VOLA - Witness
Chronique
VOLA Witness
« We are returning into ominous.
We are a lost cause...
We are commiting the dominance
of these black claws. »
Bien qu'il soit hautement improbable de voir VOLA figurer au milieu des tendances brutales de votre webzine préféré, il n'est pas pour autant une cause perdue. Je vais tenter de m'en faire le défenseur l'espace d'une chronique. Formés en 2006 autour du guitariste et chanteur Asger Mygind, les Danois se sont distingués par plusieurs sorties intéressantes depuis 2011 et l'EP Monsters, dans un registre metal progressif résolument moderne qu'on pourra qualifier de djent. Avec Inmazes (2015), ils renforcent leur style en le dotant d'addendas pop que la voix sucrée d'Asger Mygind assume avec réussite dans un registre proche d'Einar Solberg (Leprous). Son acolyte Martin Werner l'accompagne aux claviers depuis la fondation du quatuor qui a réussi à stabiliser son line-up depuis 2011, avec l'arrivée du bassiste Nicolai Morgensen et du batteur Adam Janzi. Ensemble, ils accomplissent des progrès constants que leur sortie de 2018 Applause From A Distant Crowd rendait explicites. Ses titres immédiatement accrocheurs comme « Ghosts », « Alien Shivers » ou encore « Still » ont récemment su me happer et me procurer cette chair de poule caractéristique des groupes auxquels il ne faut que quelques secondes pour me séduire. C'était donc le pied ferme que j'attendais ce très prometteur Witness, à la pochette aussi évocatrice qu'abstraite, signée Gregor Huber et intitulée « The Eye » : il y a de quoi se noyer dans ce trou noir qui presse l'auditeur d'ouvrir le digipack et de se laisser emporter par l'écoute. Ce n'est pas la première fois je me laisse prendre au piège de ce genre de douceur : Leprous, Tesseract ou encore Agent Fresco, que ce bon Anken m'a récemment fait découvrir au détour d'une conversation sur notre forum, avaient déjà su trouver mes faveurs en ajoutant intelligemment à leur musique un côté moderne et mainstream.
N'allez pourtant pas croire que je suis un homme facile. VOLA a d'abord su me convaincre par sa maîtrise des rythmiques syncopées qui ajoutent à son côté bonbon un supplément de brutalité. « Head Mounted Sideways » et la basse claquante de Nicolai Morgensen ou encore « Stone Leader Falling Down » et sa lourdeur gravitationnelle évoquent la puissance d'un Meshuggah et rendent aux Suédois leur mérite dans la révolution d'un pan entier du metal des années 2000. Ces rythmiques qui cavalent et pulsent sont mises en relief par le mixage et le mastering de Jacob Hansen qui fait ressortir la profondeur de leurs notes et offre à ce Witness des épaules très solides. Ces assauts typiquement djent sont renforcés par la grande maîtrise technique des musiciens, notamment la section rythmique qui brille à plusieurs reprises dans la précision mathématique de sa frappe : « Napalm » et sa double pédale martiale ou encore les polyrythmies subtiles de « Straight Lines » ou « Future Bird » dévoilent avec subtile la maestria de ses musiciens. D'autant plus que le quatuor ne fait jamais l'erreur d'être trop démonstratif : Witness, en dehors de « Freak », ne comporte que très peu de soli, privilégiant l'efficacité et la sophistication à la dextérité parfois stérile.
La violence de ses attaques côtoie en permanence la fragilité et la beauté de mélodies que la voix haut perchée du frontman sait raffiner et transcender en permanence. Asger Mygind développe, peut-être encore davantage sur l'album précédent, une science du refrain immédiatement accrocheur. À la manière d'un Einar Solberg, justement, ses tessitures aiguës portent les hymnes de ce nouvel albums avec une grande élégance. Sa voix, très présente, plane systématiquement au-dessus des mélodies, qu'elles soient violentes ou douceâtres : il contribue à élever plusieurs passages de ce Witness vers les cimes. Les diverses expériences que VOLA tente fonctionnent totalement! Que ce soit dans un registre agressif, presque extrême dans la fin de de « These Black Claws »...
« One straw in the drain!
One word that you failed to sustain! »
… ou encore dans un registre electro lorsqu'il habille son organe d'auto-tune dans la fin de « Straight Lines », le début de « Napalm » ou le pré-refrain de « Head Mounted Sideways », amplifié par les claviers résolument modernes de Martin Werner. Ce dernier sait toujours impulser des mélodies simples, immédiatement accrocheuses, à l'image des quatre notes qu'il joue en boucle lors du refrain du dernier morceau sus-cité. Il contribue dans bien des titres de ce nouvel album à faire de VOLA une fusion aussi naturelle que parfaite entre plusieurs style. Le claviériste a su polir ses sonorités pour en faire des catalyseurs d'émotions jamais hors de propos. Witness s'impose ainsi comme une grande réussite dans les diverses facettes qu'il présente à ses auditeurs, tout en conservant sa cohérence interne dans chacune d'entres elles.
En effet, la principale qualité des Copenhaguois réside dans leur capacité à balayer un large spectre d'influences et d'idées, en restant parfaitement équilibré dans leurs intentions. Le combo remplit parfaitement le cahier des charges de l'expérimentation, excellant notamment dans les ruptures de ton. La transition entre la noirceur infinie de « These Black Claws » et les effluves aériennes de « Freak » et son feeling floydien fonctionne totalement. Les Danois accomplissent également le tour de force d'aller encore plus loin dans leurs tentatives. L'idée géniale d'inviter le duo Shahmen à poser leur empreinte sur « These Black Claws » se transforme en un temps fort absolu de ce Witness. Le flow sombre et la voix grave du rappeur B L S ainsi que la prod old school du beatmaker SENSE offrent tous deux à ce titre une grande intensité. Les Danois ne s'oublient pas pour autant, répondant à cette lourdeur par des guitares acérées et un refrain libératoire qui propulsent le disque vers les sommets.
Je me dois toutefois de reconnaître que Witness, qui a également le mérite d'être un album aussi court qu'équilibré, s’essouffle un peu en son milieu pour venir mourir sur un « Inside Your Fur » à la fois un peu long et un peu fade. Dommage de terminer cet album, qui atteint un très bon niveau durant sa grosse quarantaine de minutes, de cette manière. VOLA cède aussi, c'est plus rare, un peu trop de terrain à la facilité, avec des mélodies pop bonbon qui paraissent anecdotiques au regard du beau bilan global : « 24-Light Years », malgré ses beaux accords de piano et sa ligne de chant envoûtante, manque de cette percussion qui anime les cartouches plus sombres tirées par les Danois. De même, « Future Bird », qui propose tout de même une basse efficace et un beat electro subtil, a tendance à tourner en rond, d'autant plus qu'il s'intercale entre deux morceaux plus marquants, « Napalm » et le bourrin « Stone Leader Falling Down ». Mais même dans ses temps faibles, force est de concéder à VOLA développe des qualités que le temps et les écoutes successives sauront certainement sublimer.
En tout cas, en livrant ce Witness, les Danois poursuivent leur pari de faire exploser les barrières du registre djent, en allant grappiller des influences et des idées de composition hors de ses sentiers balisés. En suivant le chemin exploré par Leprous, ils rivalisent d'inventivité avec leur influence principale, tout en incorporant à leur metal progressif des éléments personnels. Capables de fracturer les cervicales comme d'émouvoir aux larmes, VOLA confirme son potentiel à l'heure du troisième album. Ce qui tombe très bien, les Danois n'en sont qu'à la fin du début de leur carrière!
| Voay 26 Mai 2021 - 1804 lectures |
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