Mercury X - Imprisoned
Chronique
Mercury X Imprisoned
Un autre jeune talent sorti du tréfonds de l'underground pour venir opportunément compléter mon bilan de fin d'année ? Oui-da! Je prends, et plutôt deux fois qu'une. Cette chronique commence bien : Mercury X avait su me cueillir dès « Lonely », premier extrait de l'album que j'entends à présent vous vanter sur votre webzine préféré. En cinq minutes et treize secondes, je tombais amoureux de ces sonorités matures, immédiatement séduisantes, jonglant habilement entre tradition et modernité dans le registre ô combien délicat du metal progressif. Jusqu'à parier que ce surprenant effort d'un groupe d'anonymes qui n'a même pas sa propre page sur Encyclopaedia Metallum ne pouvait décemment pas être qu'un coup d'un soir. Qu'est-ce que j'ai bien fait de spéculer ainsi sur leur troisième offrande! Ce qui ne devait être qu'un EP ne comportant que l'épique morceau-titre de vingt minutes s'est progressivement transformé, à la faveur des multiples phases d'isolations planétaires, en un album concept d'une grosse quarantaine de minutes traitant des difficiles conditions mentales imposées par ces confinements. Tu m'étonnes que Frontiers Music n'a pas dû hésiter longtemps avant d'enrôler ce précieux quatuor suédois dans son escarcelle... Originaire de Norrtälje, dans la banlieue de Stockholm, Martin Björklund (guitares, voix, violon), Alfonso Flores (basse), Jonas Vedin (guitares) et Denis Diaz (batterie, voix) se sont rencontrés durant leurs études, comme un célèbre combo du même genre dont ils ont certainement dû s'inspirer à leurs débuts, en aiguisant leurs riffs entre deux partiels. En tout cas, après deux grands frères confidentiels sortis en totale indépendance, Imprisoned entend donc révéler au petit monde du metal progressif le talent et les ambitions des Suédois.
Et ils n'en manquent pas, les petits coquinous! Leur habileté dans la composition, qui évoque parfois la subtilité de leurs compatriotes Pain Of Salvation sautera directement aux oreilles les plus exigeantes. En effet, leurs cinq créations expriment toutes une mélancolie profonde avec une cohérence d'orfèvre, qualité sine qua non d'un album concept. J'ai compris dès les premiers accords d'« Until The Break Of Day » à quel point ce quatuor en avait sous la pédale. Ces accords éthérés qui savent toucher au cœur avec délicatesse, ces phrasés syncopés qui posent directement une chape de plomb dans le cœur... même lorsque le groupe ralentit le tempo pour voguer dans des territoires plus seventies dans « The Light In Your Eyes », la recette fonctionne totalement. De toutes façons, « Lonely » condensait déjà ces qualités en un « single » efficace qui révélait à la fois l'expressivité et l'efficacité du metal progressif des Suédois, capables de changer de tempo et d'atmosphère en conservant toujours une belle puissance mélodique. Le break qui intervient vers 13'48'' dans le morceau-titre montre toute la puissance émotionnelle que Mercury X est capable de déverser dans sa musique. Le quartet est bien aidé par la voix cristalline de Martin Björklund qui en transcende les refrains, à l'image de celui du morceau d'ouverture « Until The Break Of Day » qui me fait déjà louper quelques battements :
« Stay ! Hold on to me !
I promise, I'll be your saviour !
I will be there...
Stay! Hold on to me !
Until you vanishing to nothing
Stay at least until the break of day ! »
De toutes façons, Mercury X enchaîne les morceaux de bravoure sur Imprisoned. L'épique qui donne son nom à l'album mérite d'ailleurs un paragraphe à lui tout seul. Capable d'être à la fois varié et extrêmement cohérent dans un registre sombre, soignant particulièrement bien les transitions (exercice ô combien difficile sur un titre de cette envergure) ou encore les changements de tempo, « Imprisoned » est bien le chef-d'oeuvre ultime de ce millésime et joue de l'épaule pour figurer parmi les toutes meilleures créations « épiques » entendues cette année. Après une rapide ouverture toute en choeurs mystiques, il entre directement dans le vif du sujet avec une déferlante rythmique qui oscille entre des assauts heavy efficaces et emblématiques et des claques ternaires saccadées typique du metal progressif moderne. Ses chanceux auditeurs passeront par tous les états, de l'ombre à la lumière, de la tristesse qui serre le cœur à la libération qui le délivre, à la faveur des nombreuses évolutions habiles du morceau qui reste également cohérent dans sa thématique : l'individu enfermé qui gamberge entre plusieurs états mentaux, de l'anxiété à l'espoir, de la résignation à l'évasion. Cette instabilité est particulièrement bien dépeinte par l'alternance de voix entre Martin Björklund, dans un registre aérien et mélodique et Denis Diaz, dans un registre plus bourrin qui évoquera par moments la tessiture marquée de Chuck Billy (Testament). Cette instabilité chronique se traduit également par un groove naturel et une atmosphère qui saura toujours surprendre et emporter les foules. Comme ce fameux break anthologique mentionné plus haut, véritable « banger » certifié par la patrouille, qui tire le morceau vers les sommets et en relance la dynamique mélodique avec beaucoup d'acuité :
« I see a man behind a gate, Pale as a ghost
He's just a child in my eyes, with lies untold
Now here I am, infront of you, please walk with me !
I'll take you to another place... far away ! »
Et lorsque Denis Diaz le reprend par le col en hurlant, c'est l'occasion pour Martin Björklund de lancer une tirade céleste (« I remember the darkness... ») qui vient progressivement achever la gradation d'« Imprisoned » sur des sommets de beauté. Mais le braquage ne pouvait être parfait. Si la production est correcte et permet d'appréhender sans mal la touche particulière des Suédois, elle demeure un peu plastique, notamment dans le son de batterie de Denis Diaz qui paraîtra un brin monolithique malgré la virtuosité de certains patterns. De même, la basse d'Alfonso Flores, si elle reste très audible dans les passages mid-tempo (« The Light In Your Eyes »), manque de profondeur et d'attaque dans les moments plus rapides et paraît un peu noyée par les guitares. Et bien que je comprenne leur démarche, j'aurais apprécié de voir l'album se conclure sur l'extraordinaire morceau-titre plutôt que sur « The Sound Of Nothing », malgré ses qualités évidentes : on y retrouvera à la fois belle mélancolie qui plane comme une dame noire sur tout l'album et les motifs accrocheurs qu'y cultivent les Suédois. Reste que ce morceau paraît forcément plus anecdotique et fait quelque-peu retomber ce souffle épique qui pulsait sur son prédécesseur.
Cela ne les empêchera pas de laisser une trace : Mercury X n'en reste pas moins une excellente découverte. La séduction pernicieuse que le groupe a su exercer sur moi à l'aide de ses appâts a totalement fonctionné. Imprisoned, avec ses relents mélancoliques et épiques, s'est même rapidement transformé en coup de cœur. Vous l'aurez compris, ce troisième effort attrape sur le gong une place de choix les temps forts de cette année et propulse le combo dans la catégorie enviable des grands espoirs du metal progressif, aux côtés de Turbulence et autre Simulacrum. Ne leur reste qu'à battre le fer tant qu'il est chaud... espérons que le quatuor pourra sans tarder présenter ses créations pleines de potentiel à une audience que j'espère exponentielle.
| Voay 10 Décembre 2021 - 1015 lectures |
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