Ihlo - Union
Chronique
Ihlo Union
Ah, Internet… cet endroit fantastique d’échange de savoirs, de cultures et de connaissances, parfois pas toujours très légal, mais accessible en un instant par tous. Je crois que, à bien des égards, c’est l’invention la plus importante du XXème siècle (certains penseurs vont même jusqu’à affirmer que c’est le plus grand changement dans la vie de l’homme moderne), de par l’explosion de toutes les barrières de distance établies par nos frontières terrestres, géographiques, et ce dans tous les domaines (et donc, fatalement, dans celui de la musique). Aujourd’hui, grâce à Youtube ou Bandcamp, on peut se targuer de connaître tous les groupes de black metal existants au Népal et de continuer de dire très modestement « oh tu sais, moi… je connais pas tant de choses que ça hein! » ou même « Cruentus? Ouais c’est un classique ça… » alors qu’à l’époque, se procurer un CD de Loudness directement importé du Japon relevait de l’exploit. On peut ainsi se forger une culture gigantesque rien qu’en surfant sur quelques sites, et ce ne sont pas des webzines comme Thrashocore qui iraient dire le contraire! Internet a également permis l’explosion des sous-genres, des notoriétés et des groupes. Certains groupes des années 70-80 qui s’étaient séparés quelques années plus tard refaisaient surface des décennies plus tard suite à l’engouement inattendu de leurs vieux albums, rendus accessibles par tous grâce à Youtube notamment (c’est comme ça qu’on retrouve, sans crier gare, des groupes comme Cirith Ungol figurer en tête d’affiche du Keep It True). Certains autres, plus jeunes, décident de prendre leur élan dans cette course folle et d’exploiter aux maximum les outils à leur disposition pour se retrouver parmi les gros noms que l’on cite en guise d’exemples pour illustrer un genre au bout de seulement quelques années!
Et puis Internet, c’est aussi les rencontres… la connexion instantanée entre tous les êtres humains au travers des réseaux sociaux, de Facebook notamment, et de toutes ses fonctionalités qui se sont ajoutées au fur et à mesure du temps… Au détour de quelques publications, on finit par tomber sur des groupes Facebook de shitposts dédiés à un ou plusieurs groupes particuliers et on y fait de fantastiques rencontres…
Oui, c’est comme ça que j’ai eu vent du groupe Ihlo, qui remporte aisément la palme de la rencontre la plus improbable que j’ai jamais faite. Par le biais d’un bon ami, me voilà inscrit sur un groupe de shitpost dédié à Haken et me voilà en train de découvrir son lore et ses membres, d’abord d’un oeil circonspect et amusé. Je rencontre plusieurs de ses administrateurs dont le cher Andy Robison, qui m’apprend qu’il tient également un groupe de shitpost dédié à son groupe actuel (le bougre a tout un background musical derrière lui), Ihlo, et que son premier album s’apprête à sortir. Ni une ni deux, je prend contact avec lui pour lui demander si je peux l’écouter en accès anticipé pour une quelque chronique… et me voilà avec le précieux sésame. On fait sa pub comme on peut, aujourd’hui!
Je lance alors l’album et, en quelques minutes, j’oublie toute la sphère « 2nd degré – shitpost – burlesque » pour découvrir une oeuvre produite à la perfection et qui me propose un prog moderne très doux, aérien, qui aime prendre son temps mais d’un autre côté qui aime bien te montrer ses gros muscles plein de riffs lourds et de rythmiques décousues. Voici, en quelques mots, cette oeuvre: « Union »!
Et oui: derrière les grivoiseries se cache un travail tout ce qu’il y a de plus sérieux et qui est à prendre avec autant de considération qu’un Haken, Devin Townsend, Leprous ou TesseracT, pour rester dans le thème. En un album, Ihlo parvient à se hisser au niveau des géants, certes, peut-être pas en termes de notoriété, mais indéniablement en terme de qualité et d’originalité.
L’album débute avec la piste éponyme, par une intro calme et ambiante à la guitare clean… avant de nous introduire les gros riffs bien lents, à la rythmique saccadée. Et mine de rien, en quelques minutes, le groupe nous a montré toute la dualité autour de laquelle l’album s’apprête à graviter! « Union », c’est une oeuvre qui prend son temps. Pratiquement chaque morceau est ponctué par de longs breaks ambiants (« Union » et son piano, « Starseeker », « Hollow » et sa superbe reverb, « Triumph » et sa longue montée, « Parhelion » et ses pads et « Coalescence » et son intro aux guitares hypnotiques) temporisant l’oeuvre, la sortant de la simple sphère « prog metal moderne bourrin avec des riffs super lourds et une production soignée au poil » pour se rapprocher de quelque chose de plus sincère, intimiste, à l’image des dernières oeuvres des norvégiens de Leprous. La voix, d’ailleurs, semble s’en inspirer clairement: à certains moments, elle ne chante plus, elle susurre. Dans « Union », la voix n’est pas très présente, elle se met en retrait, mais les mélodies restent prenantes et donc suffisantes (elle n’en fait pas de trop, juste ce qu’il faut). Dans « Starseeker », c’est durant le couplet où l’on entend bien la basse qu’elle se démarque, ou plutôt qu’elle disparaît, presque muette. On retrouve également ces procédés dans « Hollow » et à certains passages de « Coalescence ». Et puis, des fois, elle revient, plus claire et plus forte que jamais, pour nous graver dans la mémoire des refrains magnifiques qui nous marqueront facilement (« Hollow », « Union », « Reanimate », « Parhelion », « Starseeker »). La voix se joue de cette dualité, entre absence et présence, et elle sait exactement quand réapparaître et quand se dissimuler, donnant ainsi un rendu en parfaite symbiose.
Mais le groupe n’hésite pas non plus à sortir les gros moyens pour nous montrer toutes ses influences issues de la scène prog moderne, au sens le plus classique qu’on puisse entendre. En effet, préparez-vous à recevoir des riffs d’une lourdeur équivalente à la pression atmosphérique de Vénus avec « Reanimate », « Union », « Starseeker » et « Parhelion », contrastant fortement avec la voix plus subtile et plus discrète. Préparez-vous aussi à invoquer les équations de Navier-Stokes pour comprendre la rythmique qui se cache derrière, parce qu’elle aussi vous jouera quelques tours. Enfin, quelques synthés/claviers seront aussi de la partie, notamment dans « Triumph », « Reanimate » ou « Coalescence » et que l’on retrouve, de manière générale, dans à peu près toutes les oeuvres modernes de metal progressif.
Enfin, tout bon album de prog qui se respecte se doit d’inclure un final grandiose, beaucoup plus long et travaillé, pour nous laisser sur une apothéose. Chez Symphony X, ça sera « The Odyssey » sur l’album du même nom, pour Seventh Wonder, ça sera « The Great Escape », chez Dream Theater, ça sera « Octavarium »… Même le tout récent « Empath » de Devin Towsend l’a fait, avec « Singularity »! Ici, le morceau-apothéose, c’est « Coalescence », que l’on peut aisément ranger aux côtés de tous les précédents que j’ai cité. Le morceau part avec une intro qui prend bien son temps et qui regroupe tous les instruments secondaires et effets que l’on a entendu précédement (piano, reverb…), comme pour effectuer une synthèse, ensuite on trouve à plusieurs reprises de superbes montées qui mènent à un magnifique refrain, un très bon break atmosphérique à mi-chemin (un autre!) et une montée aérienne durant les cinq dernières minutes qui est peut-être la meilleure chose de cet album, qui se termine sur une note absolument majestueuse, servant de conclusion parfaite à l’album.
Que ce soit sur un groupe de shitpost entre deux memes, lors d’un festival ou par vos potes, tous les moyens sont bons aujourd’hui pour découvrir de nouveaux groupes (et, quand on est musicien, de répandre nos paroles), bien que certains soient moins conventionnels que d’autres. Dès lors, les découvertes ne seront que plus inattendues et les surprises plus agréables, comme c’est le cas avec cet « Union »!
Ah et bon sang, qu’est-ce que ça veut dire « Ihlo » à la fin?!
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