieux travail de sélection pour dénicher LA pépite et là, en l’occurrence, il s’agit, de par son format minuscule, d’une poussière d’étoile filante, mais éminemment scintillante ! Derrière ces murs, sous le velours moiré de la nuit, allons nous enivrer dans une funèbre tarentelle en quatre temps, quatre foulées qui nous élancent vers le firmament d’un Black Metal atmosphérique à la fois raw et mélancolique.
C’est d’abord la joliesse de la bien nommée "Southern Wind" qui aguiche : le vent qui s’engouffre et se répand tortueusement entre les cordes de cette guitare acoustique aux accords graciles, presque fragiles, l’apparition de ce clavier archi daté qui retiennent l’attention. La mise en bouche est si délicate que l’on s’abandonne rapidement dans l’atmosphère ouatée d’une nuit d’encre. Survient alors avec "Night's Symbol" le chant exhalé, hanté, lointain de Kerasfóra (dont on découvrira également la voix claire, séduisante, sur "Spectral Twilight"), mais aussi cette harmonie parfaite, ce savant équilibre entre la guitare aérienne, planante et le clavier, omniprésent, de plus en plus touchant, presque naïf. La langueur répétitive des morceaux aura tôt fait de nous faire sombrer définitivement dans le songe d’une chevauchée fantastique que l’on aimerait revivre inlassablement chaque nuit. Avec KERASFÓRA la mélancolie se transforme en un poison que l’on s’injecte, que l’on renifle, jusqu’à contaminer les tréfonds de notre âme. La dernière piste, "A Silver Light", bien qu’affichant un caractère nettement plus impétueux, n’en reste pas moins terriblement entêtante, comme l’ultime impulsion vers les astres sombres.
Quatre temps, vous disais-je, pour que Denn Die Todten Reiten Schnell tourne irrémédiablement à l’obsession chez ceux qui tomberont dans ce guet-apens : nous serons tour à tour visés, éraflés, touchés, transpercés...
N’attendez rien d’extravagant, ni de complexe, encore moins de révolutionnaire dans les compositions de KERASFÓRA, non. Cette nonchalante économie de moyens instrumentaux permet du reste de mettre en exergue l’indiscutable pouvoir de séduction de cette démo, qui réside dans l’immersion quasi instantanée dans cette obscure ambiance onirique, presque romantique, dans laquelle nous plongent, chacune à leur manière, ces quatre pistes. Avouez aussi que ce son juste ce qu’il faut de crasseux, ce discret mais perpétuel crépitement d’une chandelle que l’on mouche dans la nuit, se marie à merveille avec le propos musical !
Je n’aurais qu’un grief à l’égard de notre mystérieux artiste : sa cruauté. Oui, sa cruauté à nous laisser sur le carreau de manière aussi brutale. L’envoûtement, bien qu’immédiat, est de trop courte durée, le charme est rompu de manière trop abrupte. Des écoutes répétées, même en boucle, de cette très prometteuse démo n’effaceront pas ce terrible sentiment de frustration de n’avoir que ce petit quart d’heure à se mettre sous la dent. Une suite, plus généreuse et d’égale qualité, vite !
| ERZEWYN 1 Novembre 2021 - 824 lectures |
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