Avouez-le, les lives acoustiques vous font moyennement rêver, vous aussi. À part quelques exceptions notables qui apportent leur couche d'émotion supplémentaire aux morceaux originaux, je suis modérément client de la pratique. Pourtant, se fendre d'une telle sortie avait tout de l'excellente idée pour
Devin Townsend. Il s'est déjà essayé à l'exercice avec réussite, en 2011 avec
Devin Townsend Unplugged. Il y a plusieurs titres de sa discographie, que ce soit dans les disques sortis sous son nom seul, ceux du
Devin Townsend Project, du
Devin Townsend Band ou même de
Strapping Young Lad, qui se prêtent particulièrement bien à l'exercice sur le papier. Il n'a plus rien à perdre : l'oeuvre gargantuesque dont il a douloureusement accouché depuis le milieu des années 1990 l'impose comme l'un des couteaux les plus aiguisés du metal progressif. Le pari de porter sur scène une sélection issue de son océan de classiques dans une atmosphère épurée, simplement accompagné de sa guitare et de quelques volutes de clavier aérien avait tout pour être gagnant. L'affaire est emballée dans une production organique qui fait bien ressortir l'écho de sa six-cordes. En faisant le choix du minimalisme, le Canadien a également le mérite de prendre un risque, de se mettre à nu. Comme Marcelo Bielsa était en train de faire remonter le Leeds United en Premier League, notre vocaliste tombe face à un parterre enthousiaste, prêt à rire à chacune de ses vannes, même les moins drôles. Il ne se prive pas pour interagir avec le public de cette salle intimiste qui lui offre la chaleur et la proximité nécessaires. « What a beautiful venue, I can see anybody! », dit-il d'ailleurs, taquin. Ces échanges qui prennent parfois des allures de stand-up offrent des respirations intéressantes, quoiqu'un brin longuettes, entre les morceaux. Attention de ne pas prendre ce
Devolution Series #1 - Acoustically Inclined, Live in Leeds pour ce qu'il n'est pas, à savoir une réalisation majeure du Canadien. Il s'agit plutôt d'une petite douceur qui atterrit avec humilité dans nos oreilles, à déguster pour attendre les full-lengths prévus en 2021 et 2022. Les sorties estampillées
Devolution Series, commandées par son label InsideOut Music, devraient se poursuivre dans le futur et comporter des morceaux mis en boîte pendant les confinements ainsi que d'autres raretés.
En tout cas, c'est surtout l'occasion d'entendre la voix habitée de Devin Townsend durant quelques instants touchés par la grâce. Le sublime morceau « Deadhead », issu du sous-côté
Accelerated Evolution (2003) n'attendait que sa version acoustique pour être encore plus aérien et enveloppant. La voix instable que Devin Townsend lui offre ici, entre éructation déchirantes et chuchotements doucereux, vaut le coup d'oreille tant sa performance est à la fois surprenante et maîtrisée. Plus inattendu encore, le relooking qu'il offre à « Love? », morceau issu de l'antépénultième full-length de
Strapping Young Lad,
Alien (2005). Il le reprend avec beaucoup d'autodérision, dans une intention farceuse et délirante. La façon dont il lance le morceau, « eat all the dicks! », me tire un sourire en coin au milieu de la mitraille de vannes. J'imagine les yeux de possédé au moment d'introduire les premiers accords, tout comme la figure hostile grimaçante qu'il doit prendre pour amuser la galerie. Le morceau se voit interrompu plusieurs fois par ses délires. Il retombe toujours sur ses pieds avec la ligne de chant « LOVE ! OH WHAT A FEELING ! », qu'il hurle à plusieurs reprise en guise de ponctuation pour un morceau qui devient totalement expérimental et barré. Sa voix, très mise en avant, est totalement anarchique, juste soutenue par quelques nappes sinistres de clavier, ajoutant un supplément d'exagération à ce moment anthologique. C'est aussi ça, Devin Townsend : des moments d'allégresse absolus qui s'entrechoquent avec des moments de malaise intenses. C'est en cela que ce
Devolution Series #1 - Acoustically Inclined, Live in Leeds lui rend son génie.
« So cold in the night,
Where the river flows... »
Quel plaisir d'entendre ce couplet récurrent du morceau « Hyperdrive », issu du frappadingue album-concept
Ziltoïd The Omniscient (2007), admirablement chroniqué sur votre webzine préféré par l'émérite lapin jaune. Après avoir raconté au public de Leeds l'histoire improbable de cette vieille chaussette destinée à amuser ses enfants devenue mascotte intemporelle de sa musique, les accords retentissent, pour dériver ensuite dans la mélodie ultime que propose ce morceau. Paré de ses atours contemplatifs, il prend une nouvelle dimension, se transformant en sublime ballade folk dans laquelle notre homme s'autorise quelques envolées dans les aiguës pour parfaire encore l'atmosphère poignante de cette réécriture. Bien qu'il soit à la base un morceau très calme, la version acoustique offerte ici au morceau « Terminal » de l'album
Ki (2009) du
Devin Townsend Project lui rend très bien son feeling contemplatif et éthéré. L'enchaînement avec le magnifique « Coast » du même album, totalement épuré, est d'une belle fluidité. De quoi amener tranquillement cet album vers son terme. Il était temps. En effet,
Devolution Series #1 - Acoustically Inclined, Live in Leeds n'évite pas les longueurs inhérentes à l'exercice. Bien qu'il soit rempli de qualités, cet opus live traîne un peu en longueur. Comme il est seul sur scène, le Canadien fait un peu de remplissage ; disons-le tout net, il cabotine un peu, entre ses multiples vannes et ses exagérations vocales : on pensera par exemple à l'enchaînement « Let It Roll » (du feuillu
Synchestra du
Devin Townsend Band en 2004) et « Ih-Ah! » (dans
Addicted par le
Devin Townsend Project en 2009), qui installe un tempo un brin poussif qui ne quittera jamais vraiment ce live, à tel point qu'on pourra se surprendre à bailler aux corneilles à plusieurs moments. En effet, ce concert acoustique est réservé aux fans inconditionnels du Canadien : ils trouveront dans ce
Devolution Series #1 - Acoustically Inclined, Live in Leeds un moment hors du temps et de l'époque un peu pourrie que nous vivons, qui saura les prendre par la main pour les emmener dans la galaxie féconde de
Devin Townsend.
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