« To be honest, I don't know what I'm looking for. »
Telle a été ma réaction lorsque j'ai entendu
Pain of Salvation pour la première fois. Habitué aux sentiers à peu près balisés par
Dream Theater, « maître » étalon du metal pour moi, je découvrais, au milieu des années 2000, une bande de Suédois mal rasés et mal peignés qui allait révolutionner mon approche de la musique, pour un temps du moins. Je les ai fui, bien souvent, trahi, d'autres fois, soucieux d'habiller une pseudo-crédibilité futile. Aujourd'hui, je n'en ai plus rien à foutre.
Pain of Salvation non plus, d'ailleurs. Formés en 1991 et resserrés autour de Daniel Gildenlöw, leader charismatique, guitariste et vocaliste parfaitement imparfait, ils étaient composés alors de son petit frère Kristoffer Gildenlöw (basse), Johan Hallgren (guitare), Fredrik Hermansson (claviers) et Johan Langell (batterie). Et ils ont dû se demander, attablés dans un rade d'Eskilstuna : « bon, les loulous, qu'est-ce qu'on peut faire, qu'est-ce qu'on peut bien trouver à raconter après
The Perfect Element, Part. I ? » Sortir un autre chef-d'oeuvre, pardi! C'est vrai que ça aide bien pour construire sa discographie et sa réputation. Car
Remedy Lane est, comme son prédécesseur, de cette trempe. Une putain de pâtisserie ouvragée, raffinée jusque dans ses moindres détails. Qu'on a moyennement envie de bouffer, de peur d'en gâcher la pureté incroyable, tant rien ne dépasse de cette offrande extraordinaire. Un album que j'écoute assez peu souvent aussi, il faut dire, tant la mélancolie dévastatrice de ses compositions me bouleverse à chaque écoute et me fout au sol. Ajoutez à ça un concept axé autour de l'insouciance de la jeunesse et des premiers émois amoureux et on tient la recette parfaite pour plomber même l'éternel optimiste que je suis devenu.
« Undertow », par exemple, m'abat sur la place publique. Cette extraordinaire morceau emblématique qui fait par ailleurs partie des plus gros tubes du groupe a tout de la tuerie mélancolique impitoyable. Un refrain déchirant, des arpèges mélodiques superbement produits (et encore plus percutants avec le remix qu'a offert le groupe à cet album en 2016), qui porte
Pain of Salvation au sommet. Dès l'introduction de cet album, « Of Two Beginnings », touchante mise en scène d'un coup de foudre entre deux enfants dans un hôtel à Budapest, les frissons reviennent pour ne plus me quitter. Comme pour plusieurs albums dont je vous ai parlé et vous parlerai sur votre webzine préféré, le corps parle. Mais ici, même ma raison ne peut lutter contre les sentiments que j'éprouve pour
Remedy Lane : la majesté et la beauté infinie des riffs de cet album explose dans chaque morceau, sans temps mort. « Ending Theme », dont est issue la phrase d'accroche de cette chronique, reste tellement dans la tête que n'importe qui pourrait se surprendre à en chanter le refrain sous la douche.
Au-delà de ses recoins accrocheurs,
Remedy Lane fourmille d'idées et d'innovations toutes aussi fulgurantes les unes que les autres. « Chain Sling » et son atmosphère médiévale habitée par la tessiture aiguë adopté ici par le vocaliste brise les frontières des genres. « Dryad of the Woods » reprend lui aussi les arpèges caractéristiques de cette époque dans un instrumental qui ira même jusqu'à évoquer
The Police par endroits, notamment la fin du morceau, avec des patterns de batterie qui convoquent Stewart Copeland. La basse de Kristoffer Gilenlöw inonde le morceau de sa rondeur et de sa délicatesse. Cet instrumental, grisant de facilité, paraît presque anodin mais demeure excellent, d'autant plus lorsqu'il enchaîne avec le morceau éponyme qui reprend le riff emblématique de « Ending Theme » avec ses claviers électro. De toutes façons,
Pain of Salvation ne se mettra jamais aucune barrière au fil de sa discographie. « Fandango » prouve à lui seul la richesse que les Suédois entendent offrir à leur metal progressif en introduisant un motif barré et expérimental, presque dissonant en adressant un clin d'oeil dans le riffing à ce style de danse espagnol qui se joue en contre-temps, bientôt sublimé par des guitares électriques fulgurantes. En tout cas, l'expérimentation fonctionne, d'autant plus que Daniel Gildenlöw y est totalement possédé : tantôt mielleux, tantôt agressif, tantôt complètement désespéré avec sa belle voix grave. Ses lignes de chant sont d'une polyvalence exemplaire, que certains pourront dénoncer, mais que je ne peux m'empêcher de souligner. Ce gars reste quand même un putain d'extraterrestre, à enfermer dans le même asile qu'un type comme Devin Townsend : il adopte une multitude d'intonations, d'expressions mais toujours avec un talent éclatant et une signature unique. Ses envolées lyriques sont tantôt éraillées, hurlées, tantôt intimistes et limpides, tantôt très graves et funéraires, tantôt haut perchées et naïves, pour évoquer l'enfance, font mouche à chaque fois chez moi. En tout cas, elles sont bien souvent surprenantes, tout comme le déluge de piano que crée Fredrik Hermansson pour ajouter une couche de mélodie à cet ensemble décapant.
De toutes façons, tous les morceaux
Remedy Lane rivalisent entre eux dans leur majesté. « This Heart of Mine (I Pledge) » est confondante de tendresse. « Waking Every God », plus enlevé et énervé, comporte lui aussi ses moments de bravoure. De manière générale, cet album est d'une richesse infinie : « A Trace of Blood » et « Rope Ends », qui renouent avec un metal progressif plus classique portent la signature des Suédois et parviennent avec une finesse incroyable à toucher mes points sensibles. La ballade « Second Love », tubesque au possible s'avère elle aussi terriblement accrocheuse, bien qu'elle apparaisse peut-être, à cause de la relative simplicité de son motif, comme la seule infime faiblesse de cet album. Enfin, si toutes ces belles paroles teintées d'admiration demeuraient insuffisantes pour vous convaincre d'aller jeter une oreille ou deux sur ce disque, son grand final viendra sans coup férir parachever ce qui commence sérieusement à ressembler à la perfection. L'ouverture extraordinaire de « Beyond the Pale », qui consiste en un incroyable arpège dissonant, relève toujours, à coup sûr, la chair de poule que j'ai eu à sa découverte. Le corps parle encore et le révèle comme la compilation de tout ce qui fonctionne sur cet album : une mélancolie perçante qui fuse à chaque mesure, des ruptures de ton déstabilisantes, un metal progressif martial et offensif à l'image de cette caisse claire qui fouette les cages à miel lorsque retentissent ces lignes vocales déchaînées qui marquent les temps...
« COME and DROWN with me - the UNDERTOW will sweep us away!
And you will see that I'm ADDICTED to my HONESTY
Trust! 'Cause after all my sense of TRUTH once brought me here
But I've LOST control and I don't know if I am true to my soul
I've lost CONTROL and I don't know if I am true to my soul
Losing control and I don't know if I am TRUE AT ALL! »
… une palette vocale éblouissante, disais-je, à l'image de ce phrasé hip-hop agressif, presque crié mais totalement réussi, là où ce que propose parfois Daniel Gildenlöw dans ce registre peut être plus contestable. Et ces soli de Johan Hallgren... mon dieu. « Beyond the Pale », morceau-monde au motif ultime proposera aussi des incartades médiévales cohérentes qui renvoient vers « Chain Sling » ainsi qu'une petite bruine de piano déversée sur des tremoli fulgurants... cette grande finesse de composition, atteignant une parfaite sensualité dans la mélodie, aura décidément parsemé avec grâce tous les morceaux de cet album. Sa version live de 2016,
Remedy Lane Re:lived leur apporte un supplément de percussion et parvient à capter magnifiquement l'émotion que ces hymnes efficaces diffuse sur les planches. Je vous jure, les amis, que j'ai longtemps lutté avec ma conscience de chroniqueur objectif pour ne pas lui mettre la note maximum. J'ai même osé ne mettre « que » 9,5/10 à son illustre prédécesseur pour réserver à cet album une place au soleil. Croyez-moi sur parole,
Remedy Lane la mérite.
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